« Est-ce qu’il y a de la bière ? » Oui, pas de panique… Dans le plus grand salon de vin bio au monde, on trouve même de la bière biologique ! Vodka, rhum, ouzo, whisky, gin et autres alcools viennent gonfler les rangs de la production de boisson bio. Sur le seul stand britannique du salon, pas de vin mais des spiritueux «by appointment » du Prince de Galles. Avec sur la bouteille, un blason apposé tel un label ou une certification décernée par la famille royale. Classe. Mais le salon Millésime Bio c’est bien sûr l’antre du marché du vin bio.
On déguste, on crache, on commente…
Les professionnels du vin, cavistes, grossistes, restaurateurs, œnologues, importateurs sont là pour déguster, négocier et acheter la production de vignerons du monde entier. Un courtier rencontré au cours d’une dégustation dit en riant : « Je suis comme la bourse de Genève : neutre ! » Il doit évaluer le juste prix de la bouteille, et fait l’intermédiaire entre le producteur et le vendeur. Quand certains flânent au gré des stands, d’autres savent où ils vont et ce qu’ils cherchent. On déguste, on crache, on commente («ce vin, un vrai feu de garrigue…»), on re-goûte, on re-crache, on négocie, et rebelote. L’odeur enivrante des vapeurs d’alcool qui flotte dans les halls dès la matinée atteste de cette consommation effrénée. Sur les visages, des airs sceptiques, ravis, déçus, intéressés se dessinent. Tous sont parés de leur verre et d’un carnet de notes. Ils consignent des détails gustatifs et qualitatifs après chaque gorgée. Une véritable armée d’inspecteurs du pinard. Et chacun y va de son petit commentaire, parfois laissé sur un post-it, comme ici trouvé au bar de dégustation des vins médaillés : « Pas trop frais ! Petit fond de glace. »
Un rendez-vous cosmopolite, convivial et coloré
Un brouhaha règne dans ces grands espaces ouverts, qui privilégient l’échange entre vignerons et visiteurs. On se rencontre, on s’interpelle et on bavarde. « Comment tu le trouves ? Il manque de corps, non ? » Ça parle allemand, italien, espagnol, anglais, portugais, chinois… Une triade de pays viticoles domine cette 22e édition : France, Espagne, Italie. Mais là, un stand bulgare, hongrois ou même grec. Nichés dans l’angle d’une allée, des vignerons ont parcouru près de 20 000 km pour avoir leur place au salon : trois domaines de Nouvelle-Zélande vendent pour la première fois ici des vins issus de la région de Malborought. Au milieu de toutes ces teintes rouges, blanches et rosées, un orange vif. Des oranges, des clémentines et des sanguines parsèment une table : le stand espagnol de Tarrangino, spécialisé dans les vins d’agrume, se démarque par son originalité.
Organisation militaire
La salle est profonde, la hauteur du plafond immense et l’architecture presque industrielle. Dans les trois halls du salon, les allées quadrillent de façon militaire les 632 stands. Des stands identiques pour chaque exposant : une table relevée d’une nappe blanche, deux chaises, un présentoir. Cette sobriété ne laisse aucune place au marketing. « Ce côté égalitaire est très appréciable » confie une vigneronne d’un petit domaine, qui se réjouit de ne pas être dans l’ombre d’un grand vignoble. Mais pour le responsable du stand de Miguel Torres, il ne fait pas bon être en entrée ou en sortie de couloir. Il regrette avoir été placé dans un angle. « Quand on rentre dans une maison, on ne s’éternise jamais trop dans l’entrée, on passe très vite au salon. » Et bien là même constat, il remarque que les passants ne prennent pas le temps de se poser en début d’allée, ils prennent plus de temps au milieu de ces dernières.
Une consommation frénétique de vin
Au service verrerie, ça carbure. Des petites mains poussent sans cesse leur chariot dans les allées, débarrassant les verres sales. Un des agents raconte sa journée : « Chaque jour à 9 heures, on met en place 15 000 verres sur l’ensemble des tables. Et on finit à 2 heures du matin, une fois tous les stands redressés. » Au total, 25 personnes assurent la rotation de 30 000 verres par jour. Malgré cette effervescence, une employée trouve le temps de papoter avec les vignerons et goûter leurs vins.
Le staff gère aussi ces énormes crachoirs, disposés à chaque coin de stand. Ils ressemblent à de grosses bouteilles de vin en verre foncé, d’une contenance de 12 litres, et sont chapeautés d’un entonnoir. André, le chef du service verrerie, ne quitte pas son talkie-walkie et son oreillette : « Les vignerons m’appellent quand le crachoir est plein. » Le service est bien rodé. Pour les deux plonges du salon, ça fait beaucoup de vaisselle!
Au restaurant, l’ambiance est aussi conviviale que rébarbative. Après avoir fait la queue au buffet bio, on s’attable avec des inconnus, vignerons et journalistes. L’échange se crée automatiquement dans cette immense salle qui accueille 1500 personnes chaque midi. « Moi je suis blogueur, je tiens un site sur les vins… et vous ? » À la table voisine, des vignerons ont apporté leur bouteille, pour accompagner leur repas d’un petit verre de rouge. En revanche, ils ont l’air sceptiques à l’idée de partager une goutte de leur pinard avec des inconnus.
« The sky is the limit »
Le dernier jour, le salon se vide. Les visiteurs tirent des diables, prêts à y empiler des caisses de vin. Au vestiaire, ça regorge de valises. Sur les tables du « coin repos », deux étrangers étudient la carte de Montpellier pour repartir en direction de la gare. Et s’ils ont besoin d’un petit coup de main, ils pourront toujours demander à Jean-François du Point Information. Jean-François, c’est un peu « le majordome du salon » : il répond à toutes les requêtes. « The sky is the limit » prétend-t-il. Appeler un taxi, réserver une chambre d’hôtel, prêter une paire de ciseaux, « on m’a volé mon vin ! », etc. Les demandes s’enchainent. Au comptoir, une vigneronne lui demande un rouleau de scotch pour fermer une caisse de vin. « Je suis l’arche de Noé, et les gens sont satisfaits.»
À la sortie, visiteurs et exposants sont invités à remplir des fiches de satisfaction. Un vigneron se dit content mais souligne un bémol. « Le prix du stand est tout de même élevé (1100 euros, ndlr). Je partagerais peut-être mon stand l’année prochaine, pour réduire le coût de moitié. » À cent mètres de la porte, un bruit résonne. C’est celui du verre qui se brise. Deux employés font des allers-retours entre le salon et le point de recyclage. Ils ont des caddies remplis de bouteilles vides. Pour elles aussi le salon est terminé, direction le centre de recyclage pour vivre une nouvelle vie.
Étiquettes : Alcool, Salon "Millésime Bio", Vin bio