Avancer ce chiffre semble effectivement déplacé, voire dangereux. Car cela revient à dire que Tsahal agit avec le consentement de tous les juifs, ou presque. Comme si Israël avait le monopole de l’opinion d’une communauté religieuse. Dans une telle logique, on pourrait aussi imaginer que tous les catholiques sont en phase avec les positions du Saint-Siège ou, pire encore dans le climat actuel, que tous les musulmans de France soutiennent les tirs de roquettes du Hamas. C’est ce type de positions qui entraînent les insupportables assimilations, trop souvent présentes dans les manifestations de soutient à Gaza ou Israël, qui voudraient que juifs = gouvernement israélien, et musulmans = terroristes. Et c’est ce genre de raccourcis qui font que des rabbins français sont agressés à Paris, ou que des jeunes d’origine maghrébine se font tabasser à la sortie de leur lycée. Les propos du président du Crif sont de ceux qui contribuent à ce que tout le monde redoute : le déplacement du conflit hors des frontières d’Israël. Non, l’Etat hébreu n’agit pas au nom de tous les juifs.
C’était d’ailleurs l’objet d’un appel publié le 18 Octobre 2000 dans le journal Le Monde et par un extrait duquel il serait bon de conclure. «Citoyens du pays dans lequel nous vivons et citoyens de la planète, nous n’avons pas de raisons ni pour habitude de nous exprimer en qualité de juifs», écrivaient des dizaines d’intellectuels. Parmi eux le résistant Raymond Aubrac, l’ancien président de Médecin sans frontières Rony Brauman et l’historien Pierre Vidal-Naquet. «Nous combattons, poursuivaient-ils, le racisme, dont, bien sûr, l’antisémitisme sous toutes ses formes. Nous refusons l’internationalisation d’une logique communautaire qui se traduit, ici même, par des affrontements entre jeunes d’une même école ou d’un même quartier. Mais en prétendant parler au nom de tous les juifs du monde, en s’appropriant la mémoire commune, les dirigeants d’Israël s’arrogent aussi le droit de parler, malgré nous, en notre nom. Aussi, le chantage à la solidarité communautaire, servant à légitimer la politique d’union sacrée des dirigeants israéliens, nous est-il intolérable».
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