Sur la mezzanine, un immense cadre avec plusieurs photos : David Dalichoux y pose avec le célèbre sculpteur César, « rencontré par hasard à New York », ou encore avec François Léotard qu’il a connu lors d’une exposition à Marseille. L’ancien maire de Fréjus lui a commandé sa salle de bain. Cependant, le cliché dont David est le plus fier est celui avec Jacques Chirac lorsque le Président de la république lui remet le titre de meilleur ouvrier de France en 1997. « J’avais 26 ans. Cette reconnaissance n’est que personnelle mais ça gratifie, les clients sont en confiance. » La même année, à la Sorbonne, le ministre de l’Éducation nationale, Ségolène Royal, lui remet le diplôme de mosaïste.
Ces distinctions prouvent que David est digne de la lignée familiale. Son arrière grand-père, mosaïste en 1910, reçoit, en 1925, la médaille d’or de « fabriquant de carreaux de mosaïque ». Son grand-père et son père l’initient très tôt à cet art ancestral au point qu’il commence presqu’au berceau : « tout petit, au lieu de faire des puzzles, je faisais des mosaïques ». Puis, il enchaîne avec 3 ans d’école à Narbonne, à la cité technique, un collège classique et professionnel où un de ses profs, un mosaïste italien, l’encourage dans cette voie. Sur ses conseils, David parfait sa formation à l’école de mosaïstes du Frioul à Spilimbergo, près de Venise. De retour en France, après quelques travaux de restauration, il expose ses oeuvres dans tout le département avant de s’installer à son compte. Le succès l’encourage et il ouvre son commerce, Mosaic’Arte, en 1993.
« Je ne fais pas que de la mosaïque. Je conçois également des carrelages en ciment et je suis d’ailleurs le seul en France à en fabriquer » explique-t-il. Emporté par sa passion, David détaille les étapes techniques de son art : d’abord poser le diviseur – moule métallique qui dessine la forme – puis appliquer les couleurs, le ciment, le mortier, et placer dans la presse. Dans son immense atelier à l’extérieur de la ville, il en possède deux, d’une pression de quarante tonnes chacune. Un mois de séchage est requis pour finaliser l’opération. Son prochain carreau, une effigie de Pierre Richard, encadré dans une pellicule de cinéma : « ce sera pour faire une frise de salle de bain. Un de ses ami a croqué sa tête, je m’inspire de la caricature ». David connaît l’acteur de cinéma depuis près de dix ans : ils sont même devenus amis. La femme du comique se passionne aussi pour la mosaïque, elle a même aidé David et son employé à monter la fontaine de Mare Nostrum à Odysseum. « Georges Frêche est très attiré par la culture grecque, on le voit pour Antigone. Rappelons que les mosaïques datent de cette époque. Il m’a passé cette commande en tant que président de l’agglomération ».
« Papa, t’as eu beaucoup de médailles, toi »
Sa fille, Claire, 5 ans
L’ancien maire de Montpellier est l’exception : la plupart des clients de David sont des particuliers. L’artiste-mosaïste peut tout faire car pour lui, « impossible n’est pas français ». « Un couple m’a commandé une salle de bain alors qu’ils étaient de passage à Pézenas. Ils habitent New York. J’ai également livré une cuisine à un Sétois expatrié au Canada ou encore un Mickey des années cinquante pour une avocate de la région ». En ce moment, David travaille une mosaïque partiellement en or pour un client étranger. Pour limiter les coûts et gagner du temps, il reprend la technique de la pose indirecte, élaborée par le célèbre mosaïste italien Facchina à l’occasion de la décoration de l’opéra Garnier à Paris. Les tesselles sont collées à l’envers sur une toile de jute puis décalquées à l’endroit voulu.
Quand il finit une oeuvre, il ne s’y attache pas, ce n’est « que matériel » et oublie souvent de les prendre en photo. Malgré cela, son press-book témoigne d’une réelle reconnaissance. Malheureusement, la lignée familiale de mosaïstes s’arrêtera certainement avec lui. Ses deux filles, Salomée, 10 ans, et Claire, 5 ans, ne feront pas carrière dans les petits carreaux, même si elles aiment chiper des tesselles et façonner des dessous de plats pour leurs grands-parents. Elles admirent le travail de leur père, et la petite Claire répète souvent : « papa, t’as eu beaucoup de médailles, toi » ! David se passionne pour son art.
Son voisin de la place Gambetta, Éric Bourneil dit être un « bon copain » depuis qu’il a installé son atelier, Autour de l’arbre, à cinquante mètres de la boutique du mosaïste. Éric est compagnon du tour de France, tourneur sur bois et secrétaire de l’association créateurs et artisans de Pézenas. Avec David, ils font partie des trente-deux personnes à afficher fièrement, sur la devanture de leur boutique, l’écusson je conçois, je fabrique dans mon atelier. David participe aux réunions de l’association, pour être reconnu, et combattre le faux artisanat qui vient de Chine ou d’ailleurs.
David Dalichoux représente bien le symbole de l’artisan qui est aussi, et peut-être avant tout, un artiste.
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