Pourquoi avoir créé l’association Ensemble et Citoyen pour Montpellier 2014 ?
Comme le préfet, nous avons constaté une hausse du communautarisme dans les quartiers populaires. Les élus locaux n’avaient pas de partenaires dans ces quartiers : ils passaient principalement par des associations cultuelles. Le déclic est venu au moment des otages au Mali. La Mairie avait invité des musulmans à l’installation d’une banderole de soutien. Pour nous, c’était une manière de les stigmatiser en dénonçant les « méchants musulmans » et en faisant d’eux les « gentils ». Le but de cette association est donc de les regarder en tant que citoyens et non en tant qu’individus de confession musulmane. On ne veut pas utiliser la spécificité culturelle pour demander des droits nouveaux : nous sommes pour l’application de la loi républicaine. Nous soutenons notamment Caroline Fourest sur le féminisme et l’égalité.
Combien de membres regroupe l’association ?
Nous étions cinq au départ. Aujourd’hui, nous sommes une centaine. Il y a des gens de confession musulmane et de la communauté gitane. Nous avons aussi pas mal de sympathisants.
L’association est récente. Comptez-vous jouer un rôle durant les élections municipales ?
Notre association est un clin d’œil aux hommes politiques locaux. Montpellier est une ville multiculturelle et non multicommunautaire. Nous voulons les avertir pour qu’ils ne s’adressent plus aux différentes sensibilités culturelles en tant que communautés mais en tant que citoyens à part entière. Il faut qu’on considère les membres des communautés comme des citoyens. Ils sont là pour s’intégrer. Nous, on veut être des intermédiaires laïcs.
Récemment le préfet de l’Hérault, Pierre de Bousquet de Florian, a pointé une « montée du communautarisme » en désignant le port du voile et les écoles coraniques dans les quartiers populaires. Partagez- vous ce constat ?
Tout à fait. Nous sommes l’une des seules associations à partager son point de vue. Le préfet est dans son rôle : c’est lui qui prend la température. Les autres associations qui ont critiqué cette déclaration sont dans le communautarisme car ce sont des associations cultuelles. C’est normal qu’elles réagissent contre. Nous, on privilégie l’individu et sa liberté de penser.
Comment combattre ces replis communautaires ?
La solution, pour nous, serait de faire la promotion de l’égalité et de la citoyenneté des individus. Il faut aider les populations des quartiers populaires à en sortir. On s’adresse à tout le monde. Par exemple, nous avons organisé des événements culturels, des projections de films pour le 30e anniversaire de la Marche des Beurs. Peu d’élus sont venus.
Le droit de vote des étrangers pour les élections locales peut-il être une solution ?
On ne se prononce pas trop sur ce sujet. Et puis, vous savez les Français, eux mêmes, ne veulent pas trop. Je pense que ce droit va venir tout doucement.
Les élections municipales approchent. Qu’attendez-vous des candidats ?
Qu’ils se démarquent. Qu’ils s’adressent plus à des citoyens qu’à des communautés. On aimerait qu’ils prennent en compte la laïcité et pas seulement pour exclure.
Le thème de la laïcité n’a pas été beaucoup abordé par les candidats. Le sujet est-il trop sensible à l’approche d’une élection ?
Je ne pense pas. Nous, sur Montpellier, ça fait deux ans qu’on dit que la laïcité n’est pas qu’un principe français, qu’il devrait s’appliquer partout. La laïcité est un principe d’ouverture. Le domaine public doit être préservé. Jean-Pierre Moure a développé l’idée d’une école de la diversité. Mais, pour nous, l’école de la diversité, c’est l’école publique. Il faudrait juste améliorer le contenu.
Récemment l’éviction de l’imam Khattabi de la Paillade a fait polémique. Qu’en avez-vous pensé ?
J’ai écouté toute la déclaration de monsieur Khattabi et j’en sors encore plus déterminé
à lutter pour que les Nord-Africains de France ne soient plus perçus ou appréhendés comme des croyants mais d’abord et avant tout comme des citoyens. Il faut aussi lutter pour que les hommes politiques de ce pays laïc ne se compromettent plus dans des arrangements, des projets, des alliances, des calculs politiciens pour leurs boutiques respectives à chaque échéance électorale et lutter pour qu’un contrôle strict soit exercé sur les différents moyens qui permettent aux mosquées (et pourquoi pas aux églises) de brasser de l’argent en les obligeant à une plus grande transparence.
Lui y voit la marque d’une manœuvre politique…
Il faut écouter et réécouter ce que dit cet imam ! Ça confirme que nous, les républicains et laïcs d’origine musulmane, avons raison d’attirer l’attention des politiques locaux ou nationaux sur le climat quasi-délétère qui entoure la gestion des mosquées, les comportements opaques augmentant au fur et à mesure que grandissent les lieux de culte avec les recettes qui en découlent. Il est temps de crier haut et fort que les lieux de culte musulmans ne résument pas les attitudes politiques ou sociales des Nord-Africains, que les imams ou responsables des associations cultuelles ne représentent en rien les musulmans. Les Nord-Africains devront se détourner politiquement de tout responsable politique local ou national pris en flagrant délit de connivence avec un imam ou les dirigeants d’une association cultuelle. Il faut rester attentif et bien réécouter les bons tuyaux de monsieur Khattabi car ils nous apprennent autant sur les mœurs délétères de ces hommes supposés parés de vertu et « pourvoyeurs de science » (dixit Khattabi) que sur les mœurs de nos politiques qui préparent leurs campagnes électorales par mosquées interposées.
Craignez-vous une utilisation des réseaux communautaires aux prochaines élections ?
Les hommes politiques ne sont pas responsables de ce clientélisme communautaire. Ce sont les associations cultuelles qui se vendent comme intermédiaires et se mettent en avant au profit de la communauté. Jusqu’à présent, les politiques n’ont eu en face d’eux, dans les quartiers populaires, que des associations cultuelles. Ils ont aussi profité de l’ignorance des hommes politiques sur les problèmes des quartiers. Les leaders de ces associations cultuelles en profitent pour se réorganiser de façon communautaire.
Le communautarisme n’est-il pas, finalement, un problème plus social que politique ?
Bien sûr. Le phénomène du repli sur soi est lié aux questions du chômage et de la pauvreté dans ces quartiers. Le seul qui tend la main aux habitants, c’est la mosquée. Il y a une absence du politique qui délaisse ces quartiers. Ces gens se revendiquent comme intermédiaires alors que ce sont des associations cultuelles. Il faut une nouvelle approche de ces questions.
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