Vinisud 2017 : le pari risqué du nouveau millésime

Par le 24 janvier 2017

Du 29 au 31 janvier, Montpellier accueille pour la 13e fois le salon international des vins méditerranéens. Sur fond de concurrence acharnée face à la multiplication des salons professionnels et de conflit avec un autre salon du cru (Millésime Bio), Vinisud veut s’imposer parmi les très grands.

Vinisud a beau avoir de la bouteille, il doit s’adapter pour ne pas tourner vinaigre. Ce constat émane d’Amhad Mohem, directeur général d’Adhésion group, société organisatrice du salon, à l’occasion de la présentation de la 13e édition. Dans un environnement de salons internationaux des vins toujours plus concurrentiel, Vinisud a donc opté pour une mini révolution. Ce pari économique consiste à annualiser son salon qui depuis 1994 se tenait tous les deux ans. « Jusqu’en 2016, le salon était rentable, mais à terme, il allait perdre en efficacité sous sa forme biannuelle  » déclarait Amhad Mohem, à la Tribune Objectif Languedoc-Roussillon.

« Vinisud est né de la volonté des producteurs en 1994 dans un contexte favorable, explique Michel Rémondat, cofondateur de Vitisphère, la 1re plateforme d’informations et de services dans le monde du vin. Le projet a été développé par le Comité interprofessionnel des vins du Languedoc, que j’ai fondé. À l’époque, Vinexpo Bordeaux [salon international de vins et spiritueux créé en 1981, ndlr] était le seul grand salon professionnel.  »
Depuis, le salon de Montpellier s’est développé, il a réuni en 2016 plus de 1700 exposants et environ 31 800 visiteurs. « La réussite des vins du Languedoc est due, en partie, à Vinisud », analyse Michel Rémondat. Sur son site, Vinisud se targue d’être « la vitrine du premier vignoble mondial  », représentant plus de 50 % du marché mondial.

« Une bataille » entre salons

Les enjeux sont donc d’importance, pour les producteurs de vins méditerranéens et pour la région, mais le contexte n’est plus le même. Le milieu est devenu ultra concurrentiel.

Plusieurs facteurs expliquent le durcissement du marché, selon Michel Rémondat. «La concurrence effrénée s’explique logiquement par une multiplication des grands salons à destination des professionnels de la vente. Les acheteurs peuvent rarement faire plusieurs expositions la même année ». D’autant plus qu’« il y a une bataille qui se déroule sur le temps, les salons sont concentrés de fin janvier et à mi-mars. Les organisateurs veulent être présents en début de ‘campagne’, au moment où les clients font leurs commandes ». Les salons doivent aussi rivaliser avec le développement du numérique qui a permis de raccourcir la mise en relation des clients et des producteurs. Enfin, il faut ajouter le contexte sécuritaire qui a fait baisser la fréquentation des clients dans les salons, quel que soit le domaine d’activité.

En France, Vinexpo Bordeaux – le plus gros salon français – est un concurrent majeur avec ses 2 350 exposants et ses 48 500 visiteurs, le double de Vinisud. De plus, un petit nouveau tente de s’imposer : Vino vision. Consacré aux vins septentrionaux (Val de Loire, de Bourgogne, Alsace, Champagne), il veut faire de Paris une capitale du vin. Les produits n’y sont pas les mêmes que ceux présentés à Montpellier, mais il est organisé deux semaines après Vinisud…
La concurrence est aussi internationale. ProWein, organisé à Düsseldorf, écrase la concurrence : plus de 6 000 exposants et plus de 55 000 visiteurs. Sans parler du marché asiatique. En 2014, Adhesion group avait installé à Shanghaï son 2e salon Vinisud Asia. « Un évènement qui a fonctionné, mais, compte tenu de l’inflation des salons, nous avons préféré faire une pause. C’est donc en stand-by », relève le magazine professionnel Le MOCI (le moniteur du commerce international).

Un rabais de 22 % pour attirer les exposants

« L’année 2017 sera charnière pour le salon Vinisud », a affirmé René Moreno, conseiller régional d’Occitanie, lors de la présentation du salon nouvelle version. « Vinisud cherche un nouveau rythme. Faire un salon tous les deux ans ça fait un vide très long. Les entreprises, dans le vin, sont plus sur un rythme annuel pour présenter leur produit » analyse Michel Rémondat, cofondateur de Vitisphère.
Pour tenter de faire le plein d’exposants, Adhesion group leur a accordé un rabais de 22 % par rapport au tarif de l’an dernier. Avec un tarif de 500 euros en forme de dumping pour séduire les jeunes vignerons. Au total, Vinisud voit son budget (2 millions d’euros) en hausse de 500 000 euros de plus par rapport à l’année précédente. 900 exposants, 20 000 visiteurs dont 6 000 acheteurs internationaux sont espérés. À cela, s’ajoutent 200 acheteurs étrangers présents pour le Forum international d’affaires organisé par Sud de France au sein de Vinisud. Mais les pertes pour cette édition sont déjà évaluées entre 500 000 et 600 000 euros. « Nous investissons pour l’avenir », expliquent les organisateurs.

Ce pari économique reste à confirmer. Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que le choix de l’annualisation du salon a provoqué une crise ouverte avec un autre salon « historique » à Montpellier : Millésime Bio. Ce salon consacré au vin bio qui se tenait aux mêmes dates que Vinisud a du coup fait le choix cette année de déménager à Marseille. « La décision d’annualiser Vinisud n’a pas été comprise pas les organisateurs de Millésime. D’autres solutions auraient pu être envisagées comme de faire un salon plus spécialisé, tourné vers le rosé par exemple. Vinisud avait aussi la possibilité de faire des conventions d’affaires, c’est-à-dire prendre des acheteurs sur rendez-vous. 80 % du chiffre d’affaires peut être fait avec 2 000 acheteurs », assure Michel Rémondat.
Ce n’est pas le choix de Vinisud qui a préféré se lancer un véritable défi en transformant radicalement son offre désormais annuelle. Comme pour un grand cru dont « il faut tout changer pour que rien ne change », le millésime 2017 de Vinisud indiquera si la cuvée est prometteuse.

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