Chemise mi-sportive mi-habillée, jean-baskets, cheveux courts, le jeune homme a troqué son costume habituel pour une tenue plus décontractée. Pour autant, il n’a rien perdu de son professionnalisme. Chaque minute est planifiée. Le temps est précieux. Mieux vaut couper le téléphone et ne pas être dérangé. Quand il se lance dans quelque chose, il le fait à fond.
PDG à 18 ans
La preuve en est : à 18 ans, tout juste le bac en poche, il crée son entreprise avec Gilles Bouvet, de 44 ans son aîné. Animagora, une plate-forme mettant en relation propriétaires d’animaux et particuliers désireux de les garder contre rémunération. Soit un réseau de 25 000 « dog-sitters » en France. Ce projet, il l’a laissé mûrir quatre ans. « Quand on était au collège, je me rappelle que la chambre de Séb abritait plein d’animaux : oiseaux, chats, rongeurs… Il en gardait de toutes sortes pour se faire un maximum d’argent de poche ! Il n’avait même plus de place pour mettre son lit et il devait dormir dans le couloir », se rappelle, amusée, Géraldine, une amie de longue date.
Le « job étudiant » a pris une tournure bien plus professionnelle. L’entreprise est un succès : en moins de quatre ans, le chiffre d’affaires s’élève à 1 million d’euros. Une somme colossale pour un si jeune adulte. Mais cela ne l’a jamais effrayé. « Je gère un budget depuis que j’ai 14 ans, ça ne me fait pas peur. Ce n’est pas comme si je faisais un baby-sitting et que j’allais dépenser mes sous directement après dans un jeu vidéo ou un nouveau vêtement », plaisante Sébastien. Il arbore un grand sourire quand il se rappelle ses débuts. Pour cause, il n’a pas toujours été pris au sérieux. « Je me rappelle la tête du banquier quand il m’a vu débouler dans son agence, la première fois, et que je lui ai dit que je venais de créer mon entreprise… C’était comique ».
Son associé Gilles Bouvet garde un très bon souvenir de cette coopération. Il reste admiratif.« Je me suis immédiatement rendu compte du potentiel de cet ado. Des comme lui, on n’en rencontre pas des dizaines dans une vie ! J’ai toujours eu plaisir à le côtoyer, je l’ai vu évoluer. A 16 ans, il ne parlait pas un mot d’anglais. Maintenant il se débrouille comme un pro », se rappelle-t-il, ému. Une complicité et une complémentarité jugée surprenante par certains. « Les gens ne comprenaient pas comment une personne de 60 ans pouvait s’entendre avec quelqu’un de 16 ans. C’est une relation atypique, c’est vrai, mais il est d’une grande maturité et on peut lui faire une confiance absolue », conclut Gilles.
La passion d’entreprendre
Ce débrouillard ne veut pas en rester là. Avec son associé, ils revendent l’entreprise en 2013 à Animaute, n°1 du « petsitting » en France. Gilles prend sa retraite. Sébastien a déjà plein d’autres projets en tête. « La retraite à 23 ans, ce n’est pas pour moi ! », s’amuse-t-il.
Dès janvier 2014, il sillonnera le globe. Partir à la rencontre d’entrepreneurs Internet innovants, voilà ce qui l’attend les trois prochaines années. Inde, Liban, Laos, Népal, Guyane, Mexique, Suriname… De quoi faire tourner la tête ! Même là, il ne se laisse pas submerger par l’émotion. « Pendant 3 ans, je verrai ma famille uniquement par Skype. Mais ils savent pourquoi je fais ça, je ne vais pas vadrouiller au fin fond de l’Himalaya pour admirer les montagnes », explique-t-il. Entre articles pour le Huffington Post, photographies et reportages vidéos pour son blog, il ne va pas chômer.
L’esprit vif, un vocabulaire d’homme d’affaires de 40 ans, toujours le mot juste, Sébastien est d’une maturité exemplaire. « Ma passion, c’est entreprendre ma vie. On en a qu’une, elle dure un certain temps. Il faut faire le maximum de choses qui nous plaisent et prendre son pied. J’ai envie de partir à la découverte du monde, rencontrer des entrepreneurs étrangers et voir ce qui se fait ailleurs ». Sa passion pour l’entrepreneuriat ? Il ne la doit à personne de son entourage, même si son père était dans le commerce international. « Il y a quand même des personnes qui m’ont inspiré. Je pense bien sûr à Steve Jobs et sa vision stratégique, comment il a révolutionné le marché en si peu de temps. Richard Branson pour son côté humain et James Nachtwey, reporter de guerre, pour sa grande humilité…».
Qui l’eût cru ?
Personne ne l’attendait au tournant. Les études, ça ne l’a jamais « branché ». « Je ne comprenais rien en cours. Ça ne me parlait pas. Je voulais du concret ». Madame Lépissier, sa professeur de mathématiques de troisième, confirme. « Sébastien était vraiment nul en maths. Il n’y a pas d’autre mot. Il ne fichait strictement rien en classe. Mais bon, il était drôle et il n’embêtait personne », plaisante-t-elle.
Depuis, Sébastien a pris son envol. Un emploi du temps de ministre. Il ne regrette en aucun cas son parcours. « Je suis content de voir tout ce chemin parcouru. Je n’ai peut-être pas eu la vie d’un jeune de 18 ans ordinaire mais j’ai fait ce qui me plaisait. Je n’allais pas en boîte de nuit le samedi soir. J’ai fait des choix. Aujourd’hui, la vie des jeunes de 23 ans que je côtoie ressemble à la mienne ». Il conclut : « les amis, c’est important pour avoir une tête bien faite ! ».
Il retourne à sa lecture : « Manuel de journalisme », d’Yves Agnès. Eh oui, un reportage-photos à travers le monde, ça se prépare. Le petit cancre de 3ème5 est devenu grand.
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