Il est à peine 10h au bureau de vote Jean Jaurès situé non loin des Rives du Lez, et déjà les électeurs font la queue devant les isoloirs. Les organisateurs sont plutôt satisfaits. Au premier tour, la participation était estimée autour de 4% «un chiffre plutôt honorable» selon Nasser, un des organisateurs.
Un peu plus tard dans la matinée, direction le bureau de vote de la mairie, les trois assesseurs et la présidente sont à leur poste pour accueillir des votants qui arrivent au compte-goutte.
15h30, cap au nord de Montpellier, pour visiter le bureau de vote du quartier du Plan des 4 Seigneurs tenu par de jeunes militants qui se félicitent d’une participation évaluée aux alentours de 10% des listes électorales, au-dessus de la moyenne nationale.
A la même heure, dans la ville résidentielle de Castelnau-le-Lez à droite depuis 1993, François Brothier, militant socialiste castelnauvien, est fier d’une mobilisation qu’il estime « supérieure à la moyenne nationale ». Un peu plus loin, au Crès, c’est Pierre Bonnal, maire socialiste qui accueille les inscrits dont « un tiers n’était pas venu la semaine dernière ».
17h, direction La Mosson, quartier le plus populaire de Montpellier. Comme à son habitude, il est relativement animé, mais le scrutin semble passer inaperçu. Jean-Luc, militant de 62 ans, estime tout de même la participation autour de 7% en légère hausse par rapport aux 5% du premier tour : « ce qui reste très honorable dans un quartier sensible où il est difficile de mobiliser en particulier pour des élections non-officielles pouvant intimider certaines personnes » insiste-t-il.
Fin de ce périple dominical par la visite de trois bureaux au centre-ville. Dans le quartier Sainte-Anne, l’affluence des électeurs ne tarit pas, à la grande satisfaction des organisateurs qui estiment dors-et-déjà que ce second tour sera un « succès ». L’ambiance aux Beaux-Arts est beaucoup plus calme, malgré un taux de participation supérieur au premier tour. 18h59, une jeune femme se hâte, un instrument de musique à la main, et se glisse in extremis dans un isoloir de l’école Gambetta; un vote qui n’aura néanmoins pas suffi à égaler le nombre d’électeurs venus le week-end dernier.
Une innovation démocratique malgré quelques contraintes organisationnelles
Les électeurs qui se sont déplacés ce dimanche aux urnes semblent satisfaits de la tenue des primaires. Ils mettent notamment en avant la valeur démocratique de ces élections : « c’est un moyen intelligent de montrer aux gens que leur vote a une importance » déclare une votante à la mairie de Montpellier. Même son de cloche chez Claude, 32 ans, au bureau Jean Jaurès : « selon moi, le PS a donné une impulsion nouvelle et les autres partis devront eux aussi organiser leurs primaires pour les élections futures ». Le président du bureau de vote de la Mosson s’attarde, sur l’importance de la « création d’un débat médiatique de la chose publique et politique approuvé par les français dans leur ensemble qui risque de changer la façon de faire de la politique en France ».
En revanche, pour ce qui est de l’organisation pratique du scrutin, les avis sont plus partagés. Catherine, la quarantaine, a refusé de communiquer son adresse mail : « J’ai beau voter PS depuis toujours, je n’ai pas envie de recevoir de la pub ».
Sur le fait de devoir payer un euro, très peu d’incidents sont à déplorer dans le bureau de l’école Balard affirme Jacqueline, militante aide-soignante retraitée de 64 ans : « seulement une ou deux personnes se sont révoltées contre le paiement mais après explications du président elles sont rentrées dans le rang ».
Toutefois, Charlotte, étudiante de 24 ans considère que « payer 1 euro pour voter est scandaleux » et estime que le PS avait la « possibilité de faire un vote par Internet». Elle a donc boycotté ce scrutin mais reconnait que la démarche des Primaires est inédite et intéressante.
