Né en 1938 à Shajra, entre Tibériade et Nazareth, il a dix ans lorsqu’il est contraint de s’exiler dans le camp d’Ain al-Hilwey, au sud du Liban. Là-bas, il obtient l’équivalent du brevet à l’école de l’Union des églises chrétiennes. Il part ensuite à Tripoli, où il restera deux ans à l’école professionnelle des Carmes. Après cela, il reste un moment à Beyrouth, au camp de Chatila. En 1957, il se rend en Arabie Saoudite où il travaille pendant deux ans en tant que mécanicien automobile. Il retourne ensuite au Liban, et rejoint le Mouvement nationaliste arabe (MNA) en 1959. Avec ses amis du MNA, il crée le journal politique manuscrit : Al-Sarkha -« الصرخة », le Cri-. Fraîchement entré à l’Académie des arts du Liban, il est emprisonné sous prétexte politique en 1960. Après sa libération, il travaille comme professeur de dessin au collège Ja’fariya de Tyr. Remarqué par l’écrivain et militant politique Ghassan Kanafani, Najî al-Alî est publié pour la première fois le 25 septembre 1961, dans le numéro 88 du journal libanais Al-Hurriya – « الحرية », Liberté. Deux ans plus tard, il part au Koweït en tant qu’éditeur, caricaturiste et producteur du journal nationaliste arabe Al-Tali’a. En 1968, il rejoint le quotidien koweïtien Al-Sîyâsa – « السياسة », Politique-, et à partir de 1974 il débute parallèlement au quotidien libanais Al-Safir, jusqu’à l’invasion israélienne du Liban en 1982 où il sera brièvement détenu par l’armée. Il retourne ensuite au Koweït, où il prête sa plume plus aiguisée que jamais au journal Al-Qabas. Trois ans plus tard, il déménage à Londres pour rejoindre l’édition internationale du quotidien : Al-Qabas al-dawliya. Le 29 août 1987, il meurt dans le coma, trente-huit jours après avoir été touché par balle au niveau de la tempe.
Najî al-Alî, c’est plus de 40 000 caricatures. Les thèmes récurrents de ses dessins sont la souffrance et la résistance du peuple palestinien, mais également la critique aiguë des régimes arabes, et en particulier des dirigeants palestiniens. Mais l’artiste ne représente jamais en personne les politiciens qu’il vise : « Ce qui est important, c’est de dessiner des situations et des réalités, pas de dessiner des présidents et des dirigeants. » Les motifs de la terre, de la crucifixion et des jets de pierre sont omniprésents dans le travail de Najî al-Alî. Il définissait ses caricatures comme étant : « l’expression des opprimés qui paient cher leurs vies, portant sur leurs épaules le fardeau des erreurs commises par les autorités ».
En 1979, Najî al-Alî avait été élu président de la Ligue des caricaturistes arabes. Il reçût à plusieurs reprises le premier prix de l’exposition des caricaturistes arabes à Damas. En 1988, l’Association internationale des éditeurs de journaux lui décernait le « Golden Pen of Freedom » -le stylo d’or de la liberté- à titre posthume. L’Association mondiale le décrit comme l’un des plus grands caricaturistes depuis la fin du 18ème siècle.
Handala apparaît pour la première fois en 1969 dans Al-Sîyâsa. C’est un petit garçon âgé de 10 ans, l’âge qu’avait Najî en 1948 lorsqu’il quitta la Palestine. Il est présent dans tous les dessins à partir de cette date. Comme son concepteur, il est sans patrie. C’est pourquoi il est toujours situé dans un espace sans terrain d’appui. Pieds nus comme tous les enfants des camps de réfugiés, Handala est le témoin de la tragédie de tout un peuple. Le drame tel que ressenti par un enfant de dix ans.
Quand l’artiste décrit Handala, il justifie son apparence : « Handala est né à l’âge de 10 ans et depuis son exil les lois de la nature n’ont aucune emprise sur lui. Il ne recommencera à croître que lors de son retour sur sa terre natale. Il n’est pas un enfant bien portant, heureux, serein et couvé. Il va nu-pieds comme tous les enfants des camps de réfugiés. Ses cheveux sont ceux de l’hérisson qui utilise ses épines comme arme. Bien qu’il soit rude, il a l’odeur de l’ambre. Ses mains, toujours derrière son dos, sont le signe du rejet des solutions porteuses de l’idéologie impérialiste et sioniste. Au début, c’était un enfant palestinien, mais sa conscience s’est développée pour devenir celle d’une nation, puis de l’humanité dans sa totalité. Il a fait la promesse de ne jamais se trahir. Handala veut dire amertume. » Plus exactement, « Handala » est le nom d’un arbrisseau très amer et très résistant qui pousse dans le désert. A l’image de son créateur, Handala reste dans les mémoires le symbole de la cause des réfugiés palestiniens.
Najî al-Alî est le premier caricaturiste assassiné pour ses dessins, mais les responsables n’ont jamais été clairement identifiés. Au lendemain de l’atteinte à la vie du caricaturiste, l’ambassade iranienne avait nié toute implication de l’Iran dans cette affaire. Selon un porte-parole du journal où travaillait Najî al-Alî, le dessinateur avait reçu des centaines de menaces de mort au cours de sa carrière. Ses collègues avaient rapportés qu’il craignait pour sa vie, et que c’était pour cette raison qu’il avait quitté le Moyen-Orient. Un autre de ses collègues attesta qu’un haut membre de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avait menacé Najî al-Alî par téléphone, un mois avant sa mort. Personne n’ayant été condamné pour son assassinat, voila une occasion de se souvenir qu’il y a soixante ans, des centaines d’enfants comme Handala ont été arrachés à leurs terres.
Vingt-et-un ans après la mort de l’artiste engagé, Handala reste le symbole d’une déchirure affective et géographique toujours d’actualité, comme en témoigne cette vidéo (en arabe) :