Robert Guédiguian, le peuple sur grand écran

Aux côtés de ses fidèles acteurs, le plus célèbre des cinéastes marseillais préside le Jury de la 40e édition de Cinemed. L’occasion de revenir sur une filmographie riche et éclectique.

De Dernier été, son premier film produit en 1980, à La Villa, sorti en 2017, peu de choses ont changé. Ariane Ascaride et Gérard Meylan, son épouse et son ami d’enfance, qu’on prenait parfois pour son jumeau, ont bien pris quelques rides. Mais le décor n’a pas bougé. Robert Guédiguian est resté fidèle à Marseille, et plus particulièrement à son quartier de l’Estaque, décor de la majorité de ses films.
Ses thèmes, eux aussi, restent bien souvent les mêmes. Ancien membre du parti communiste et toujours engagé à gauche, Robert Guédiguian n’aime pas qu’on dise qu’il réalise des films politiques. Il n’empêche, les ouvriers, les pauvres, les résistants ou les grévistes sont omniprésents dans ses scénarios. Le cinéaste le confirme : « Je filme et filmerai toujours des personnages qui galèrent. »
Pour des fins différentes. Comédie, avec Marius et Jeannette, drame, comme La ville est tranquille, film historique, avec L’Armée du crime, ou politique, comme Le promeneur du Champ de Mars, Guédiguian exploite tous les genres.
Au fil des ans et des films, l’Estaque évolue. Un peu. La société également.  En creux, on constate un désamour croissant pour la politique et plus particulièrement un recul de la gauche et de ses valeurs au sein d’une classe populaire qui se tourne de plus en plus vers l’extrême droite.

La famille à l’honneur dans « Les neiges du Kilimandjaro

Une “famille” toujours à ses côtés

“Tribu”, “équipage”, “team”, “crew”. Les termes ne manquent pas pour qualifier, plus ou moins sérieusement, l’entourage de Robert Guédiguian. “Je préfère le terme de famille”, tranche Gérard Meylan, sans pour autant déclencher l’unanimité au sein de la troupe.
Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Jacques Boudet ou encore le monteur Bernard Sasia sont présents depuis ses débuts. Plus jeunes, Anaïs Demoustier, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet et Robinson Stévenin l’ont rejoint en cours de route. Tous ont conscience de prendre part à “une oeuvre collective” et à l’écriture d’une immense comédie humaine.
Car si Robert Guédiguian est seul pour écrire les scénarios, il laisse ses acteurs et son monteur libres d’interpréter leurs rôles. “On ne fait jamais de répétition avant les tournages. Je laisse chacun jouer librement et me proposer quelque chose. Puis je valide ou pas”, détaille le réalisateur. “L’amour infini porté par sa mère a donné à Robert une confiance totale en lui. C’est là sa grande force. S’il valide une scène, on sait qu’il nous soutiendra à 300%”, complète Ariane Ascaride.
Ainsi fonctionne la “famille Guédiguian” depuis maintenant 38 ans.
Il m’arrive parfois de croiser des personnes à Marseille qui se rappellent de Dernier été”, s’amuse Gérard Meylan. “Je constate qu’ils ont les tempes grises, et je me dis que c’est un privilège de vieillir avec son public.” Une histoire commune partie pour durer encore quelques temps.
On tourne notre prochain film du 26 novembre au 15 janvier. Cela s’intitule Sic transit gloria mundi, vous savez, la locution latine qui dit la fragilité de nos existences”, confiait Robert Guédiguian. Un film noir, très dur, avec en exergue une phrase : « La domination est à son apogée quand le discours des maîtres est tenu et soutenu par les esclaves.
Le cinéaste de l’Estaque n’a pas fini de filmer “le peuple”.

GRAND ENTRETIEN – Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti  «Pour comprendre une société, il faut regarder les individus qui sont en marge »

Ils sont inséparables, depuis 2004, le couple franco-turc a réalisé ensemble une dizaine de films. Une complémentarité et un soutien mutuel à l’origine d’une filmographie riche qui s’interesse aux exclus et aux rapports entre les genres.

Pour cette 40 ème édition de Cinemed, vous présentez Sibel en compétition long métrage, quel lien entretenez-vous avec le festival ?

Guillaume Giovanetti : C’est la troisième fois que nous sommes présents à Cinemed. La première fois c’était pour les bourses d’aide au développement avec Nour en 2006 et puis il y a trois ans pour Sibel. C’est le premier festival à nous avoir fait confiance et donné de l’argent pour un long métrage.

