Petit bonhomme de 72 ans, ce retraité du bâtiment et auto-entrepreneur à ses heures n’a pas l’apparence d’un révolutionnaire. « Je suis arrivé à Villeneuve-lès-Maguelone en 1985. Ma tante y habitait et j’ai eu vent de terrains à construire. »
A l’écart du centre ville, sa maison respire les épices et l’Orient. Plus que les livres d’histoire, ce sont les parchemins égyptiens et autres tentures qui ornent les murs. Un mélange de culture à l’image du personnage : « Ma famille est algérienne mais je suis né à Marseille. Mon père et mon grand-père se sont battus pour la France. Le premier est mort durant la Grande Guerre. Le second, résistant, n’a pas survécu aux camps. » Élève de l’école communale, bercé par les principes de Rousseau, le jeune homme est poussé vers le militantisme par la résurgence des idées nazies et la découverte des Klarsfeld. « J’ai créé un mouvement antinazi en 1968 et manifesté sur la Canebière. »
Son premier combat achevé, il vient s’installer à Montpellier pour son travail. L’abolition de la conscription par Chirac en 1995, réveille ses convictions républicaines. « J’étais sous les drapeaux au moment du coup d’État des généraux en Algérie. Le soulèvement du contingent en 1961 a sauvé la République. Supprimer le service militaire, c’est supprimer l’armée du peuple. » Le 20 septembre 1997, Robert Hadjadj crée avec quelques proches le MRSP, Mouvement Républicain de Salut Public.
Oui aux panneaux bilingues, non à leur mise en avant
Son association vise à perpétuer l’esprit révolutionnaire de 1793 : une République une, indivisible, laïque, démocratique et universelle. Des principes qui ont amené ce citoyen lambda à s’élever contre ce qu’il considère comme des abus. « Il y a quelques années, je me suis opposé au proviseur d’un lycée professionnel : pour apprendre le vivre ensemble à ses étudiants, il avait fait appel à des curés. L’affaire était remontée jusqu’à Luc Chatel qui m’avait soutenu, comme Frêche d’ailleurs. » Une fierté modeste se dessine derrière ses lunettes rondes. Sans prétention politique, il souhaite uniquement diffuser son message. « On participe au forum des associations de Montpellier, on s’est présenté aux dernières cantonales, notre petit 1% nous a permis de nous faire connaître. »
Ce n’est rien à côté de la polémique de Villeneuve-lès-Maguelone. En août 2009, Robert Hadjadj lance une procédure judiciaire à l’encontre des panneaux à l’entrée de la ville. « On a vu des panneaux énormes, plus gros que ceux en français. Le Code de la route interdit le bilinguisme, je n’ai fait que demander l’application d’une loi. » Visage fermé, il n’en démordra pas. S’appuyant sur un vieil ouvrage, Maguelone de H. Buriot Darsils, ce passionné revendique le passé latin de la commune. Mais, une conviction l’a poussé avant tout à agir : le pouvoir politique local instrumentalise la culture occitane. « L’idée des panneaux est apparue durant la campagne électorale du maire. Il avait également proposé l’instauration d’une classe en immersion où les enfants parleraient plus occitan que français. »
Que l’on ne s’y méprenne pas, Robert Hadjadj ne veut pas tuer les langues régionales, il souhaite simplement que le français prime dans la sphère publique. « L’occitan, le breton, le corse, c’est la France. Ce que je souhaite par cette action, c’est marquer un point d’arrêt. » Loin d’être totalement fermé, le président du MRSP est pour le compromis. Des panneaux en langue d’oc, oui, mais pas mis en avant de cette manière. « Nous ne comptons pas engager une croisade mais juste pointer les dérives possibles. »
« Ce qui est impossible ne me fait pas peur »
En bon républicain, il défend la décentralisation jacobine : commune, département, État. Dans sa réflexion, les régions sont des espaces trop larges qui laissent la place au développement de cultures locales fortes. « Il faut une seule identité, l’identité française. Le peuple ne doit faire qu’un autour de valeurs communes. Et si les Bretons décident de se séparer par référendum, qu’ils le fassent. »
Une conception politique et morale qui se traduit dans un projet : l’élection au suffrage universel d’une nouvelle constitution. « L’association pour une constituante regroupe déjà une quinzaine de départements, nous voulons refonder une république du peuple. » Son ton devient celui d’un homme engagé, qui prône l’indépendance monétaire et bancaire de son pays.
Le projet commence à faire son chemin dans la sphère publique.
Mais si les idées sont défendues à droite par Nicolas Dupont-Aignan et d’autres, Robert Hadjadj se sent plus proche du parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. « Mélenchon s’appuie sur des principes jacobins qui sont les miens, mais il la joue trop perso et n’est pas suffisamment clair sur les manières de les appliquer. Je suis pour une constituante nationale alors que lui n’a pas tranché la question. » Entre l’avenir de la nation et l’opposition d’une communauté occitane pugnace, rien ne semble tourmenter ce parfait exemple de monsieur tout le monde. À son niveau, il veut apporter sa pierre à l’édifice. « Ce qui est impossible ne me fait pas peur. »