Elle n’est d’ailleurs pas la seule à avoir boudé les primaires. Au nord de Montpellier, la principale raison invoquée est la non-inscription sur les listes électorales. C’est par exemple le cas de Flavien, psychologue de 28 ans inscrit à Nîmes qui n’a pas pu faire le déplacement et regrette l’absence de procuration. Autre raison, résumée par un jeune électricien : « les politiques ne cherchent qu’à se faire réélire ». Plus original Hugues, 21 ans étudiant à l’école d’ingénieur de chimie, trouve que : « ces primaires sont un aveu de faiblesse du parti, s’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord entre eux comment vont-ils gouverner ? »
Des positions politiques diversifiées
Le Languedoc-Roussillon et Martine Aubry, une histoire de rancœur ? C’est en tout cas ce qu’a déclaré dimanche matin Fanny Dombre-Coste. La 14ème adjointe au maire avait été exclue de la liste PS à la demande de Martine Aubry en même temps que Georges Frêche : « Moi je fais partie des exclus et cette exclusion a été totalement illégitime. Elle a laissé un malaise important. Dans le 4ème canton, les languedociens ne lui ont pas pardonné ». Elle soutient François Hollande car « Aubry ne sait que diviser ».
Ces élections primaires n’ont pas uniquement mobilisé des personnalités politiques rattachées au P.S. Suivi de près par un cameraman, Marc Dufour, troisième adjoint au maire de Montpellier, président du groupe centriste Modem et Parti Radical de Gauche au conseil municipal de Montpellier, s’est quant à lui invité au bureau de vote de l’hôtel de ville. « Je me reconnais dans les valeurs de la Charte. Ce sont des valeurs démocratiques », déclare-t-il. Il ajoute qu’« il faut rassembler au-delà des clivages qui ont de moins en moins de sens ». Il juge bon de préciser qu’il votera pour François Bayrou au premier tour de la présidentielle.
L’objectif affiché de ces primaires d’ouvrir le vote à tous les citoyens français, toutes tendances politiques confondues, semble atteint. Nadou, 56 ans en votant pour Arnaud Montebourg puis Martine Aubry n’en est pas à son premier coup d’essai. Militant écologiste, il avait déjà participé aux primaires du parti Europe Ecologie les Verts en juillet dernier. Dans un registre différent, Jacques Rabouillet, comédien de 54 ans, donnera sa voix à Mélenchon au premier tour des présidentielles de 2012, mais a souhaité se déplacer vers le bureau de vote pour freiner l’ascension d’un François Hollande qu’il juge « nul aux débats ». C’est très étonnant car à la radio, les commentateurs sont pour Hollande. Moi, il me fait penser à Bourvil ». Le comédien nous avoue également être « déçu » du choix personnel de Montebourg ayant déclaré cette semaine qu’il voterait pour l’ancien député de Corrèze. Il rajoute à ce sujet « Je pense que c’est stratégique ».
Suzanne, 49 ans, bénévole non militante au dépouillement des voix à Figuerolles, a quant à elle clairement défendu François Hollande pour qui elle a voté aux deux tours, convaincue qu’il est le rempart le plus solide face à une « dangereuse » Martine Aubry. Si pour Suzanne l’ancienne maire de Lille a été « très bonne » lors du débat télévisé du 12 octobre dernier sur France 2, elle reste une candidate trop offensive. « Je souhaite une candidature plus souple menée par une personne capable de s’adapter à notre société. Je vais avoir 50 ans et désormais j’arrête de voter pour celui qui gueule le plus fort », et de rajouter « Nous avons déjà Nicolas Sarkozy pour ça… ».
Entre les pro-Hollande et les pro-Aubry affleurent des profils d’électeurs plus atypiques, comme c’est le cas d’Anne-Marie, 36 ans. Plus nuancée, cette professeur de musique a soutenu Martine Aubry lors du 1er tour afin de rendre hommage à la femme et saluer son parcours politique. Mais à l’heure du face à face final, sa voix se portera ce coup-ci sur François Hollande qu’elle imagine « plus fort dans un duel affrontant le parti socialiste à Nicolas Sarkozy ». Reste que le plus important pour juger du succès ou non de ces primaires socialistes est plus la réaction du vaincu que l’identité du vainqueur : « Ces élections sont une bonne chose à condition qu’elles ne divisent ni les membres du partis, ni les électeurs ».
A François Hollande, grand gagnant de ces élections, de savoir rassembler…