Çagla Zencirci : Cinemed nous a offert du soutien concret, financier pour un projet qu’on a pu développer. C’est excellent. On adore le festival parce qu’ils ont compris qu’un réalisateur, il faut qu’il mature. C’est en faisant des films qu’il acquiert de l’expérience. Quand vous recevez ce soutien, vous avez la liberté d’avancer en tant que réalisateur de manière indépendante.

Dans Sibel, vous traitez de l’exclusion d’une jeune femme muette et du manque de solidarité qu’elle subit au sein de son village en Turquie.

CZ : Avec ce personnage féminin rejeté par la société dans son intégralité, on voulait montrer le manque de solidarité entre les femmes, une entraide qui est absente. Il y a une vraie violence qui existe, une forme de compétition entre les femmes. A l’inverse, les deux personnages masculins que nous avons créés, n’interfèrent pas dans les décisions de notre personnage principal. Ils la laissent totalement libre de ses choix, mais la soutiennent dans le chemin qu’elle souhaite entreprendre. C’est ce genre d’homme que l’on veut voir dans la vraie vie.

Est-ce un film politique ?

CZ : Nous ne nous sommes jamais définis en tant que réalisateurs politiques. Notre vie est politique, on ne peut pas s’en débarrasser. Mais on a toujours utilisé la politique comme un décor. On a essayé de voir quels sont les effets des politiques menées sur nos personnages qui ont toujours été des exclus. Nous pensons que pour comprendre une société, il faut regarder les individus qui sont en marge. Là vous avez une idée très très claire de la société en elle même.

Est ce pour cela que vous avez réalisé Ata en 2008, pour montrer les difficultés d’intégration, en France cette fois ?

GG: Nous avions rencontré par hasard un homme de la communauté ouïghoure (turcophone musulmane de l’Ouest de la Chine) il y a une quinzaine d’années en France. Il était sans papiers, dans un processus d’exclusion avec des difficultés pour parler le français. Nous nous sommes inspirés de son histoire. Le film traite de la rencontre entre ce personnage ouïghour, qui n’a par défaut rien à voir avec la société française, et une jeune Turque venue en France pour des raisons amoureuses, pas du tout pour des raisons politiques ou économiques. Son fiancé la laisse au début du film, elle se retrouve seule dans un pays étranger complètement désemparée.

C’est cette marginalité commune qui va rapprocher les deux personnages ?

GG : Oui, c’est la rencontre de deux individus qui n’ont à priori rien en commun. Ils découvrent que leurs deux langues se ressemblent, qu’ils peuvent communiquer. On a cherché à illustrer les difficultés d’intégration d’un certain nombre de personnes qui viennent de l’extérieur de la société française. Cela donne naissance à une resolidarisation de personnes qui sont dans la même situation. On voit des groupes se créer, des manières de fonctionner autres qui n’ont vraiment rien à voir avec la société française. Ce qui va favoriser le communautarisme. C’est un court métrage réalisé il y a dix ans, mais il a encore une actualité énorme. Les choses n’ont pas beaucoup changé.

Votre prochain film sera-t-il de nouveau un projet en commun ?

CZ : Oui, cela fait 15 ans que l’on travaille ensemble. Nous n’avons pas d’oeuvre séparée. On a appris à travailler ensemble. On ne peut pas faire de films seuls, on ne sait pas comment faire.

GG : On a développé nos automatismes, nos façons de faire. C’est un ping pong permanent. Sibel c’est notre dixième film. On a un autre projet en Turquie, toujours avec un personnage féminin au centre, plus urbain, un peu plus âgé cette fois. Le film sera axé sur la question de la famille et du rôle de mère qui est prédestiné pour la femme. C’est un road movie à travers la Turquie, l’histoire d’une femme qui laisse ses enfants à son mari parce qu’elle n’en peut plus. Elle va rencontrer un transexuel qui va lui donner une autre définition de ce que c’est d’être une femme.

Est-ce une manière d’interroger les représentations de genre ?

CZ : Dans notre travail, on essaie de questionner le positionnement de la femme, mais aussi de l’homme, parce que cela va ensemble. Il y a certains critères pour vraiment être considérée comme une femme. Si on ne les respecte pas, soit on n’est pas une femme, soit on est prise pour une folle. Est ce qu’une femme qui dit ouvertement qu’elle ne veut pas avoir d’enfants est totalement acceptée dans n’importe quelle société ? Jamais. Pourquoi elle ne voudrait pas d’enfants ? C’est une femme quand même, elle devrait en vouloir « normalement». Quand vous enlevez tous ces critères la femme évolue d’une tout autre façon, avec beaucoup de courage et sans peur.

