Averroès, “le Commentateur“ d’Aristote ne fut pas simplement un érudit andalous du XII° siècle. Philosophe musulman, Abû Walid Muhammad Ibn’ Rushd exerça également les fonctions de « Qâdî « –juge- à Cordoue, sans pour autant cesser de s’intéresser à la médecine et à l’astronomie. Outre les traductions et les commentaires d’Aristote, un seul des textes d’Averroès a été intégralement traduit en français : le Discours décisif. La définition qu’il y donne de la philosophie est la suivante : « L’acte de philosopher consiste en l’examen rationnel des étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la preuve de l’existence de l’Artisan » -p. 104-. Averroès justifie cette obligation en faisant référence au texte même du Coran : « Réfléchissez donc, ô vous qui êtes doués de clairvoyance » -LIX, 2-, ou encore : « Que n’examinent-ils le royaume des cieux et de la terre et toutes les choses que Dieu a créées » – VII-. En écrivant cela, Averroès se positionne contre l’idée dominante ghazâlienne selon laquelle seule la foi peut conduire à Dieu, et non pas la philosophie, qui elle, ne peut qu’aboutir à l’erreur.
Le combat contre les “littéralistes bornés“
Dans son Tahâfut al-Falâsifa –l’Incohérence des philosophes-, Ghazâli expliquait que la partie métaphysique de la philosophie était condamnable du point de vue de la loi musulmane, la “Charia“ . Averroès répond au mystique soufî du XI° siècle dans son Tahâfut al-Tahâfut –Incohérence de l’Incohérence-, qui malheureusement n’est toujours pas traduit en français. Mais ce que l’on retient du Discours décisif, c’est l’élitisme d’Averroès, qui classifie les hommes en catégories, n’hésitant pas à écrire : « Il ne faut pas que connaissent le sens caché [du Coran] ceux qui ne sont pas hommes à en posséder la science et qui seraient incapables d’y rien comprendre » -p.125-. D’après lui, la philosophie est un moyen d’accentuer la foi, la raison ne peut pas contredire la Révélation coranique : « la vérité ne peut être contraire à la vérité, mais s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur » -p. 119-. A l’heure actuelle, on associe Averroès à un message de tolérance, mais surtout à un musulman combattant l’intégrisme, et tous les « littéralistes bornés » de son époque. Averroès apporte à philosophie musulmane ce que Maïmonide apportera à la pensée juive dans son Guide des égarés : un message d’espoir quand à l’harmonisation possible de la raison et de la foi.
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