Près d’un an après le lancement par Rachida Dati de la réforme de la carte judiciaire, la grogne des avocats semble largement être apaisée. Qu’en est-il réellement ?
Comme vous le soulignez plusieurs mois ont passé depuis l’annonce de la réforme par la Ministre de la justice. Inévitablement, la profession a donc quelque peu « digéré » cette annonce qui avait fait l’effet d’une bombe à l’époque. Mais elle a bien été maintenue et ne produira de réels effets qu’au 1er Janvier en 2009. On est donc dans la période coincée entre l’annonce et la mise en oeuvre des mesures, ce qui explique le calme relatif du moment. Il ne s’agit pas pour autant d’un apaisement car la colère persiste.
Avec la concentration des tribunaux, les professionnels redoutaient l’apparition d’une justice à deux vitesses au détriment des habitants des zones rurales. Ces craintes sont-elles justifiées ?
Bien sûr car la proximité facilite l’accès à la justice. J’entends par là la proximité des tribunaux mais aussi la proximité des professionnels du droit. Or, en délocalisant les tribunaux on va inévitablement délocaliser ceux qui y travaillent, à commencer par les cabinets d’avocats. Donc pour les « grosses affaires », le justiciable continuera de se déplacer, mais la justice est aussi faite de conflits dits « mineurs », et ceux-ci feront les frais de la réforme.
L’hostilité des avocats à l’égard de Rachida Dati ne vient-elle pas plus de la personnalité du Ministre que de ses réformes à proprement parler ?
Ce n’est pas la personnalité de Rachida Dati qui fait grief aux avocats mais la manière dont elle mène les réformes, à savoir sans aucune concertation et sans prendre connaissance des réalités du terrain. On ne peut pas prétendre faire une réforme à grands coups de statistiques, sans consulter les juristes qui eux, contrairement aux chiffres bruts, sont au courant des réalités du terrain. Résultat, on assiste à des mesures que je qualifierais d’artificielles. Le fait qu’on ait beaucoup mis en évidence le problème de la forme ne doit pas masquer le véritable problème du fond que j’ai déjà évoqué.
Enfin, ne pensez-vous pas qu’il est trop tôt pour juger une nouvelle carte judiciaire dont les effets ne se feront vraiment ressentir qu’en 2009 ?
C’est une réforme qui était censée faire profiter la justice en la rendant plus efficace et moins onéreuse. Mais dans la mesure où elle va inévitablement éloigner le justiciable, on peut déjà considérer que l’esprit de la réforme, qui je le répète a été faite avec de mauvais outils, ne va pas dans le sens d’une meilleure administration de la justice et cela fait légitimement peur aux avocats. Le nouveau système ne profitera qu’aux grosses structures dans une logique qu’on pourrait qualifier de mondialisation judiciaire.
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