GG : Ce sont des problématiques qui reviennent dans beaucoup de nos films. Ca va prendre des formes de questionnement sur l’identité sexuelle comme dans notre film Noor au Pakistan, ou sur le positionnement des femmes comme leader d’un groupe dans Sibel. De façon plus ou moins consciente, on traite aussi beaucoup de l’équilibre au sein du couple. Comment interagir et s’entraider, être solidaires l’un de l’autre ? Quels sont les rôles définis et les rôles à ne pas définir du tout ?

Propos recueillis par Léa Coupau et Camille Bernard

 

SÉANCE TENANTE #2 – En liberté ! : un ballet de sentiments déjantés

Le dernier film de Pierre Salvadori projeté en avant-première de Cinemed dimanche 21 octobre, sortira en salles le 31 octobre prochain. Retour sur le « mélange de genres » que nous offre la séance tenante.

Deux ans après une intervention qui a mal tourné, le capitaine de police Santi, laisse derrière lui une veuve éplorée et Théo, un enfant attristé mais totalement admiratif de son papa. Décrit comme immense et valeureux, une statue à son égérie, arme au poing, est dressée face à la mer. Pourtant, au cours d’une arrestation et par hasard, sa veuve, Yvonne, lieutenant de police, découvre qu’il était en réalité un ripou et un « salaud ». Antoine, innocent derrière les barreaux depuis 8 ans en est sa plus grosse victime. Décidée à rétablir la justice, elle le retrouve à sa sortie de prison en lui cachant tout de son identité. S’en suivent des aventures toutes plus loufoques les unes que les autres, mêlées à leur vie sentimentale respective et leurs démons des huit dernières années.

Une histoire du soir pour rompre avec le deuil

L’histoire du soir pour endormir le petit Théo est le fil conducteur du film, sous forme de flashbacks dignes de James Bond. La première scène s’ouvre sur le capitaine Santi (Vincent Elbaz), glorieux policier en train d’arrêter des criminels avec une facilité sans nom. « Il était fort papa » se console Théo, admiratif. « Comme un lion », confirme sa maman, conteuse des récits volontairement enjolivés. Mais à mesure qu’Yvonne (Adèle Haenez) apprend la réalité sur son mari, l’histoire du soir se transforme : non, son père n’était pas le parfait justicier fantasmé. Théo ne comprend pas pourquoi sa mère lui conte soudainement un père magouilleur et malhonnête. Celle-ci entreprend alors une mission : rétablir la justice pour que le véritable coupable se retrouve derrière les barreaux, dans l’imaginaire de Théo. S’affranchira-t-il de l’image héroïque du père ?

« La réalité se transmet par la fiction », Pierre Salvadori.

Si Théo doit avancer avec ses yeux d’enfant, le chemin est plus long pour Yvonne. À son deuil s’ajoute l’acceptation. Huit années passées avec lui sans jamais rien savoir de ses agissements et de sa malhonnêteté… Perdue, elle se rend coupable des agissements d’un autre : son défunt mari. Une quête de rédemption dans laquelle elle retrouve l’amour avec Louis (Damien Bonnard), mais a-t-elle le droit d’aimer un autre que l’inconnu avec lequel elle vivait ? La réalité la pousse et l’aide à quitter son deuil marital, en quête de justice.

De la mort au rire : quand la vie rembourse

L’histoire s’annonce triste, dramatique et bouleversante mais à l’écran, rien de cela. Loin du polar et sous couvert d’humour, Pierre Salvadori campe des situations rocambolesques avec des personnages toujours plus fous : un psychopathe qui se promène avec sa tante découpée dans un sac ou encore un meurtrier accueilli très joyeusement au commissariat. Antoine (Pio Marmaï) et Yvonne s’entrechoquent dans une folie partagée croisée de mensonges. Antoine ignore jusqu’au prénom d’Yvonne, qui se fait appeler Louise et qu’il croit être prostituée. Leur planque au cœur d’un ancien bordel sadomasochiste, un braquage en tenue de latex et masques de bondage alimentent ce délire loufoque. Tout semble improbable et pourtant tout s’accorde à merveille.

