Tout a changé en trois ans. Mais les mêmes interrogations demeurent. En 2015, France AgriMer lance une vaste étude prospective sur la filière viticole bio alors en plein doute sur son avenir. A l’époque, les professionnels s’interrogent sur la capacité du marché à absorber leur production bio et, de manière plus globale, sur les désirs des consommateurs. Trois ans plus tard, en 2018 donc, la situation est tout autre : les consommateurs se tournent de plus en plus vers les produits bio… et les vins de la filière sont même en situation de pénurie !
Présentée mardi 30 janvier, au deuxième jour du salon Millésime bio, l’étude prospective de France AgriMer (réalisée avec Montpellier SupAgro) dresse cinq scénarios. «Aucun n’est vrai, aucun n’est faux», tient à souligner Hervé Hannin, ingénieur de recherche de Montpellier SupAgro. Durant 14 mois, les chercheurs ont surtout tenté d’anticiper les évolutions possibles de la filière pour lui permettre de faire ses propres choix et d’être «dans une philosophie de l’action». Ils ont développé un outil d’aide à la décision mais pas question pour eux d’imposer leur vision ou un scenario en particulier. En se penchant sur un horizon de 20-25 ans, l’étude dresse un panorama très large des évolutions possibles de la filière.
La démarche se veut scientifique et a été élaborée selon trois paramètres. Tout d’abord, ils ont voulu que tous les acteurs de la filière française des vins bio, des vignerons aux négociants en passant par les syndicats interprofessionnels ou encore les coopératives, soient bien représentés dans leur étude. Le travail s’est ensuite concentré sur la production des différentes hypothèses (plus de 800 au total) sur la base de thèmes à enjeu pour l’avenir. Enfin ces différentes hypothèses ont été combinées pour écrire des scénarios d’avenir pour le secteur.
Ils dépendent, par exemple, d’éléments de contexte comme «le changement climatique, le pouvoir d’achat, les attentes des consommateurs, le statut du vin sur le marché mondial, les politiques publiques» explicite Françoise Brugière, chef de la mission prospective chez France AgriMer.
Au final cinq scénarios principaux ont été retenus: la filière bio essaie de survivre, elle gère sa rente de situation, disparaît pour renaitre, elle assume sa croissance quantitative ou, à l’inverse, la filière se réduit au segment premium «vin bio et santé». Dans certains scénarios se croisent des pistes envisageables pour l’avenir tels que le positionnement du bio comme un produit haut de gamme ou encore comme un produit reconnu pour ses bienfaits pour l’environnement et la santé. L’un des enjeux évoqués par les scénarios est de se questionner sur l’intégration du progrès technique par les vignerons et ainsi pouvoir satisfaire la demande croissante de la part des consommateurs.
Comme le rappelle Gwenaelle Le Guillou, directrice du syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle Aquitaine, la prospective a été élaborée pour «sortir des à priori. On a essayé de réfléchir en positif et négatif en évoquant ce qu’on souhaite pour la filière».
En conclusion de cette présentation à Millésime Bio, France Vin Bio -l’association nationale interprofessionnelle des vins bio- a indiqué être en train de réaliser un plan d’action en s’appuyant sur les différents scénarios d’avenir de la filière. Ce plan sera composé d’un tronc commun et sera décliné différemment selon les bassins viticoles. «Il ne faut pas gommer les spécificités régionales» a rappelé justement Hervé Hannin. Thierry Duchenne, le directeur de Sudvinbio, a soulevé l’idée d’un «chantier» tout en mentionnant le fait de ne pas «choisir un scénario, c’est utopique».