«Toute personne a le droit de circuler librement. Toute personne a le droit de quitter tout pays». La libre circulation des individus fait partie des libertés fondamentales garanties par la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 13. A priori, les sportifs semblent pouvoir jouir pleinement de ce droit. Peut-être même plus qu’un citoyen lambda , au vu de leur pouvoir financier. Or, bien des exemples viennent témoigner d’entraves à cette libre circulation. Combien des sportifs retenus, emprisonnés, voire envoyés en camp militaire suite à des contre-performances. Plus quotidiennement cette régulation des déplacement se routinise dans le monde du sport. Il faut être localisable. Dans le cadre de la lutte anti-dopage, les athlètes doivent ainsi répondre à de rigoureuses obligations de géocalisation. Un bon moyen d’endiguer le dopage peut-être mais surtout une atteinte à la liberté fondamentale de circuler.
Malheurs aux vaincus !
Du fait d’impératifs professionnels très précis et contractualisés par des clauses toujours plus nombreuses, les sportifs sont limités dans leurs déplacements, et entravés contre leur gré. En témoignent les restrictives mises au vert d’avant compétition, les stages obligatoires – intitulés « tournées » – pour les sponsors ou pour aller chercher de nouveau foyers de supporters à l’autre bout du monde. Des contraintes inhérentes à la professionnalisation des athlètes, et à leur marchandisation.
Mais, plus exceptionnellement, l’histoire du sport a vu beaucoup plus grave. Des cas de séquestration, voire d’emprisonnement à la suite de contre-performances. Le régime nord-coréen avait ainsi réservé un accueil tout particulier: à ses footballeurs à leur retour de la Coupe du Monde 2010. En Côte d’Ivoire, on pratique plutôt le redressement militaire. En 2000, l’équipe nationale se fait sortir au premier tour de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Pas franchement du goût des généraux putschistes au pouvoir. Accusés de ne pas avoir mis «assez de cœur» à l’ouvrage, les joueurs sont envoyé en «stage de redressement»… dans un camp militaire.
Géolocalisation et lutte anti-dopage
Depuis quelques années, les instances de lutte contre le dopage dans le sport imposent des contraintes de déplacement et de localisation de plus en plus restrictives. Le dispositif de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) exige ainsi des sportifs la communication de leur agenda sur trois mois. L’idée étant de pouvoir être localisé en cas de contrôle antidopage inopiné. Toute erreur de localisation ou absence à un contrôle – « no show » – aboutit à un avertissement. Trois avertissements successifs peuvent entraîner une suspension. De quoi donner envie de se plier à ce système de surveillance orwellien.
Source d’angoisse, le « no show » constitue le cauchemar des athlètes, notamment avant un grand championnat ou une olympiade. Véritable épée de Damoclès, la procédure peut ainsi interrompre les rêves de titres et de records d’athlètes s’étant focalisés uniquement sur cet objectif. Avant les Jeux Olympiques de Londres en 2012, Laure Manaudou a évoqué publiquement cette menace puisqu’elle comptait déjà deux « no shows » dus à des étourderies ou en raison d’un imprévu.
Dans une lettre ouverte parue dans le Monde en avril 2013, Serge Simon (médecin, président de Provale, l’union des joueurs de rugby professionnel) s’insurgeait contre la géolocalisation la considérant comme trop intrusive. En conflit juridique avec l’AFLD devant la Cour européenne des droits de l’homme, il considère ce stratagème comme « une entrave aux droits et aux libertés individuelles à l’instar d’un « bracelet électronique », qui n’oserait dire son nom ».
ADAMS, logiciel de surveillance
Et pour systématiser la surveillance, les chantres de ce dispositifs ont développé l’outil parfait. Un logiciel nommé ADAMS . Acronyme issue d’une traduction de l’anglais : Système d’Administration et de Gestion Antidopage. ADAMS est un instrument de gestion en ligne qui simplifie l’administration des opérations antidopage des partenaires et des sportifs au quotidien. Il permet aux sportifs de se conformer aux règles de leur sport en matière de localisation en actualisant leurs informations où qu’ils se trouvent dans le monde.
ADAMS permet aussi de désigner un représentant tel qu’un responsable d’équipe, un agent ou une tierce personne pour entrer les données à leur place. Cette fonctionnalité aide aussi les organisations antidopage à partager des informations sur la localisation. Un point essentiel afin que les sportifs n’aient pas à transmettre à répétition les informations sur leur localisation. Les sportifs peuvent également actualiser leurs informations dans ADAMS par l’envoi de messages SMS. Une machine bien huilée.
Quelques exemples emblématiques et récents de « no show » français
Dernièrement le marathonien James Theuri – kenyan naturalisé français en 2006 – a été pris par la patrouille de l’AFLD et condamné à un an de suspension.
Le rugbyman du Stade Toulousain,Yoann Huget, a manqué la coupe du monde de rugby 2011 en Nouvelle-Zélande faute à un troisième « no show » et écopé de six mois de suspension.
Le cycliste Grégory Baugé a été suspendu un an pour trois manquements aux règles de localisation en janvier 2012. La sanction, rendue par la Fédération française (FFC), s’appliquant rétroactivement, Baugé perd le titre mondial de la vitesse sur piste qu’il avait obtenu six mois avant à Apeldoorn, au Pays-Bas, ainsi que le titre par équipe, remporté avec Kévin Sireau et Michael d’Almeida.
Inquiétée pour avoir contrevenu par trois fois aux règles de localisation, la vétérante Jeannie Longo a finalement été relaxée en novembre 2011 par la commission de discipline de la Fédération française. Elle risquait une suspension allant de trois mois à deux ans.
La championne de taekwondo Gwladys Epangue, victime d’une procédure de « no show » en 2010 redoute dorénavant de ne pas remplir le logiciel de géolocalisation ADAMS correctement.
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