L’injustice entre le mensonge et l’innocence

Pierre Salvadori se confie : certaines scènes ne sont pas « vraisemblables mais ça n’empêche pas les personnages d’arriver à une vérité ». Et la vérité finit par éclore : « Mieux vaut être un salaud qu’une victime. » Ainsi, le mensonge reste une fois de plus au cœur de l’œuvre du réalisateur. Yvonne ment parce qu’elle refuse la vérité. Elle en a « marre d’être coupable » quand Antoine, frappé par l’injustice en a « marre d’être innocent ». Parce qu’on lui « a volé 8 ans de sa vie, pour rien » il s’adonne à toutes les transgressions pour devenir coupable tandis qu’Yvonne tente de le réparer pour se sentir à nouveau innocente. Mais huit ans d’absence ont laissé une cassure dans le quotidien d’Antoine et sa compagne, Agnès (Audrey Tautou), même si leur amour semble intact. Elle ne le comprend pas, trouve qu’il est revenu avec la « cruauté des victimes » mais le poursuit pendant qu’il s’adonne, perdu, à des folies avec Yvonne sans vouloir perdre sa promise. Tout prête alors à croire qu’Antoine et Yvonne seront prêts à transgresser jusqu’aux règles de la fidélité.

En liberté ! est dédié au directeur de casting, Philippe Elkouby, décédé le 17 mars dernier.

 

 

SÉANCE TENANTE #1 – Avec Il Miracolo, Cinemed parie sur la série

Le Cinemed s’est ouvert vendredi soir sur une projection audacieuse. Le festival a mis à l’honneur Il Miracolo, série télévisée italienne écrite et réalisée par le romancier italien Niccolo Ammaniti. Une expérience inédite depuis la création de Cinemed en 1979.

Dès les premières secondes, le ton est donné. Le corps recroquevillé et couvert de sang d’un chef de la mafia calabraise est retrouvé dans son repaire par la police italienne. Mais ce sang qui macule le sol et les murs de la planque n’est pas le sien. Il vient des larmes de la Vierge, statuette qui pleure sans relâche neuf litres de sang par heure. La piste de la farce est rapidement écartée. Une équipe ultra confidentielle de chercheurs se lance dans le décryptage de cette sombre énigme sous l’oeil perplexe du Premier ministre italien. L’analyse du plasma démontre qu’il s’agit de sang humain masculin. « Nous sommes vraiment en train de parler du sexe d’une statue ! Après quoi ? l’ADN de la Vierge ? » s’emporte le Premier ministre dépassé par un scandale qui risque de dériver « en guerre de religion ». L’étrange statue est dissimulée au grand public dans le contexte d’un référendum pour la sortie de l’Union Européenne.

Le choix d’une série pour ouvrir cette 40 ème édition était un pari ambitieux, voire risqué. Le genre est encore largement négligé par les festivals de cinéma. Mais Cinemed a souhaité mettre en avant la créativité d’un phénomène mondial qui se propage hors petits écrans. Les plus grands cinéastes s’approprient peu à peu l’univers des séries à l’instar de Steven Spielberg, Jane Campion, ou encore le réalisateur français Cédric Klapisch. Il miracolo se veut une « fable politique existentielle sur le chaos du monde », plongeant le spectateur dans une tension constante. Un rythme lent sur un fond sonore qui renforce l’univers oppressant du drame télévisuel. Des mares rouges, un oiseau mort tombant du ciel, l’exposition de la chair animale, quelques gouttes de sang versées dans la soupe d’une femme mourante. L’esthétique est sanguinolente, à l’image du mouvement cannibale dont se réclame Niccolo Ammaniti. Violence exacerbée et vacuité morale tels sont les maitres mots de ce courant qui avait fait scandale en Italie, à sa création en 1990.

Des liens humains fragmentés dans une atmosphère sombre et angoissante

Entre isolement et solitude, un ensemble se succède un ensemble de portraits. On assiste aux écarts de la femme du Premier ministre, dépassée par sa place de « first lady ». Un prêtre décadent utilise son image d’homme pieux pour assouvir ses pulsions sexuelles et pécuniaires. La scientifique mobilisée sur l’enquête cherche par tous les moyens à sauver sa mère de l’agonie. Des liens humains fragmentés dans une atmosphère sombre et angoissante. Les thèmes bibliques se succèdent : la pietà inversée et la fustigation biblique de la chair viennent s’ajouter aux prêches sans foi et représentations mystiques obscures.

Fin de la projection, Lazar prend des allures de vieille dame ressuscitée clôturant le second épisode d’une série qui, personnellement, ne nous a pas transcendée.

Les sorties ciné du mercredi 6 décembre

Il fait trop froid pour sortir ? Allez vous faire une toile. Mercredi arrive avec son de lot de nouveaux longs métrages qui sortent en salle. Voici une sélection des films à l’affiche cette semaine.

Bienvenue à Suburbicon – Une satire déjantée

Avec Bienvenue à Suburbicon, George Clooney passe à nouveau derrière la caméra, sur un scénario qu’il cosigne avec les frères Coen. Le film est inspiré de l’histoire vraie d’une famille américaine blanche de Pennsylvanie qui s’est opposée à l’installation d’une famille noire dans leur quartier.
Suburbicon, petite ville résidentielle des Etats-Unis, fin des années 50. La parfaite banlieue américaine. Matt Damon incarne un père de famille moyen dont la vie va basculer dans des histoires de crimes. Un thriller-comédie absurde et déjanté qui dresse une satire de la société américaine. Allez faire un tour à Suburbicon.

Les Gardiennes – La guerre des femmes

Après Des hommes et des dieux, Grand Prix du jury du festival de Cannes et César du meilleur film en 2010, Xavier Beauvois signe là un nouveau long métrage puissant, en adaptant le roman homonyme d’Ernest Pérochon. Le réalisateur a voulu raconter la Grande guerre, mais celle des femmes qui ont participé à l’effort de guerre. Pour cela, il a réuni pour la première fois à l’écran Nathalie Baye et Laura Smet.
Les Gardiennes nous emmènent dans la France profonde de 1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont remplacé les hommes partis sur le front. Nous suivons Hortense, la doyenne et sa fille Solange, qui travaillent dur dans les champs et vivent au rythme des permissions des hommes. Hortense engage une jeune fille de l’assistance publique pour les épauler. Xavier Beauvois méritera-t-il un nouveau César? Jugez-en par vous-même.

Santa & Cie – L’esprit de Noël

Pour son nouveau long métrage, Alain Chabat enfile le costume du père Noël, mais pas sans difficulté. Le réveillon approche mais les lutins chargés de fabriquer les jouets des enfants tombent tous malades. Panique. Sur ordre de la mère Noël (Audrey Tautou), Santa se rend sur Terre pour sauver Noël. Une comédie familiale de saison, où la magie rencontre la réalité.

Tueurs – Au cœur d’un casse

On passe cette fois au polar. Le reconverti du grand banditisme François Troukens et Jean-François Hensgens signent un film de braquage bien ficelé. Frank Valken (Olivier Gourmet), braqueur professionnel, réalise un casse exceptionnel qui tourne mal. Un commando entre en action et exécute les témoins. Parmi eux, une magistrate qui s’occupe d’une affaire de tireurs fous. Projetés 30 ans plus tard, on retrouve un Frank Valken récidiviste arrêté en flagrant délit. Il s’évade de prison pour prouver son innocence, avec une Lubna Azabal et un Bouli Lanners, détectives, à ses trousses. Le film promet d’être palpitant.

Les sorties ciné du mercredi 29 novembre

Chaque mercredi, une nouvelle fournée de nouveaux longs métrages sort tout chaud dans les salles obscures françaises. L’occasion de passer en revue les derniers films de Robert Guédiguian, Thomas Alfredson et Mélanie Laurent et de se confronter à la dernière superproduction Disney-Pixar.

Coco de Lee Unkrich – Voyage au Mexique

Coco est le dernier film d’animation des studios Pixar, auteur des films d’animation Toy Story, Wall-E ou encore Vice-Versa. L’histoire se déroule au Mexique où Miguel, 12 ans, rêve de devenir musicien afin de ressembler à son idole Ernesto de la Cruz. Un objectif bien difficile à atteindre pour le petit mexicain puisque sa famille l’empêche d’avoir tout rapport avec la musique. Alors qu’il est en train de participer à la célèbre fête mexicaine du « dia del muertos » [jour des morts, ndlr], il se retrouve à la suite de péripéties en plein milieu d’un monde haut en couleur : le pays des morts.
L’occasion pour lui de rencontrer ses ancêtres et de découvrir la raison de l’aversion de sa famille envers la musique.

Une virée délirante en plein cœur des traditions mexicaines où l’on décèle également de nombreuses références à la mythologie aztèque. Coco est un immense succès au Mexique, où le film a battu tous les records en devenant le plus grand succès pour un film d’animation, rapportant la bagatelle de 34,1 millions d’euros au box-office mexicain. Une histoire loin d’être effrayante ou morbide, mais au contraire pleine de vie et d’humour qui ravira petits et grands.

Le Bonhomme de neige de Thomas Alfredson – Un thriller glacial

Après s’être attaqué aux vampires (Morse) puis au film d’espionnage (La Taupe), le réalisateur Thomas Alfredson s’essaie au polar avec Le Bonhomme de Neige inspiré du best-seller de Jo Nesbø. En plein cœur de la Norvège, le détective alcoolique Harry Hole (Michael Fassbender) enquête sur la disparition d’une femme qui pourrait être la dernière victime d’une série de meurtres inquiétante. Avec l’aide de Katrine Bratt (Rebecca Ferguson), tout juste sortie de l’école de police, ils vont se lancer à la poursuite d’un tueur laissant des bonhommes de neige sinistre à chacun de ses méfaits.

