« On est abasourdi, on a du mal à le croire », déclare Joseph Le Blanc, président de Terracoopa à Montpellier. Suite à l’annonce du ministre de l’Agriculture sur les « aides au maintien », l’inquiétude gagne du terrain chez les producteurs de bio.
« L’Etat s’est pris les pieds dans le tapis en prenant du retard pour les paiements »
L’Etat aide ces producteurs grâce au crédit d’impôt bio (qui a été reconduit pour trois ans) et aux aides européennes, qui comprennent l’aide à la conversion et les aides au maintien.
Déjà, « l’Etat s’est pris les pieds dans le tapis en prenant du retard pour les paiements des aides européennes », assure Joseph Le Blanc. Deux ans de retard. Les producteurs commencent tout juste à percevoir ces aides. L’équilibre des exploitations biologiques est affecté. Les producteurs devaient sortir de ce climat d’insécurité financière, dès cette année. Mais les « aides au maintien », qui n’étaient pas plafonnées par l’Etat, vont disparaitre.
Les aides au maintien, qu’est-ce que c’est ?
Parmi les aides qui existent pour les producteurs de bio, le crédit d’impôt bio et les aides européennes. Ces aides européennes comprennent l’aide à la conversion et les aides au maintien.
L’aide à la conversion est contractée dans les deux premières années de conversion. Elle engage l’agriculteur à ne pas désengager ses surfaces de l’agriculture biologique, durant cinq ans.
Après ces cinq années, le producteur est en droit de demander les aides au maintien. C’est également un contrat sous cinq ans, durant lesquels l’agriculteur s’engage à maintenir ses parcelles bio.
Pourquoi le bio a besoin d’aides ?
Ces aides représentent 10 millions d’euros par an seulement dans le budget national. Elles ont « pour fonction de compenser les pertes de rendements par rapport à la culture conventionnelle. On peut les estimer à 30%. Alors, même s’il y a des charges en moins – puisqu’il n’y a pas de consommation de produits chimiques – il y a du travail en plus. Donc, concrètement ça veut dire que l’argent sur lequel on comptait pour acheter du matériel spécifique, on ne l’aura pas. Donc on va devoir travailler plus… et ça nous met en difficulté » désespère Joseph Le Blanc.
Qui pour compenser les « aides au maintien » ?
La Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) demande aux régions de prendre le relais de l’Etat, au moins temporairement, afin d’éviter une autre période d’insécurité financière pour les producteurs. Céline Mendès, chargée de mission formation et projet de territoire au CIVAM* bio 34 confirme que « la région a tout intérêt à donner un signal positif aux agriculteurs, pour permettre aux producteurs de répondre à la demande locale», au vu de l’expansion du marché.
Le ministère de l’Agriculture affirme, lui, « que c’est au marché de s’occuper du bio. C’est à dire que c’est au client de financer. Mais il n’y a pas une augmentation du prix du bio ! » s’indigne Joseph Le Blanc.
Revenir à une agriculture non biologique ?
Pour Joseph Le Blanc, il n’en est pas question. « Nous, on a décidé de faire du bio par conviction». Mais, ce n’est pas le cas de tous. Il y a eu un fort développement de l’agriculture biologique et des conversions motivées par des raisons économiques. « Donc les personnes qui voyaient cette conversion comme une issue économique vont être freinées », précise Céline Mendes. Et d’ajouter : « les pics de conversions ont toujours correspondu à des volontés politiques (1998, 2007, 2015…) ».
Freiner les conversions mais également provoquer un retour en arrière. « Les producteurs en très grandes surfaces ont établi des plans de financement de leur système agricole sur dix ans en tablant sur ces aides. Ils ont contracté des aides à hauteur de 30 000€ en 2015, et il restait encore environ 10 000€ d’aides au maintien. Donc le retrait de l’Etat pour ces personnes va être impactant », déplore Céline Mendès. Selon Joseph Le Blanc, il est donc «possible que certains arrêtent le bio».
*Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural.