Mêler art et économie n’est pas commun. Dans quel cadre s’inscrit votre démarche ?
J’aime m’infiltrer au sein d’univers spécifiques. Ces univers me permettent de générer des formes, du sens… Dans le cas du CEFI, j’étais intéressé par l’idée d’investir un lieu de recherches car je me trouve moi-même en situation de recherche artistique. Par ailleurs, le centre d’Aix en Provence produit des systèmes de pensées tout comme il produit sa propre activité. Exactement comme moi. Ainsi, je me suis penché sur deux questions : De quelle manière l’art peut parler d’économie ? Et de quelle manière moi, en tant qu’artiste, je peux accueillir le monde extérieur.
Vous vous êtes plus particulièrement centré sur le modèle probit. Pourquoi ?
Le système probit possède deux avantages à mes yeux. Tout d’abord, il s’agit d’une modélisation. Le système probit permet de modéliser le monde en récupérant des données économiques existantes. Il établit des corrélations entre plusieurs données, constituant ainsi un réseau, établissant des connexions, tissant une trame. Ensuite, ces données sont filtrées par un mode de calcul, et aboutissent à des résultats permettant d’anticiper le futur. C’est mon deuxième intérêt pour le sujet : le système probit n’est pas dans la planification mais dans le scénario, avec toujours cette idée de rapport au temps qui prédomine.
Quel est concrètement l’aboutissement de vos recherches ?
J’ai passé quatre jours au CEFI qui m’ont permis de prendre possession du sujet. J’ai ensuite récupérer des données macroéconomiques concernant l’Amérique latine : le PIB, les balances commerciales, le taux de changes … Avec elles, j’ai déterminé un protocole secret permettant de créer des volumes en pierre de synthèse blanche, réalisés par fraisage numérique. Ils sont aujourd’hui au nombre de quatre, mais il peut en exister autant qu’il y a de modèles d’analyse. Ce qui d’ailleurs prouve que ce que j’ai mis en place constitue bien un système.
Que représentent ces formes ?
Ce sont de petits objets, un peu comme des maquettes. La petite échelle de ces objets permet de se projeter, de générer des scénarios sur leur devenir. Ces modèles sont comme des clés qui permettent d’accéder au monde futur. Car si les données macroéconomiques dont elles sont issues proviennent bien du monde réel, j’en ai fait un système fictionnel.
Enfin, ces objets peuvent renvoyer à une forme d’architecture. Et pas n’importe laquelle : une architecture moderniste, provenant de cette période où on essayait de produire quelque chose de nouveau.
Vous vous situez parmi les modernistes ?
Le modernisme me plait bien car il inclut la notion d’Histoire en marche. La période que nous vivons aujourd’hui n’est pas qu’une période de crise économique, c’est une évolution historique. Après, il apparait que la période postmoderniste est aujourd’hui terminé. On ne peut pas être post-post-moderniste. Il faut passer à autre chose.
Vous avez commencé ce projet il y a bientôt un an. Peut-on le considérer comme achevé ?
Non, je tiens à inclure dans le concept un article journalistique qui parlera de mes pièces en tant qu’œuvre d’art. A cette fin, j’ai sollicité par l’intermédiaire du CEFI la Review of World Economics, une revue ultra-spécialisée en macroéconomie. Le but, c’est de voir comment mes formes vont être comprises, comment elles peuvent supporter le scénario, rentrer dans la narration. Si l’art est une activité fictionnelle par excellence, cet article, qui a son tour sera considéré et présenté comme une œuvre d’art à part entière, permettra de réinsérer mon projet dans le circuit réel. L’idée n’est pas juste de prendre le monde extérieur et de l’amener à moi : je dois le renvoyer vers l’extérieur. Dans ce sens, je suis une interface.
Pour plus d’informations sur le CEFI: http://www.univ-cefi.fr/
Pour plus d’informations sur le systeme probit (attention, néophytes s’abstenir…, et en plus c’est en anglais!): http://economics.about.com/od/economicsglossary/g/probitmodel.htm