Diane 35 : comment un traitement antiacnéique devient-il un contraceptif ?

Par le 8 février 2013

Depuis une semaine, Diane 35 est suspendu des ventes à cause des risques qu’il génère pour la santé de ses utilisatrices. Le médicament du laboratoire Bayer, prescrit comme pilule contraceptive pour plus de 300 000 patientes est pourtant défini comme un antiacnéique. Cette utilisation est scientifiquement possible car les hormones qui le composent ont pour conséquence de bloquer le cycle menstruel de la femme.

« Indication : acné », le résumé des caractéristiques du produit Diane 35 est clair et ce, depuis son autorisation à la mise sur le marché, donnée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM ex-AFSSAPS), en 1982. A l’origine, il s’agit d’un traitement hormonal antiacnéique à destination de la gente féminine. Administré quotidiennement par voie orale, il a pour effet de réduire la production de sébum- le gras de la peau- qui, en trop grande quantité, obstrue les pores et est à l’origine de l’acné. Pour ce faire, Diane 35 est composé, en partie, d’antiandrogènes, des molécules qui bloquent l’action d’hormones mâles (naturellement présentes dans l’organisme) censées mettre en marche les glandes génératrices de sébum. L’explication s’arrêterait là si les antiandrogènes utilisés n’avaient aucun autre impact physiologique.

Hormones et cycle menstruel

Si Diane 35 a pu être utilisé et prescrit comme pilule, c’est parce que les antiandrogènes en question sont du même type que les hormones à la base du cycle menstruel : l’œstrogène et la progestérone. De la présence régulée de ces hormones résulte, entre autres, la non-production des hormones féminines à l’origine de l’ovulation. Si aucun ovule n’est libéré par l’ovaire, il n’y a aucune chance de fécondation et donc de grossesse. Ainsi, le traitement antiacnéique Diane 35 peut jouer un rôle contraceptif du même genre que les pilules oestro-progestatives (composées d’oestrogènes et de progestérones ou de leurs dérivés). Il est d’autant plus efficace qu’il produit un épaississement des muqueuses (qui forment alors une barrière naturelle contre les spermatozoïdes) et qu’il lisse les parois de l’utérus. Si, d’aventure, un ovule avait pu être libéré et fécondé, il serait ainsi rejeté hors de l’organisme, faute de pouvoir s’y nicher.

Une ANSM impuissante ?

Cependant, dans le cadre de Diane 35, le chamboulement du cycle menstruel n’est qu’un effet secondaire du traitement antiacnéique. Interrogé par RTL, Dominique Maraninchi, président de l’ANSM a lancé un appel le 28 janvier : « Il faut arrêter d’utiliser (Diane 35) comme contraceptif. Cette situation a assez duré (…) Ça fait 25 ans que ça dure en France alors que (Diane 35) n’est pas autorisé comme contraceptif. »

Pour autant, un médecin n’est pas tenu de suivre les directives de l’ANSM, il est « libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance », ainsi que le stipule l’article 8 du code de déontologie médicale. Ainsi, comme Diane 35 et avant lui, le Mediator, de nombreux médicaments sont utilisés dans un cadre non réglementé. La suppression ou la suspension de l’autorisation de mise sur le marché reste alors le seul recours de l’Agence de santé.

Pour aller plus loin :

Diane 35 : comment un anti-acnéique a été prescrit comme pilule contraceptive
Pour mieux soigner : des médicaments à écarter

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à propos de l'auteur

Auteur : Pauline Chabanis

En 1988, alors qu’Etienne Chatiliez racontait sur grand écran l’histoire trépidante des familles Groseille et Le Quesnoy, je vivais les premières minutes d’une vie qui n’aurait rien d’un long fleuve tranquille. En réalité, de Lyon à Montpellier, en passant par Cannes, j’ai plutôt ricoché. D’un naturel pragmatique et rigoureux, je me tournai très vite vers une filière scientifique, jonglant avec les chiffres, jouant avec les équations. J’étais le Fred de la fonction affine, le Jamy de la masse molaire et je n’y trouvais vraiment rien de sorcier. Puis je me suis rendue compte que les expériences les plus enrichissantes ne se faisaient pas dans des laboratoires mais à travers des rencontres et un partage d’informations. Je n’ai pas eu d’appel, de vocation ; le journalisme ne s’est pas imposé comme une évidence mais comme une alternative envisageable. Une voie possible que j’ai empruntée, d’abord à tâtons en intégrant l’IUT journalisme de Cannes, puis d’un pas décidé lorsque j’ai réalisé, à travers des stages variés, que ce milieu me convenait. Curieuse et déterminée, je ne m’imagine pas en Indiana Jones de l’information, casse-cou et engagée mais en ouvrière discrète de la société. Je ne veux pas de fabuleux destin télévisé, juste une toute petite place en presse spécialisée… sans en faire tout un cinéma.