Bizarre. Tel pourrait être le premier qualificatif de la lucha libre, le catch mexicain. Car cela n’a rien à voir avec le catch américain, symbole théâtral du « show à l’américaine ». De l’autre côté du Rio Grande, la culture change, le catch aussi. Emblème de la culture populaire mexicaine, la lucha libre a fortement divergé de son lointain cousin « gringo ». Moins brutale, plus court et spectaculaire, plus ancré dans une réelle tradition culturelle.
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Car pour les Mexicains, la lucha libre est bien plus qu’un spectacle, c’est un mythe, un sport, un carnaval. C’est un pan entier de la tradition populaire mexicaine. Cette variante du catch, bien qu’originaire des Etats-Unis et importée dans les années 30, a été adoptée dans la culture traditionnelle et surtout populaire. Les luchadors (les lutteurs) sont élevés au rang de héros, voire de super héros, cultivant le mystère autour de leur identité et de leur déguisement. Malgré un incontestable statut de star, la plupart vivent dans l’humilité.
Un héros dont on ne connaît pas le visage
L’importance du masque est primordiale. Tout comme Zorro ou le sous-commandant Marcos, le lutteur ne s’affiche que masqué. Les déguisements ultra-colorés peuvent apparaître kitsch mais ont de véritables significations. Métaphore d’une lutte symbolique du bien contre le mal, le masque arboré par le lutteur représente son quartier, son travail … C’est un héros, à la fois brute et gymnaste, dont on ne connaît pas le visage. Monsieur tout le monde au quotidien, il devient un personnage proche du fantastique lorsqu’il enfile son masque et monte sur le ring. Les interviews et reportages hors ring sont surprenants : ils montrent ces hommes dans leur quotidien modeste, entourés de leur famille, mais toujours dissimulés derrière leur masque, leur second visage.
Adulé car bien plus réel qu’un super héros fictif, par tradition, le lutteur est soit masqué, soit porte les cheveux longs. L’emporte celui qui arrachera le masque ou coupera les cheveux de son adversaire. L’accumulation de « chevelures » et de masques forme le palmarès visible d’un « luchador ».
El Santo, l’homme au masque d’argent
Ces gladiateurs du ring ont leurs figures et leurs rivalités mythiques. La plus célèbre des rivalités de la Lucha libre mexicain oppose El Santo à Blue Demon. Le plus célèbre demeure sans doute El Santo, l’homme au masque d’argent et dont personne ne connaît le visage.
Rodolfo Guzmán Huerta de son vrai nom est « la légende » de ce sport en Amérique Latine.
Pourtant, ce sont ses activités en dehors du ring, plus que sa carrière sportive, qui lui ont donné sa notoriété. Il a incarné son personnage dans plus de cinquante films. Mais c’est par l’intermédiaire de l’artiste et éditeur José Guadalupe Cruz qu’il devient, en 1950, plus qu’un lutteur : El santo devient alors un personnage de bande dessinée, le premier luchador à avoir cet honneur.
Le travail de Lourdes Grobet, en partie visible au Pavillon populaire de Montpellier, révèle le l’aspect sociologique de ce sport. A travers 11 000 clichés pris depuis 1972, elle montre le côté carnavalesque et mystérieux des ces lutteurs. Ce qu’elle en retire, c’est l’importance sociologique et culturelle du masque : « Le masque occupe une place particulière dans la culture mexicaine. […] C’est précisement là (ndlr : la lucha libre) que j’ai pu comprendre le mythe et le rôle du masque dans les plus divers aspects de notre vie nationale. […] Parce que c’est dans la lutte, la lutte libre (lucha libre), la lutte sociale, la lutte pour la vie, que le masque a repris de son sens. […] Au Mexique, politique et culture, rite et survie se condensent. Le masque contient tout cela. »
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