Ecocert : déambulation avec «la police» bio du salon

Par le 31 janvier 2018

Ils considèrent leur mission comme la « sauvegarde de la réputation » du salon. Les contrôleurs du label bio Ecocert ont inspecté les allées du Millésime Bio pour épingler d’éventuels vignerons fraudeurs ou distraits. Les réactions peuvent être épidermiques… ou pas. Reportage.

«Vous voulez voir quoi exactement ?». Le contrôleur à peine salué, le ton est donné. «Simplement votre certificat bio, l’étiquetage de vos bouteilles et leur provenance pour m’assurer qu’elles soient bien toutes issues du même domaine». Paul Robinet, formulaire au bras, tente d’apaiser la vigneronne, les yeux au ciel à l’écoute de sa réponse. Un soupir. Les sourcils en circonflexe. Une moue barre son visage. À l’évidence, la présence du contrôleur sur son stand du Millésime Bio l’agace autant qu’elle la surprend. « Je l’ai déjà montré lors de l’inscription au salon. Je ne l’ai pas avec moi sous forme papier. Je ne pensais pas en avoir besoin puisque je ne savais pas qu’il y aurait encore des contrôles ».

Argument courant selon Paul Robinet. Pourtant, la présence sur deux jours des cinq employés de l’organisme de certification indépendant Ecocert, mandaté par Millésime Bio, a été annoncée au préalable sur le site officiel de l’événement.

« – Franchement, inspecter sur le salon, c’est… »
« – En quoi est-ce un problème Madame ? »
« – Ça fait perdre du temps
», s’agace-t-elle.

Car il est vrai que des contrôles ont déjà été effectués en amont auprès de chaque exposant, par les organisateurs eux-mêmes.

L’épreuve – même si elle n’est que de courte durée – peut, de fait, légitimement exaspérer. Et ce genre de réaction épidermique – bien que marginale, selon les contrôleurs, sur les 200 stands inspectés -, Paul Robinet les comprend : « La filière oenologique est l’une des plus contrôlées. Et celle du bio, la plus visée par les scandales. La sincérité des producteurs est souvent remise en cause. Il s’agit donc pour eux d’un énième contrôle ».

Apporter de la crédibilité au salon

Une impression d’être «suspect» pas très agréable donc. Mais selon eux, indispensable : «Nous vérifions que le certificat est en cours de validité, que tous les produits en exposition sur le stand sont exclusivement bio et qu’un seul domaine soit représenté, explique Paul Robinet. Nous ne sommes, certes, pas la garantie la plus forte du salon, mais nous assurons la cohérence entre tous les exposants et faisons en sorte que les visiteurs ne soient pas floués. Il est question de la sauvegarde de la qualité et de l’image de prestige du Millésime Bio ».

« Globalement, les gens le comprennent assez bien, tient à préciser l’un de ses collègues, Julien Pezet. Certains sont même contents. Comme les habitués par exemple. Car ils estiment que cela apporte de la crédibilité à l’événement».

Des sanctions graduelles

Mais pour d’autres, qui dit contrôles dit sanctions. « C’est vrai qu’on est perçus comme la police du salon », continue Paul Robinet. Et c’est pour cela « qu’on essaye d’y aller en douceur. Après tout, on n’est pas des huissiers. On est surtout là pour rectifier le tir. Ce sont des contrôles essentiellement dissuasifs. On ne fait que dresser un rapport. La sanction n’est pas de notre ressort » mais bien de celle des organisateurs.

En plus d’être décidées au cas par cas, les sanctions sont graduelles. Elles peuvent aller du simple avertissement à l’exclusion du salon, avec effet immédiat. « Tout dépend de la gravité de la fraude, explique Cendrine Vimont, chargée de communication et relations presse. Si la personne ne fait qu’exposer ses vins en conversion, on lui demandera de les ranger immédiatement. En revanche, si elle fait déguster du conventionnel, elle peut risquer une exclusion de un à trois ans du Millésime Bio. »

« Tout le monde se surveille »

Dans le cas de cette vigneronne, le contrôle était aléatoire. Mais les deux-tiers des stands à inspecter résultent d’une présélection établie par les organisateurs de l’événement selon des profils dits « à risques » : les primo-exposants peut-être pas complètement au fait du règlement du salon, les exploitants mixtes qui pourraient profiter de l’occasion pour exposer ou faire déguster leur production conventionnelle ou encore les « récidivistes » ayant déjà reçu un avertissement l’an passé.

Mais Paul Robinet le confesse, «nous effectuons parfois des contrôles sur dénonciations. Il y a de la concurrence entre les vignerons. Tout le monde se surveille».

Mais ici, la commerciale était totalement clean. Son certificat a été présenté sous forme digitale. Et si des contre-étiquettes manquaient à quelques bouteilles, pas de quoi alarmer le contrôleur : « Elle n’ont peut-être tout simplement pas pu être étiquetées à temps ».

Avant de s’éclipser, une signature en bas du formulaire, quelques impressions échangées sur le salon avec la collaboratrice de la vigneronne… elle, déjà partie, sans piper mots.

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à propos de l'auteur

Auteur : Sounkoura-Jeanne Dembele

De Besançon à Francfort, de Francfort à Montpellier, de Montpellier à Carhaix et Quimper, ailleurs et ici, les frontières et la distance n’ont jamais représenté quelconques barrières dans la poursuite de mon rêve d’enfance : celui de devenir journaliste. Pas encore sortie du confort bisontin, je me suis tout d’abord tournée vers des études de Langues étrangères appliquées, anglais, allemand et chinois. Mais à la suite de ces trois années d'insouciance, j’ai réalisé que ce qu’il manquait à mon CV, était l’expérience. Éprise de l’Allemagne après y avoir passé la dernière année de mon cursus, j’ai décidé d’y rester, avec l’objectif de concilier perfectionnement linguistique et découverte de la sphère journalistique. Cinq mois passés au sein du pure-player lepetitjournal.com/francfort ont ainsi scellé mon appétence et ma passion pour la plume. En plus d’en ressortir fermement convaincue de vouloir continuer sur cette voie, j’en suis ressortie riche d’une véritable expérience de terrain. Quelques mois plus tard, je pose mes valises à Montpellier pour y suivre des études de science politique. Curieuse compulsive et toujours partante pour découvrir le monde médiatique dans sa pluralité, je m’adonne une nouvelle fois à la presse locale à Midi Libre et m’essaye à la radio associative au sein de Radio Campus Montpellier durant toute une année. À ce jour, je partage mon temps entre théorie en Master 2 Journalisme et empirisme à travers mon contrat de professionnalisation au quotidien Ouest-France. Apprendre et transmettre, découvrir et faire découvrir d’autres réalités, mettre en lumière des personnes restées dans l’ombre, s’enrichir et enrichir intellectuellement,... aujourd’hui, je saisis tout le sens des mots de Bernard Pivot : « Le journaliste est un interprète de la curiosité publique ».