Plonger de Mélanie Laurent – Amour en eaux troubles

Adaptation du roman éponyme de Christophe Ono-dit-Biot, Plonger est le troisième long métrage de la l’actrice-réalisatrice Mélanie Laurent. Le film nous immerge dans la vie de Paz (Maria Valverde) et de César (Gilles Lellouche), couple à l’amour fusionnel et passionné. Tout bascule pour les deux amants à la suite d’une maternité non désirée qui fragilise l’équilibre de leur relation. Paz, fuit sans donner de nouvelles. Une « relation homme-femme » qui a marqué Mélanie Laurent lors de sa lecture du roman de Christophe Ono-dit-Biot. Après Les Adoptés, Respire et Demain, la réalisatrice réussira-t-elle une nouvelle fois à captiver son public ? Réponse mercredi en salle.

La Villa de Robert Guédiguian – Une chronique familiale ancrée dans le présent

En plein cœur de sa terre natale, le réalisateur Robert Guédiguian réunit ses acteurs fétiches Jean-Pierre Daroussin, Ariane Ascaride ou encore Gérard Meylan dans une chronique familiale ancrée dans la réalité. Angèle, Jospeh et Armand se réunissent dans la maison familiale pour soutenir leur père vieillissant dans un cadre idyllique, celui de la calanque de Méjean. Le moment pour eux de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal que leur père leur a transmis. Du monde de fraternité qu’il avait bâti dans ce lieu magique, autour d’un restaurant ouvrier dont Armand, le fils aîné, continue de s’occuper. Une réunion familiale qui va se voir bouleversée par un phénomène plus que d’actualité… Guédiguian aborde les thèmes universels qui lui sont chers : l’amour, les relations familiales, la paix…

Les sorties ciné du mercredi 22 novembre

Comme chaque mercredi, les salles obscures se ravitaillent en nouveaux longs métrages dont voici une petite sélection. À l’affiche cette semaine, Le Brio, Marvin ou la belle éducation, La Lune de Jupiter, L’oeil du cyclone ou encore La bataille des sexes.

Marvin ou la belle éducation de Anne Fontaine – La difficulté d’être soi

Martin Clément (Finnegan Oldfield), né Marvin Bijou, est un garçon « différent ». Et pour cela, il a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l’intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l’exposait cette « différence ». Envers et contre tout, il s’est quand même trouvé des alliés. Madeleine Clément (Catherine Mouchet), la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre, et Abel Pinto (Vincent Macaigne), le modèle bienveillant qui l’encouragera à raconter sur scène toute son histoire. Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer.

« Le nouveau film d’Anne Fontaine est une balade fiévreuse sur un être humilié et offensé chez qui la lumière finit par l’emporter sur l’ombre », Télérama

Le Brio de Yvan Attal – Un plaidoyer pour une France tolérante

Neïla Salah (Camélia Jordana), jeune banlieusarde de Créteil issue d’une famille algérienne, rêve de devenir avocate. Dès son premier jour à l’université parisienne d’Assas, elle va se confronter à Pierre Mazard (Daniel Auteuil), professeur connu pour ses provocations et dérapages de langage. Pour s’éviter une sanction administrative, ce dernier accepte de préparer Neïla au prestigieux concours d’éloquence. Mais pour relever le défi, il faudra que chacun dépasse ses propres préjugés.

« C’est malin, bien écrit, bien rythmé, bien joué. Assouplir les mœurs en riant, voilà un bon propos de comédie », Lefigaro.fr

L’oeil du cyclone de Sékou Traoré – L’Afrique face à ses démons

Quelque part en Afrique. Un enfant soldat devenu chef de rebelles (Fargass Assandé) est accusé de crimes de guerre. C’est une jeune avocate (Maïmouna N’Diaye) qui assure sa défense, souhaitant faire triompher la justice dans son pays corrompu, quitte à mettre en danger sa carrière et sa vie. Mais peut-on réellement sauver un ex enfant-soldat ?

« En homme programmé à tuer, Fargass Assandé est totalement hallucinant », Télérama

La Lune de Jupiter de Kornél Mundruczó – Un ange passe

Six fois nominé au Festival de Cannes, le long-métrage raconte l’histoire d’Aryan (Zsombor Jéger), un jeune migrant qui se fait tirer dessus lors de son passage illégal de la frontière. Sous le coup de sa blessure, il découvre qu’il a désormais le pouvoir de lévitation. Jeté dans un camp de réfugiés, il s’en échappe avec l’aide du Docteur Gabor Stern (Merab Ninidze) qui ambitionne d’exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d’argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l’incroyable don d’Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles s’achètent.

