Onze jours se sont écoulés précisément depuis l’annonce brutale du départ de Chuck Hagel le lundi 24 novembre. Nommé en 2012 par Obama car les deux hommes partageaient le même désir de désengager l’Amérique de conflits sans fin, Chuck Hagel, 68 ans, ancien combattant ultra-décoré de la guerre du Vietnam, avait été choisi pour gérer le retrait d’Afghanistan, fixé à la fin de l’année 2014, et l’amaigrissement du budget militaire. Mais le calendrier a été perturbé par l’émergence de l’État islamique, ce qui contraignait le président Obama, le 7 août, à annoncer la reprise d’opérations militaires dans le nord de l’Irak. Cette démission précipitée du seul républicain présent dans le cabinet Obama est révélatrice des tensions permanentes qui résident entre la Maison-Blanche et les militaires du Pentagone. Notamment en ce qui concerne les divergences sur la stratégie de défense générale et les questions budgétaires des forces armées.
Favori numéro 1 à ce siège tant convoité
Pour succéder à Chuck Hagel, plusieurs noms ont circulé : Michelle Flournoy, Ashton Carter et Jack Reed. Mais la première s’est retirée elle-même de la course pour des raisons familiales. Pourtant favorite, elle aurait été la première femme dans l’Histoire des États-Unis à occuper cette fonction créée en 1947 sous la présidence d’Harry Truman. Jack Reed, sénateur démocrate du Rhode Island, aurait, lui aussi, décliné l’offre. Le champ désormais libre, le choix d’Ashton Carter semblait déjà entériné. Dans un climat politique actuel extrêmement tendu aux États-Unis entre les camps démocrate et républicain, la sagesse s’impose pour ne pas contrarier l’opposition. Une décision logique et conforme à une transition facile. Nommé par Obama, le choix du nouveau secrétaire à la Défense a ensuite été approuvé à la majorité par le Sénat, ce dernier étant désormais aux mains des républicains depuis novembre. Déjà secrétaire adjoint à la Défense de Leon Panetta entre octobre 2011 et décembre 2013, Carter avait été confirmé par le Sénat à l’unanimité lors de sa précédente désignation au Pentagone en septembre 2011. « Ash », comme il est surnommé, semble donc l’homme le mieux armé pour contenter ou satisfaire l’ensemble de l’échiquier politique américain. Connu de l’imposant personnel militaire et civil du plus grand immeuble de bureaux au monde qu’est le Pentagone (26 000 employés), l’annonce de sa nomination a été très bien reçue alors que beaucoup se montrent très critiques à l’égard de la politique extérieure menée par Obama.
Symbole de « l’American Dream »
Originaire de Philadelphie, Ashton Carter, 60 ans, marié et père de deux enfants, a commencé à travailler en lavant des voitures à l’âge de onze ans. Il a étudié ensuite à Yale puis à Oxford où il est sorti diplômé en sciences physiques et en histoire médiévale. Par la suite, il est devenu maître de conférences à l’université de Stanford. Ce parcours atypique l’amena à travailler à distance pour le Pentagone dès 1981, en tant qu’analyste, où Il s’occupe tout particulièrement du contrôle des armes nucléaires et de l’élaboration de programmes destinés à intervenir rapidement en cas d’attaque nucléaire. Entré pour de bon comme pensionnaire dans les bureaux d’Arlington (Virginie) en 1993, sous la présidence de Clinton, en qualité de spécialiste des questions relatives à la sécurité internationale, il a gravi les échelons un à un pour s’installer au sommet de la hiérarchie comme secrétaire à la Défense. Carter est le quatrième à occuper cette fonction en six ans sous l’ère Obama, après Robert Michael Gates, Leon Panetta et Chuck Hagel.
L’État islamique dans le viseur
Le nouveau membre du Cabinet du président des États-Unis et responsable des affaires militaires et des Forces armées aura la lourde charge de négocier les décisions importantes concernant les investissements et les modernisations de l’arsenal nucléaire. En outre, il devra gérer l’effort de guerre ainsi que les pressions budgétaires intenses qui pèsent sur le Pentagone face à la réduction des dépenses obligatoires prônées par la Maison-Blanche. Son expérience capitale risque de peser à ce poste prestigieux et hautement stratégique quand on sait que l’armée américaine est la plus puissante au monde, en terme de force de frappe, de budget (environ 640 milliards de dollars en 2013, soit 36 % du budget officiel de la défense dans le monde) et de capacité de déploiement. Les missions qui attendent Carter sont donc nombreuses. Il devra faire face notamment à des adversaires géopolitiques ambitieux, qui ont l’intime conviction que les dernières années de l’administration Obama sont une opportunité à saisir pour affaiblir l’influence de la Maison-Blanche sur la scène internationale. Mais le défi majeur de Carter sera de combattre l’État islamique. Physicien de formation, expert des questions budgétaires et technocrate aguerri, Ashton Carter devra aussi incarner le renouveau tant attendu pour la diplomatie américaine.
Catégorie(s) :Étiquettes : Etats-Unis, Monde