Un homme controversé
Le 25 novembre 1956, un jeune médecin argentin, fortement marqué par les inégalités sociales et la situation fragile de l’Amérique Latine, embarque sur le Gramma en direction de Cuba. Au côté d’autres volontaires, membres comme lui du mouvement du 26 juillet (dirigé par Fidel Castro), ils ambitionnent de renverser Batista par la lutte armée. Il n’a alors qu’une trentaine d’année, aucune expérience dans l’art de la guerre, une femme et une fille restées sur le continent et des idéaux de plus en plus prégnants…
Dans son livre Souvenirs de la guerre révolutionnaire, Ernesto Guevara qualifie d’extrêmement difficile son arrivée sur l’île de Cuba. « Tous purent atteindre le sommet et le passer. Mais pour moi ce fut une épreuve terrible. J’y suis arrivé mais avec une crise d’asthme telle qu’il m’était difficile de faire le moindre pas. Je me souviens des efforts du guajiro Crespo pour m’aider à avancer. Quand je n’en pouvais plus et que je lui demandais de m’abandonner, le guajiro me disait, dans le jargon propre à notre troupe : Argentin de merde, tu vas avancer ou je te fais avancer à coups de crosse. » Une déclaration que Soderbergh a décidé de prendre en compte pour bâtir son film : un homme tour à tour courageux, souffreteux, volontaire, un guerrier qui punit de mort ceux qui désobéissent et ne fait pas de sentimentalisme pour ceux qui tombent au combat mais qui emploie ses heures creuses à enseigner la lecture, l’écriture et à soigner les paysans de la Sierra Maestra.
Le premier volet du film, « Che, l’argentin » nous montre l’ascension du médecin étranger au poste de commandant légitime et respecté: par Fidel qui le traite en ami, par ses hommes qui voient en lui un leader et par les populations locales, qu’il fascine et appâte avec ses principes de redistribution de la terre. Le 17 janvier 1957, la prise d’une petite caserne de La Plata fait office de première victoire pour le petit groupe de guerrillos. Rapidement, on s’éloigne le petit groupe que formaient les débarqués du Gramma grossit par le recrutement massif de paysans. La victoire attendue survient à Santa Clara, au cœur de la province de Las Villas. Dernier barrage avant la Havane, la ville représente des enjeux considérables pour la guérilla. L’attaque débute dans la nuit du 27 décembre. Le 1er janvier, la caserne Leoncio-Vidal se rend, entrainant la capitulation de la ville. Au même moment, Batista prend la fuite pour Saint-Domingue.
Un film polémique
Le film sort sur les écrans français en deux fois: le 7 et 28 janvier 2009 avec le soutien d’une gigantesque campagne de publicité. Tour à tour réalisateur, scénariste et producteur, Soderbergh a porté ce projet sept années durant. Aussi mise-t-il beaucoup sur sa réussite en salle. Après une première consécration au festival de Cannes en 2008, le film pourrait faire son apparition à la prochaine cérémonie des Oscars.
Une page d’histoire, minutieuse et documentée, qui ne comble pas tout le monde. Si les longues séquences dans la Sierra Maestra apportent de nombreux renseignements sur les méthodes employées par la guérilla cubaine, les enjeux politiques qui guidaient ces hommes sont renvoyés à quelques flashs en noir et blanc de prises de parole du Che dans des conférences internationales. En 1964, au siège des Nations Unis, le petit médecin argentin qui peinait à respirer dans les premières heures de la révolution respire toujours mal, mais clame haut et fort devant une salle silencieuse que son île restera indépendante, que l’impérialisme américain est diabolique et l’exploitation du Tiers-monde, par les deux camps de la Guerre Froide, regrettable!
Un jeu d’acteur incontestablement bon pour un personnage froid, distant, dont on nous cache les plus vils côtés. Une épopée guerrière en somme qui nous apprend beaucoup sur ce que fut la renaissance d’une île et le quotidien de ses héros.
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