« Au festival de Cannes, on lui aurait bien volontiers attribué un double trophée : celui du scénario et celui de la mise en scène », La Voix du Nord

Battle of the sexes de Jonathan Dayton et Valerie Faris – Un film dans l’air du temps

1972. La championne de tennis Billie Jean King (Emma Stone) remporte trois titres du Grand Chelem. Mais loin de se satisfaire de son palmarès, elle s’engage dans un combat pour que les femmes soient aussi respectées que les hommes sur les courts. C’est alors que l’ancien numéro un mondial Bobby Riggs (Steve Carell), profondément misogyne et provocateur, met Billie Jean au défi de l’affronter en match simple…

Onze ans après Little Miss Sunshine, Dayton et Faris se saisissent d’un thème on ne peut plus actuel : la cause féministe au prisme du machisme dans le tennis des années 70.

« [Emma Stone et Steve Carrell] assurent joliment le show sous leurs postiches », Première

SEANCE DU JOUR #3 – Chico et Rita sur un air latino

Le réalisateur espagnol Fernando Trueba est à l’honneur cette année pour la 39e édition du Cinemed. Aujourd’hui, Haut Courant s’intéresse à Chico et Rita (2011), nominé aux Oscars et récompensé par le Goya du meilleur film d’animation (2011).

À La Havane, en 1948, Chico, un jeune pianiste talentueux, fait la fête avec ses amis lorsqu’il rencontre Rita, une chanteuse de jazz. Le coup de foudre est réciproque pour les deux artistes cubains qui rêvent de percer aux Etats-Unis. Après une nuit enchantée, place au cauchemar. Juana, la petite copine de Chico débarque. Ils participent malgré tout à un concours musical ensemble. C’est le début d’une reconnaissance locale pour le duo. Un soir, Ron, un producteur américain, propose à Rita de la produire et de l’emmener à New York. Elle accepte à contrecœur, convaincue que Chico aime sa femme Juana.

Le spectateur ne peut que tomber sous le charme de cette intrigue poétique bercée par les sons des grands jazzmen cubains. Ils sont d’ailleurs présents dans le film comme Chano Pozo, Charlie Parker, Dizzy Gillespie ou encore Ben Webster. Bebo Baldes, a également réalisé la bande originale du film. La vie du grand pianiste cubain a fortement inspiré les deux réalisateurs, Fernando Trueba et le dessinateur Javier Mariscal, mondialement connu pour avoir créé Cobi, la mascotte des Jeux Olympiques de Barcelone de 1992.
Ces derniers ont réalisé un travail qui frappe par son originalité. Pour être très réaliste, ils ont utilisé des archives photographiques de La Havane. Les réalisateurs ont utilisé une méthode novatrice d’animation du dessin tout en intégrant les mouvements de vrais acteurs qui jouaient en studio.

Derrière l’amour passionnel et contrarié des protagonistes se cache la dure réalité sociale de l’époque. Le film constitue une véritable dénonciation du racisme notamment à travers le personnage de Rita. La jeune chanteuse ne peut pas résider dans les grands hôtels dans lesquels elle se produit et est entièrement dépendante de son producteur, un riche homme blanc. De plus, après la révolution cubaine en 1959, le jazz n’est plus populaire car il est associé à l’impérialisme. C’est pour cette raison que les personnages comme les grands musiciens cubains ont abandonné leur île pour devenir célèbres ailleurs.
Un beau dessin animé pour adultes qui saura nous émerveiller comme des enfants.

[Pour les plus curieux, voici un extrait

 >https://www.youtube.com/watch?v=g2bVBUZ93R8&feature=youtu.be]

SÉANCE DU JOUR #2 – Retour à Bollène, un premier film remarquable de Saïd Hamich

La 39e édition du Cinemed présente le premier film de Saïd Hamich, Retour à Bollène. Il fait partie de la sélection officielle Panorama Longs Métrages.

Le Cinemed diffuse aujourd’hui et vendredi 27 octobre le premier long métrage de Saïd Hamich, producteur de nombreux films dont Much Loved de Nabil Ayouch. Pour lui, « c’est un sentiment nouveau d’être dans cette position ». Pour son premier passage derrière la caméra, il s’est occupé du scénario et de la production. Il le décrit comme « un film personnel ».

