Asphalte de Samuel Benchetrit : Douceur et mélancolie.
Véritable surprise, Asphalte est la petite douceur bienvenue de cet automne dans le cinéma français. Dès l’ouverture le ton est donné. C’est drôle, décalé, mélancolique et impeccablement cadré. On y suit trois histoires insolites et six personnages hauts en couleur dans une tour de banlieue de Colmar : un looser attachant, une infirmière perdue, une actrice has-been joué par Isabelle Huppert, un ado délaissé (Jules Benchetrit – fils du réalisateur), un astronaute américain et une résidente de la tour, Madame Hamima. A l’exception du duo Huppert-Benchetrit, la mayonnaise prend bien.
Une œuvre singulière et originale qui séduit par sa poésie permanente et son humour absurde, si rare dans le cinéma français. Samuel Benchetrit évite heureusement la chronique sociale alourdissante pour décrire une banlieue fantasque mais réaliste. Teintée d’une certaine mélancolie, Asphalte aborde le thème de la chute et de la solitude et comment on y remédie avec l’aide d’une main secourable.
Le duo constitué du génial Michael Pitt – interprète de Jimmy Darmody dans la série HBO Boardwalk Empire – et de Tassadit Mandi fonctionne à merveille ! Elle donne une identité, une empreinte à l’œuvre. Telle une trace de pneu sur l’asphalte.
Sicario de Denis Villeneuve : Ampleur et fascination.
Après avoir vu Sicario, une chose est sûre : dans le septième art, ‘il faudra compter sur Denis Villeneuve. Le québécois s’affirme comme l’un des nouveaux cinéastes en vogue à Hollywood. Véritable créateur d’images et d’ambiances, il confirme les espoirs placés en lui. Son nouveau film – sélectionné en compétition officielle à Cannes – s’ajoute à une filmographie riche et talentueuse : Polytechnique, Incendies, Prisoners, Enemy, quatre œuvres majeures. Traitant de la question des cartels mexicains (idée pourtant pas neuve à Hollywood) Sicario se recentre sur le destin de Kate (Emily Blunt), jeune recrue du FBI à l’intégrité intacte, enrôlée dans une opération clandestine menée par des agents énigmatiques et qui mettra à mal ses convictions.
Doté d’une mise en scène taillée au couteau et d’une atmosphère angoissante, ce pur thriller est la marque d’un des maitres du genre aujourd’hui. Haletant, percutant et diablement intelligent, il marquera l’année par trois scènes d’action d’une maîtrise absolue : une séquence d’ouverture d’une puissance rare, une scène de voitures bloquées à la frontière absolument suffocante et une séquence d’intervention armée, filmée en caméra thermique parmi l’une des meilleures jamais vues. Le cinéaste québécois allie donc minutie et puissance au travers d’un scénario habilement mené et qui tiendra en haleine jusqu’à la fin. Fascinant.
Chronic de Michel Franco : Humanisme et désespoir
Prix du meilleur scénario au festival de Cannes cette année, Chronic est l’une des belles surprises de la décevante quinzaine. Michel Franco nous dépeint pendant 1h30 le quotidien d’un infirmier qui s’occupe de malades en fin de vie. Mais sa manière de dresser ce portrait est des plus surprenantes. Le cinéaste mexicain nous présente tout d’abord un personnage énigmatique, intriguant, menaçant pour ensuite basculer, avec subtilité, vers de l’empathie pure envers celui-ci. Et c’est dans cette subtilité du regard et de l’écriture que Michel Franco touche juste. De manière sous-jacente et implicite, nos préjugés, nos craintes basculent jusqu’à se prendre d’une véritable sympathie pour cet homme meurtri. Une deuxième partie où l’on prend une pleine mesure d’un homme dévoué, concerné et détruit.
Le casting, avec Tim Roth en tête, est excellent. Il livre une prestation remarquable, tout en retenue et en sobriété. L’acteur américain anime pleinement cette détresse, ce mal-être palpable.
Chronic est un film dur, percutant. On y parle de maladie, de solitude, de souffrance mais aussi d’humanisme. Et malgré la distance de sa mise en scène, totalement épurée d’effet stylistique ou esthétique, c’est un produit brut mais terriblement émouvant. Une chronique du désespoir.
L’homme irrationnel de Woody Allen : Cynisme Allénien
On a connu Woody Allen plus en forme. Mais The irrational man (le titre sonne mieux en anglais quand même) reste un cru de qualité. Suivant les errances existentielles d’Abe Lucas, professeur de philosophie – interprété par Joaquin Phoenix – l’œuvre de Woody Allen amuse par son cynisme permanent. Astucieuse aussi, la comédie annuelle du cinéaste New-Yorkais peine à dépasser ce stade. Une écriture scénaristique qui ne se renouvelle pas, une sorte de patchwork de thèmes déjà utilisés. Un savoir-faire qui ne surprend plus mais qui divertit toujours grâce à son ironie savoureuse et ses dialogues désopilants. Un sentiment mitigé donc, qui ravira certainement les adeptes du réalisateur américain.
Mon Roi de Maïwenn : Passion destructrice
Quatrième long-métrage de Maïwenn, Mon Roi est reparti avec le prix d’interprétation féminine pour Emmanuelle Bercot lors du dernier Festival de Cannes. Une nouvelle œuvre plus personnelle pour la réalisatrice de Polisse, qui dresse le portrait de Tony et Georgio. Un couple, ses variations et leur passion forte et destructrice est l’enjeu de ce film. Mais ce dernier est à l’image de la relation, dépeinte pendant près de deux heures : jouissif, envoûtant et enivrant lorsque tout va bien et étouffant et insupportable lorsque la relation se délite. Inégal donc.
Cependant la cinéaste confirme une nouvelle fois sa formidable direction d’acteurs. Ses films sont de véritables terrains de jeu. Dans Polisse on était subjugué par le dynamisme des interactions. Dans ce film, on est conquis par la complicité et le naturel qui se dégage de chaque scène. La finesse d’écriture est la force de Maïwenn qui sait sublimer ses acteurs. Mais c’est peut être là que le bât blesse paradoxalement. La narration pâtit trop souvent de ce jeu entre les acteurs et c’est ce qui donne ce ton inégal et inabouti à un film qui garde pourtant de grandes qualités. Comme une relation inachevée.
Légèreté, poésie, cartel, philosophie, passion, drame… Le choix est large mais le talent est bien là… Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
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