Quel est le but du collectif Montpellier 4020 ?
GF : Le principal objectif de notre collectif est de dire que seul l’habitant est habilité à parler de la ville parce que c’est lui qui la vit.
A Montpellier, il y a deux cultures démocratiques qui cohabitent : celle de l’enfumage : la démocratie dite « participative » de la droite centriste, et à gauche il y a la citoyenneté active dans laquelle le parti élu représente le parti populaire. Dans les deux cas, c’est toujours les habitants qui ne trouvent pas leur place pour exprimer leurs expériences de la ville.
Soit ils sont conviés à des réunions publiques où la décision est déjà prise, soit ils sont obligés de s’encarter à un parti pour avoir droit au chapitre. En France on a un vrai problème avec la démocratie. La construction démocratique est très verticale.
Vous connaissez ce projet d’écoquartiers à Port Marianne ?
GF : Oui, comme habitant, moins comme observateur. J’ai eu à visiter et à analyser plusieurs autres écoquartiers en France où l’on retrouve beaucoup de « maux » communs. Port Marianne est très comparable à ce qu’on voit ailleurs. Dans tous ces projets, on a une doxa qui est la même que l’on soit à Besançon, Toulouse, Lyon ou Montpellier…Les projets d’écoquartiers ont la même finalité, celle d’organiser les conduites des gens, les bons modes de vie, et de vendre tout ça au nom d’une écologie bien-pensante et ça c’est embêtant !
MC : C’est une forme d’écologie punitive.: on va organiser les conduites et orienter les modes de vie en donnant clé en main des logements et des quartiers qui ne permettent pas la coexistence de différents modes de vie. Il n’y a pas de mixité. Les écoquartiers sont une manière assez violente de faire de l’aménagement.
Qu’est-ce qui manque dans ce quartier pour le rendre plus humain ?
MC : Plus d’animation le soir. Un marché et une maison pour tous…il n’y a pas d’espace commun où les habitants pourraient se rencontrer.
GF : Pour créer du lien urbain, il faut intégrer les habitants dès le début. La conception du quartier ne peut pas se faire sans eux. Il faut des espaces de partage. Les activités proposées ne peuvent pas être uniquement fonctionnalistes, elles ne peuvent pas répondre à des usages pré-formatés.
Dans les écoquartiers construits par les habitants eux-mêmes, ce n’est pas l’esthétique architecturale qui prime, ce sont les lieux communs d’échanges, les formes de solidarité qui s’y construisent. Mais, les rares quartiers réellement co-construits ne se trouvent en fait à ce jour pas dans les villes. Peut-être, justement, que le devenir des villes se joue en dehors des murs de la ville.
Est-ce que ce ne sont pas des projets repliés sur eux-mêmes où il y a peu de mixité sociale ?
GF : Pas toujours, car si parfois les institutions locales veillent à cette mixité (ex : quotas de logements), des garanties sont surtout demandées, notamment en termes d’implication après l’emménagement. Ce sont des projets compliqués car tout le monde n’est pas toujours d’accord sur quel type d’architecture, quels types de transports, quel accès aux équipements… mais il y a une démocratie horizontale. Les gens se réunissent pour décider quelle vie ils veulent. En France, on est très en retard par rapport à ça. C’est pourquoi les initiatives sont plutôt en dehors de la ville. Habiter la terre, à la campagne on a un rapport au faire, on peut plus aisément fabriquer quelque chose. C’est donc bien un fait culturel. Alors que les urbains sont dépossédés de leur capacité à fabriquer quelque chose : on ne fabrique ni son logement, ni ce que l’on va manger, ni quoi que ce soit…En dehors de la ville, c’est beaucoup autour de la nature que ça se joue, pas la nature au sens vivrier du terme mais une certaine conscience de ce que c’est la nature…on est loin des écoquartiers de Port Marianne !
Qu’est-ce que le schéma des conduites sous-tendues par le projet des écoquartiers dont vous parlez ?
GF : Le schéma des conduites est en fait un schéma économique. La ville dorénavant se construit sur son capital symbolique. La ville est devenue le dernier lieu du capitalisme, ou plutôt de l’accumulation capitalistique. Sauf que ça ne se fait plus par l’industrie et par les emplois ouvriers. La ville n’est plus telle qu’on l’a vécue dans la période fordiste où elle était une usine entourée par les salariés qui bénéficiaient des services et équipements mis à disposition par la puissance publique, par exemple les réseaux d’infrastructures, de transports. Tout cela formait la ville industrielle du premier acte du capitalisme urbain.
Depuis les années 70, on est entré dans la deuxième phase du capitalisme urbain : c’est la désindustrialisation, la mondialisation et la délocalisation généralisée. Du coup, les villes doivent reconstruire un capital. Dans les pays occidentaux, ce capital compétitif est dorénavant d’abord symbolique et financier. Les villes doivent attirer un certain type de population en orientant leur mode de vie et en leur offrant, clé en main, usages et pratiques qui sont censés les satisfaire.
Comme les écoquartiers ?
GF : Les écoquartiers en sont généralement les pépites : ils sont mâtinés d’écologie avec un discours environnemental. Chacun a son pré carré, mais remarquez que la nature qui est offerte, est une nature souvent « cosmétisée », artificielle…
Les politiques environnementales jouent à plein dans ce domaine et l’écoquartier permet alors de monter de nouveaux chantiers qui expriment la propre capacité d’agir des élus. Il n’y a pas pire pour un élu que de ne pas inaugurer quelque chose ! Donc à un moment donné, il faut bien qu’il signe un permis de construire. L’écoquartier fait sortir de terre toujours plus de, grands, projets. Vous avez là l’ensemble des ingrédients d’une recette qui est celle des métropoles et qui entrent en compétitions les unes avec les autres. C’est la troisième génération du capitalisme urbain.
En activités, on va attirer surtout les biotechnologies, parce que c’est propre. On va créer des pôles de compétitivité, des clusters, qui permettent d’attirer des chercheurs, des scientifiques, des classes dites créatives (recherche-développement, nouvelles technologies, artistes, communiquants…). Les 10 grosses métropoles françaises se battent pour attirer ces catégories-là, qui sont solvables, et bien entendu les pauvres on les oublie… On n’intervient plus sur les quartiers périphériques. Les services urbains se retirent des quartiers excentrés. Sous couvert de la densification des villes et de réduire nos impacts écologiques, les éco-quartiers participent majoritairement de cette compétition économique.
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