Le film raconte l’histoire de Nassim (Anas El Baz), un jeune homme de 30 ans, qui vit à Abu Dhabi avec sa fiancée américaine. Avec elle, il revient dans le Sud-Est de la France, à Bollène, l’endroit où il a grandi.
Bollène a bien changé depuis qu’il est parti. Sa ville est sinistrée, la Ligue du Sud gouverne la ville. Nassim retrouve sa famille avec laquelle il entretient des rapports compliqués, surtout son père à qui il ne parle plus. Un père qu’il évite le plus possible, retardant la rencontre. Le personnage est confronté à un passé qu’il a cherché à oublier en partant loin de la France. Retrouver Bollène et la banlieue dans laquelle vit sa famille, c’est être soumis à tout ce qu’il redoute. Saïd Hamich suit Nassim dans son parcours et ses retrouvailles avec d’anciennes connaissances, des personnes qui ont marqué sa vie et qui ont bien changé depuis son départ.

Le réalisateur souligne, par le biais du retour du personnage principal, la réalité d’une certaine France. Une France où les commerces de proximité sont fermés, des services publics inefficaces, les habitants des banlieues laissés pour compte, le chômage. Clairement, le film a une composante politique et sociale. Avec Retour à Bollène, Saïd Hamich prouve qu’il n’est pas seulement un producteur engagé, il est aussi un réalisateur à suivre. Il montre aussi son perfectionnisme : « le film n’est pas mixé jusqu’au bout ».

Présenté pour la première fois au public au Cinemed, Retour à Bollène décrit une certaine réalité de la vie politique locale. Le réalisateur décrit avec pertinence les passerelles qui peuvent exister entre l’extrême gauche et l’extrême droite. À travers le retour de Nassim sur sa terre natale, le spectateur assiste à la réalité bouleversante d’un personnage confronté à son passé et à sa famille. Une réalité qui le happe et le replonge dans ses tourments, laissant ressurgir ses blessures. Nassim doit affronter ses démons et ses peurs. Un passage obligé pour appréhender l’avenir sereinement. Pour être heureux, tout simplement.

SÉANCE DU JOUR #1 – Razzia, une ode à la liberté

Après Much Loved, Nabil Ayouch revient en ouverture du 39e festival Cinemed avec un tableau édifiant de la société marocaine.

C’est un geste fort que de présenter ce film en ouverture du Festival. Un film engagé, sur l’évolution des moeurs au Maroc, entre conservatisme et modernité. De manière chorale, il conte les destins croisés de Salima, Joe, Hakim, Inès.

Et surtout celle d’Abdallah, avec sa voix qui nous guide durant tout le film. Tout commence en 1982: il est professeur dans les montagnes de l’Atlas au Maroc et tente d’enseigner les sciences à ses élèves. Mais les nouvelles réformes lui impose (avec surveillance à la clé) d’utiliser l’arabe, langue coranique, au détriment du berbère. Les cours se transforment en éducation islamique. « Qu’importe la langue si vous leur ôtez la voix ? » désespère-t-il. « Rester pour lutter ? ». Il hésite.

Nous voilà sans transition en 2015. Salima, une jeune femme mariée et sans emploi se débat face à la pensée patriarcale qui l’étouffe et à la domination des hommes. Joe, de son vrai nom Joseph, est un restaurateur juif de Casablanca. Sans cesse renvoyé à son appartenance religieuse. Hakim, jeune marocain homosexuel rêve, lui, d’Europe et de liberté. À la recherche d’un avenir meilleur il est confronté au rejet de la société et de son père, du fait de son orientation sexuelle et de sa passion pour la musique. Inès, jeune lycéenne ultra connectée est confrontée et choquée par le mariage d’une de ses amies, mineure, avec un homme de 32 ans.

Tout cet entrelacs d’histoires de vies qui se frôlent sans se rencontrer questionne les mutations et soubresauts de la société marocaine : la religion, la libération de la femme et les mariages de mineurs, l’homosexualité. En quête de liberté, chacun des personnages tente à sa manière de s’affranchir des carcans du Maroc d’aujourd’hui.

Ecrit par le réalisateur lui-même et Maryam Touzani l’actrice principale du film (Salima), le scénario met en scène les comédiens de son précédent long métrage – le multi primé Much loved -, Amine Ennaji (Abdallah) et Abdellah Didane (Ilyas).

Le réalisateur d’origine marocaine scrute son pays avec un réalisme bouleversant. Il y décrit une société bloquée tout autant par l’emprise religieuse que celle de la domination des hommes sur les femmes. Dans « Casa la moderne » prisée des touristes, il filme l’envers du décor : la difficulté de naître et d’être femme, le rejet des juifs, la stigmatisation des homosexuels. Il y dépeint également la contestation de la jeunesse face au chômage, leur désespoir face à l’avenir. Et la violence qui en découle.