Rive Est du Lez, face à l’Hôtel de Ville, se dressent les immeubles de Port Marianne. Ils sortent encore de terre, tirés par les grues. Les façades se veulent modernes, le projet grandiose. Au Nord, lorsque l’on dépasse l’Avenue de Marie de Montpellier, où passent les tramways 1 et 3, on arrive à Richter. Délimité à l’Est par l’Avenue de la Mer et à l’Ouest par le Lez, le quartier abrite la Bibliothèque Universitaire éponyme et la faculté d’Administration Économique et Sociale.
Il y a deux mondes bien distincts séparés par l’avenue Marie de Montpellier. Malgré l’apparente homogénéité de l’avenue, les populations qu’on trouve de part et d’autre sont bien différentes. Richter accueille des habitants majoritairement étudiants, gravitants autour de l’université. Le quartier Port Marianne est, quant à lui, prisé des retraités et des jeunes cadres aux revenus élevés. Ce marquage territorial est appelé à se renforcer, accentuant encore cette «frontière» déjà visible.
Port Marianne, quartier le plus attractif de Montpellier
Richter est un quartier doté d’un cadre de vie agréable. Il a été construit entre 1992 et la fin des années 90 et bénéficie de l’attrait des rives du Lez. Pour cela, les prix à l’achat tournent en moyenne à 3500 euros du mètre carré et les locations sont comprises entre 500 et 600 euros pour un F2. Mais paradoxalement, la présence des étudiants, qui rendent Richter dynamique, bloque son attractivité immobilière. Comme le dit Michel Audigier de l’agence Urbanimmo, «qui dit étudiant dit fête. Et qui dit fête… dit bruit»!. Ici comme dans la plupart des autres secteurs de Montpellier, les prix à la location sont donc destinés à baisser légèrement dans les années à venir.
Ce phénomène sera moins visible à Port Marianne, porté par un développement qui maintiendra des prix hauts au moment où Richter se normalisera. A plus de 4000 euros le mètre carré, «les prix de l’immobilier à Port Marianne sont parmi les plus chers de la ville».
Selon les agences immobilières locales, le quartier est le plus demandé de l’agglomération. Designs tendances, logements spacieux, promesses écologiques… et le neuf ne fait pas tout. La situation de cette zone voulue par Frêche comme le nouveau centre de Montpellier est avantageuse: mairie toute proche, autoroute et aéroport accessibles, centre commercial Odysséum et centre historique à un quart d’heure en transports, font de l’endroit un lieu proche de tout. Même de la mer. Si l’on ajoute l’attrait que peuvent susciter le parc Charpak, le bassin Jaques Cœur, les nombreux commerces et les lignes de tram, on obtient un quartier choyé, avec un haut niveau de vie entretenu.
Les entreprises aussi sont attirées par le carrefour que représente Port Marianne. Pour elles aussi, les prix à l’achat et à la location sont les plus chères de la capitale héraultaise. Pour Lucy John, consultante chez Tourny Meyer, le quartier est en passe de devenir le pôle d’affaire de la ville. «La locomotive, c’est la Serm». La Société d’Equipement de la Région Montpelliéraine, chargée des grands chantiers de développement de la ville, est installée place Ernest Garnier. L’offre, portant sur des locaux situés principalement autours du rond-point, ne satisfait pas encore la forte demande en équipement. Un marché dont Richter, à deux pas de là mais dépourvu de bureau, est complètement exclu.
Un avenir compliqué
Ce décorum étincelant et prometteur cache pourtant des débuts difficiles. Pour Patricia Martin, directrice de Côté Sud Immobilier, la crise, les chantiers qui s’éternisent, la loi Duflot qui attire moins que la loi Scellier, bloquent les acheteurs potentiels. Ceux-ci, pas aussi nombreux qu’espéré, sont d’ailleurs en grande partie primo-arrivant, le revenu du montpelliérain moyen ne lui permettant pas de s’offrir un logement à Port Marianne.
Pour Daniel Bartement, maître de conférences de géographie, le futur du quartier s’annonce à l’image de sa conception originelle : catastrophique. Si Richter représentait le franchissement du Lez et la conquête de nouveaux horizons par une ville historiquement développée vers le Nord et l’Ouest, Port Marianne est l’allégorie du manque de vision politique des dirigeants actuels. «On est passé d’une ville conçue comme une œuvre d’art à une ville-produit immobilier, pensée sur des études de marché». Lointaine époque que celle de Raymond Dugrand! Depuis 10 ans, l’adjoint du Maire à l’urbanisme est un «représentant des entreprises privés» et non plus un penseur de la ville.
En résulte des logements fabriqués comme des biens de consommation, construits non pour y vivre mais pour les louer. M. Bartement ose la comparaison avec le quartier populaire du Petit Bard: l’architecture, de mauvaise facture, «a inclus l’obsolescence» et le design et l’urbanisme seront très vite passés de mode. Les charges de copropriétés, déjà élevées, grimperont en conséquence de la piètre qualité du bâti. Pire, l’urbanisation des rives ont rendus les sols imperméables. Il n’est donc pas insensé de craindre de nouvelles crues du Lez, plus rapides et violentes qu’avant.
A première vue, Port Marianne et ses paillettes font passer Richter pour un banal petit quartier résidentiel. Traverser l’avenue Marie de Montpellier en direction de Jacques Cœur, c’est changer de dimension. Rendez-vous dans vingt ans. D’ici là, l’ambitieux quartier devrait se garder d’être prétentieux.
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