Richard, cavalier-laboureur des vignes

Par le 24 janvier 2018

Richard Sabde a longtemps tenu un commerce de proximité. Il y a quatre ans, il décide d’assouvir ses deux passions : la terre et les chevaux. Depuis, il laboure avec son cheval dans les vignes bio. Portrait.

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« J’ai le plus beau bureau du monde ! », s’amuse Richard Sabde, en scrutant le paysage rempli de verdure et de vignes, au château La Roque à Fontanes (Hérault). Et ses collègues de travail à quatre pattes ne sont pas des plus ennuyeux … les chevaux ! Aujourd’hui, il fait équipe avec Dasko, un trait Comtois de 5 ans, qui effectue sa première année de labour.

Quatre ans plus tôt, Richard se plaignait de voir sa clientèle, pourtant fidèle, disparaître peu à peu de son épicerie de proximité, tenue avec sa femme. Et puis un jour, grande décision : stopper son commerce pour vivre – enfin – sa passion. Labourer les vignes avec ses chevaux. Plus facile à dire qu’à faire … Richard ne connait pas le travail de la terre. « J’avais seulement le souvenir de mes grands-parents viticulteurs », raconte-t-il. En quête d’outils pour les vignes, il se rend à Paris au salon de l’Agriculture. Il y rencontre Thomas, qui pratique le labour avec ses mules. C’est lui qui lui apprendra le métier et le formera. « Ce n’est pas une activité évidente ou innée, il y a des techniques à apprendre, il faut savoir parler au cheval ».

Ça tombe bien, côté équidés, Richard en connaît un rayon. Son premier, il l’a eu en cadeau avec ses parents à l’âge de 16 ans. Depuis, la passion ne l’a pas lâché. A ce jour, il en possède cinq, dont trois servent au travail des vignes. Et il les connait par cœur. « Dasko, c’est un pataud, il est assez calme, mais il faut parfois lever la voix, alors que Vaillant est plus émotif, il ne faut pas le brusquer », détaille-t-il. Quant à Sauterelle, «elle a du caractère, il ne faut pas se laisser faire, même s’il faut être conscient que physiquement on ne fait pas le poids ».
Avec ses compagnons de route devenus ses outils de travail, il effectue le labour dans les vignes de deux domaines : L’Enclos de la croix à Lansargues, puis le château La Roque à Fontanes. Il travaille sur 10 hectares pour chacun. L’Enclos de la croix produit du vin bio, et le château La Roque du vin bio et biodynamique. Quand on lui demande s’il apprécie le vin des deux domaines, Richard Sabde ne peut répondre. Il ne boit pas d’alcool. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas le vin, c’est la vigne.
«Je travaille sur des parcelles où il n’y a que les chevaux qui peuvent accéder », explique Richard. A l’Enclos de la croix, un domaine viticole de 23 hectares, « il a y très peu de cailloux, explique Richard Sabde, c’est tout plat, mais au château de La Roque (32 hectares), il y a pas mal de relief et beaucoup de cailloux. Le cheval est beaucoup plus malléable que la machine motorisée ».

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En observant le quinquagénaire déambuler dans la vigne avec son cheval de trait et son béret sur la tête, on change brusquement d’époque. La charrue qu’il utilise date d’ailleurs des années 50 ! Mais l’apparente vétusté de l’outil n’entache en rien la précision du travail effectué. Sur le chemin pour aller labourer, Richard Sabde relève ses manches : « je n’ai pas de montre ». Lui, travaille à l’hectare, pas à l’heure. Cela lui permet de gérer son temps comme il le souhaite. « Le propriétaire des vignes ne me donne pas de rendements, je dois simplement faire du bon travail ». Sa seule contrainte est météorologique. « Cette année, avec les grandes sécheresses, le sol était très sec, donc difficile à pénétrer par la charrue, indique Richard. On attendait la pluie ».

Avec son cheval, il lui faut huit heures pour labourer un hectare, quand il n’en faut que trois pour un tracteur. « Mais le rendu n’est pas du tout le même. Labourer avec la charrue et le cheval permet d’éviter le désherbant chimique. De plus, la charrue ne désherbe qu’en surface alors que la machine motorisée désherbe plus en profondeur, ce qui assèche la terre », indique le nouveau spécialiste. « Mais c’est avant tout une philosophie de travail et de vie. Ceux qui ne font ça que pour l’image de marque, ça ne sert à rien ». Richard effectue un travail sous le rang. Aujourd’hui, c’est le buttage, qui consiste à ramener la terre sur le pied de vigne. Plus tard dans l’année, il pratiquera l’opération inverse : le décavaillonnage.

Au château La Roque (Fontanes), le cheval et la charrue sont utilisés dans les vignes où le cépage est plus prestigieux, où la vigne a plus de valeur. Mais à Lansargues, le laboureur – ou « prestataire de service en traction animale » pour la version administrative – pourrait avoir plus travail puisque le domaine veut passer au labour à la charrue pour la totalité de la superficie, soit 23 hectares. « En France, nous ne sommes plus qu’une quarantaine à exercer ce métier dans la vigne», raconte M. Sabde. Pas sûr qu’il puisse trouver de l’aide, donc.

A la fin de la journée de travail, Dasko le cheval a bien mérité son repos…et quelques pommes pour récompense. Richard, lui, n’en a pas terminé. Il doit maintenant aller s’occuper de ses quatre autres chevaux. Et pas à reculons !

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à propos de l'auteur

Auteur : Marie-Perrine Tanguy

On m’a souvent fait remarquer - ou reproché - ma curiosité. Avec les années je réalise que, loin d’être un vilain défaut, elle m’a permis et me permet encore de comprendre la réalité du monde qui m’entoure, de chercher la/les vérité(s), le sens des mots, des informations qui façonnent mon quotidien. C’est la curiosité qui m’a amené à étudier l’Histoire durant trois années ; elle-même qui m’a conduit sur les bancs de la faculté de Science Politique, à Rennes puis à Montpellier. Elle enfin qui m’a aidé à réaliser que mon vœu le plus cher est de devenir journaliste. Haut Courant sera donc le terrain de jeu idéal pour vous en faire profiter !