« L’agriculture raisonnée ça va plus loin que le bio ». Situé sur la commune de Lavérune (Hérault), le domaine Château de l’Engarran a préféré la viticulture raisonnée à la biologique, et il le revendique. Certifié Terra Vitis depuis 2001, le choix des propriétaires s’est naturellement tourné vers un cahier des charges « plus pointu ».
La fédération Terra Vitis, fondée en 1998 dans le Beaujolais, compte aujourd’hui plus de 500 adhérents en provenance de toutes les régions viticoles. Elle est la seule certification de viticulture raisonnée reconnue par le Ministère de l’agriculture.
Contrairement à l’agriculture biologique, elle permet l’utilisation de produits chimiques sur les vignes lorsque cela est nécessaire, afin d’assurer la rentabilité économique des exploitations. Le cahier des charges, solide, en limite tout de même l’application.
D’autant que l’intervention chimique ne serait pas forcément plus nocive que certains produits naturels. « Le cuivre, même si c’est un produit naturel [autorisé en agriculture biologique ndlr], pollue les sols. Or nous avons une grande réserve d’eau sous le domaine », explique Lionel Ciechocki, le directeur technique du Château de l’Engarran. Dans les vignobles Terra Vitis, la viticulture est basée sur l’observation, « on intervient que si nécessaire. L’agriculture bio traite systématiquement, deux fois plus souvent que nous », ironise le viticulteur.
Une démarche éco-responsable « du vignoble à la bouteille »
Terra Vitis c’est surtout une démarche qui tient compte de l’exploitation dans son ensemble, pour une viticulture durable. Protection de la vigne, de l’air, de l’eau, des sols, de la biodiversité, de la santé de l’homme et gestion des déchets sont de rigueur. « On ne met pas d’insecticide, on laisse pousser l’herbe pour la pollinisation, l’eau usagée qui sort de la cave est recyclée, on ne pulvérise pas à une certaine distance pour les voisins », détaille Lionel Ciechocki.
Au-delà des considérations environnementales, Terra Vitis revendique une dimension sociale : « Ça fait partie de l’éthique de Terra Vitis depuis sa création, et on souhaite aujourd’hui le développer », raconte Sandra Tourrière, animatrice Terra Vitis Rhône-Méditerranée. L’association a d’ailleurs embauché une apprentie pour travailler sur l’intégration de la norme (ISO 26000) de Responsabilité sociétale des entreprises dans la certification, afin de consolider « la démarche qui comprend le vignoble jusqu’à la bouteille ».
Mais alors, la viticulture raisonnée c’est plus « bio » que le bio ?
Chaque année pourtant, quelques adhérents de Terra Vitis partent vers le label Agriculture Biologique. C’est le cas du domaine Château la Dournie à Saint-Chinian. Passé en parallèle en AB, le vignoble abandonne Terra Vitis cette année. Pour Véronique Etienne, la propriétaire, il s’agit « d’aller plus loin dans la démarche, d’être le plus naturel possible. C’est une question de philosophie ». Mais pour la viticultrice, les deux certifications se valent : « Le bio n’est pas forcément plus respectueux. Quelqu’un en Terra Vitis l’est tout autant. On peut être en bio sans faire attention à la dose d’intrant. »
Question de réputation en réalité. « Il y a de la demande en bio. C’est dans l’ère du temps, les gens sont assommés par les perturbateurs endocriniens », grommèle Véronique Etienne.
L’agriculture raisonnée a le désavantage de ne pas suffire au niveau des marchés, notamment européens, alors que la certification AB est soumise à la réglementation de l’UE. « Le label bio ça permet de plus facilement accéder au marché », concède la vigneronne. Bien qu’elle commence à se faire un nom dans le milieu viticole, la certification Terra Vitis « n’apporte pas davantage de visibilité » au Château de l’Engarran, selon Lionel Ciechocki.
Des démarches complémentaires
Bien qu’il ne soit pas possible de cumuler les deux certifications, l’animatrice Terra Vitis l’affirme : les deux démarches sont complémentaires. C’est ce que confirme Laurent Gourdon, chef du service viticulture à la chambre d’agriculture de l’Hérault : « Terra Vitis, ils sont très fort techniquement, la traçabilité est pointue du fait de l’utilisation des produits chimiques. Et le cuivre c’est le point noir du bio. Mais on ne peut pas véritablement les comparer. »
Viticulture raisonnée ou biologique, « au final, ils vont dans le même sens mais pas par le même chemin », conclut si bien Laurent Gourdon.