Dérives et pressions pendant la garde à vue du journaliste Guillaume Dasquié

Par le 17 décembre 2007

Paris, Mercredi 5 décembre 2007, aux environs de sept heures du matin, six agents de la DST (Direction de la surveillance du territoire) se présentent au domicile de Guillaume Dasquié (41 ans), journaliste spécialisé dans les enquêtes sur le renseignement. Après cinq heures de perquisition, ils l’embarquent, traversent Paris sirènes hurlantes, direction les locaux de la DST à Levallois-Perret.

Guillaumé Dasquié, journaliste d'investigation spécialisé dans le renseignement, a été mis en examen contre tout respect de la protection des sources des journalistes.

S’en suit une garde à vue de trente-huit heures, et au final, une mise en examen pour « détention et divulgation au public de renseignement ou fichier ayant le caractère d’un secret de la défense nationale ». Ce qui lui est reproché ? D’avoir publié, le 17 avril 2007, dans le quotidien Le Monde, une enquête faisant état des conclusions d’un rapport de 328 pages de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). « Cet article, basé sur des documents couverts par le confidentiel défense, démontrait qu’avant le 11 septembre 2001, la DGSE connaissait Al Qaida, qu’elle avait anticipé les menaces sur les Etats-Unis et qu’elle avait transmis ces informations aux services américains » explique Guillaume Dasquié dans le Journal du Dimanche du 9 décembre dernier. Suite à la parution de l’enquête, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, a porté plainte sur la base des articles 413-9 et 413-11 du code pénal, définissant la « compromission du secret de la Défense nationale ».

Des pressions exercées « hors procédure »

Plus que la mise en examen en elle-même, les conditions dans lesquelles s’est déroulée la garde à vue de Guillaume Dasquié ont suscité une vive polémique au sein de la communauté journalistique. Dans un entretien accordé au site d’information Rue89.com, le journaliste dévoile l’énorme pression exercée par les agents de la DST chargés de l’interroger. Pour résumer : « tes sources, ou ce soir tu pars en prison ». Une remise en question pure et simple de l’article 109 du code de procédure pénale, invoqué par le journaliste dès son arrestation, qui prévoit que « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ». Comme le soutient Guillaume Dasquié, la menace de détention a émané du sous-directeur de la DST en personne, Gilles Gray, et confirmée un peu plus tard par le substitut du procureur, Alexandre Plantevin. Tout cela, « hors procédure ». Sous la contrainte, il a partiellement cédé. « Lors du dernier interrogatoire avec le sous-directeur et cinq agents de la DST, ma digue a été submergée, et j’ai acquiescé quand les enquêteurs m’ont cité le nom d’une source indirecte : la personne de la DST qui aurait pu confier les documents à ma véritable source, que j’ai gardée secrète » a-t-il déclaré au Monde le 11 décembre.
À sa sortie de garde à vue, c’est un homme épuisé mais plus que jamais renforcé dans ses convictions qui a répondu aux nombreuses sollicitations des médias. Dans l’émission « Revu et corrigé » (France 5), diffusée le samedi 8 décembre, il est apparu très affecté en racontant dans le détail son passage à la DST. Reste à attendre la suite que va prendre ce qu’on appelle maintenant l’ « affaire Dasquié ». Le journaliste sera probablement relaxé, mais la tournure des événements continuera à nourrir la polémique autour d’une question fondamentale : la nécessité d’une loi qui garantisse une protection totale et inviolable des journalistes et de leurs sources.


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