Sarah fait partie des quelques militants qui ont aspergé le trottoir d’une boucherie de faux-sang mi novembre à Montpellier. Sa prise de conscience sur les enjeux de l’exploitation animale a débuté il y a deux ans suite à des échanges avec une amie végétarienne. Au départ, cette montpelliéraine de 23 ans, monitrice d’auto-école, se montre peu réceptive : « mon père est chasseur. Je n’envisageais même pas d’arrêter la viande. J’ai énoncé toute la liste des arguments farfelus que l’on me sort aujourd’hui comme « les carottes aussi ça souffre » ». Peu à peu, elle commence à se questionner : « J’ai eu une sorte de déclic. Je me suis demandé pourquoi je mangeais de la viande . Pourquoi faire subir tout cela aux animaux quand on peut s’en passer ? ». Elle devient alors vegan du jour au lendemain, transformant complètement son mode de vie. Le cuir animal, les cosmétiques testés sur les bêtes et les aliments issus de l’exploitation animale comme les produits laitiers, les œufs ou le miel, disparaissent alors de ses placards. Même si elle avoue toujours apprécier le goût de la viande, il n’est pas question de faire marche-arrière, surtout avec les alternatives qui existent aujourd’hui. C’est presque devenu un jeu. Sarah a ainsi pu découvrir un panel de nouveaux aliments et l’envie de faire ses produits elle-même : « Devenir vegan m’a mené à m’intéresser à l’écologie alors que je n’étais pas du tout écolo ».
Ses proches n’ont d’abord pas pris sa décision au sérieux : « c’est parce que tu viens de te séparer », « ça changerait sûrement d’ici quelque temps ». De l’acte individuel d’une « vegan molle », elle décide de devenir un moteur de prise de conscience pour d’autres. Un engagement qui s’est fait de manière évidente pour la jeune femme qui n’a pas peur d’exprimer ses opinions.
Il y a un an et demi, elle choisit de rejoindre l’association L214 et commence à s’intéresser à l’antispécisme. Ce mouvement s’oppose à toute forme de discriminations entre les espèces sentientes, c’est-à-dire celles qui ressentent des émotions et de la douleur. Pour Sarah, l’humain est un animal comme les autres qui ne détient aucune forme de supériorité ou de privilèges. Elle insiste sur le fait que le spécisme ne s’applique qu’aux actes que l’on peut commettre sur un humain. « On ne peut pas dire j’arracherai un être humain du sol comme j’arrache une carotte. Alors que l’on peut séquestrer un humain, provoquer un viol procréatif, le vider de son sang…».
Depuis quatre mois, elle participe aux actions de 269 Life qui milite pour «le respect des intérêts fondamentaux de tous les animaux ». Elle cherche à diversifier ses actions rejoignant aussi les mouvements anti-corrida et le collectif Anonymous for the voiceless afin de toucher un maximum de personnes. Même si elle reconnaît l’intérêt de la pédagogie et de la sensibilisation proposées par L214, elle privilégie les méthodes plus directes. « Toutes les actions se complètent. Moi je préfère les actions plus sanglantes, de voir les faits, c’est ce qui m’a choqué et fait réfléchir au début». Pour elle, il s’agit d’oppresser l’oppresseur, rentrer dans la confrontation mais sans violence. Elle se déplace donc devant les boucheries, les magasins de fourrure et les centres commerciaux avec des formes visuelles ou des discours au mégaphone pour rappeler les conséquences des excès de cette consommation animale : 3 millions d’animaux abattus par jour en France, entre 60 et 140 milliards d’animaux tués par an dans le monde.
« On est là pour rappeler au boucher que c’est lui dont on parle quand on évoque les rouages du spécisme, un véritable massacre. Il fait partie du processus comme le consommateur qui consent en mangeant». À ceux qui lui rétorquent que sa démarche est contre-productive voire moralisatrice, elle explique calmement qu’elle n’empêcher personne de manger : « si ça dérange les gens, c’est peut-être qu’ils sont en train de remettre en cause leur mode de consommation ». Elle regrette que les journaux locaux aient décrit leur action devant une boucherie comme « commando vegan » ayant saccagé des vitrines, là où il n’y avait que trois personnes versant du colorant alimentaire sur un trottoir.
À cet engagement régulier, s’ajoutent son métier de monitrice d’auto-école et une petite fille de deux ans. La jeune maman souhaite poursuivre ses actions et pousser sa démarche plus loin en organisant des libérations dans des élevages ou en filmant dans les abattoirs. « Je considère que je milite encore de loin, je veux pouvoir me rapprocher des animaux oppressés ».