« C’est bien de déguster les vins, mais il faut pouvoir les vendre après »

Comment un caviste bio indépendant visite un salon du vin bio ? Nous avons suivi le caviste de la Cave du Boutonnet pendant une matinée.

Il est arrivé au salon avec une liste de quelques producteurs à aller voir. Muni de son cahier – et de son palais -, le commerçant de la Cave du Boutonnet, Laurent de Zanet, a prévu d’arpenter le salon sur deux jours à la recherche de nouveautés à proposer à ses clients. Il en profitera aussi pour aller voir les producteurs avec qui il travaille déjà : « cela permet d’entretenir des relations de fournisseur à distributeur » précise-t-il.

Analyser ses besoins

« Avant de débarquer sur le salon, il y a un travail de préparation, un travail de recherche » explique le caviste. Pour la liste des nouveautés à aller voir, il a d’abord analysé ses besoins. Là, il manque notamment de Bourgogne, et cherche, si possible, un chablis : « je travaille déjà avec un château mais j’aimerais trouver plus abordable », annonce-t-il. Problème : « certains exposants n’ont plus de vin à vendre et ne sont là que pour voir leurs clients établis » soupire le caviste bio.
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Le business avant le plaisir

L’autre difficulté est de ne pas se laisser emporter par des dégustations car « les vins il faut pouvoir les vendre après ». Le caviste se rappelle cela à lui-même, après une dégustation d’un champagne bio qui l’a subjugué, à en croire ses commentaires : « c’est magnifique ça c’est fin c’est élégant, c’est… ». A la fin de la dégustation, il prend la carte des vignerons et prévient qu’il prendra contact avec eux pour parler prix. « Il faut toujours avoir en tête de replacer les choses dans mon contexte de petite cave de quartier ». Il explique qu’il achète des nouveautés en fonction des prix d’abord, de sa clientèle, et aussi de ses goûts personnels « mais parfois je me trompe, j’ai des bouteilles qui ne partent pas » avoue-t-il. N’ayant « pas la place et peu de demande » pour les vins étrangers, il se consacre aux vins français. Pendant les dégustations, le caviste marque ses impressions dans son carnet (« léger », « croquant », …) et attribue des notations aux vins sous forme de « + ».

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Le commerçant a sélectionné, en amont du salon, huit producteurs à aller voir.
Crédit : © Fanny Rousset

Le caviste se dirige maintenant vers un stand de Bourgogne et reconnaît un vigneron héraultais, Louis Aleman (Domaine du Clos Roca) : « il me livre tous les mois, on se connaît bien ». Et là, c’est parti pour une dégustation de toute sa gamme. Le « 15 » – comprenez 2015 -, le « 16 », son nouveau vin sans sulfite… Les dégustations s’enchaînent et les commentaires avec : « c’est joli à la fin », « le 16 est moins souple, il n’est pas serré », et le caviste n’hésite pas à dire ce qu’il pense à son copain vigneron : « je trouve que là ça… ça manque de caractère ».

Arrivé au stand bourguignon, Laurent est content de trouver un producteur certifié Demeter, le label gageur de la production en biodynamie. Il goûte toute la gamme, soit tout de même douze vins différents ! Mais il faut bien tester la marchandise. Heureusement, il recrache tous les vins qu’il goûte.
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Il enchaîne ensuite sa visite avec un vigneron du Languedoc, à Millésime Bio pour la première fois. Là encore, il est plutôt satisfait de ce qu’il goûte. Il demande une carte des prix avant de s’éloigner faire une petite pause débrief.

Cet habitué de Millésime Bio, mais aussi des salons off qui ont lieu en même temps à Montpellier, met donc beaucoup de sérieux et d’application dans les visites de ces salons. Mais « les producteurs tentent surtout d’attirer des importateurs qui prennent beaucoup de volumes, plutôt que des cavistes indépendants comme moi », confie-t-il.

Le vin bio non européen est-il bien bio ?

Au salon Millésime Bio à Montpellier, certains vins viennent de loin. L’Amérique du sud, l’Afrique, l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande sont représentés au plus grand salon de vins bio du monde. Mais les vignobles de ces pays sont-ils en accord avec les critères européens de l’agriculture biologique ? Haut courant a mené l’enquête.

« Pourquoi avoir choisi un sujet aussi chiant ? », demande Simon Daure propriétaire du domaine Viña las Niñas, dans la région de Santa Cruz au Chili. En effet, le sujet de la certification bio est loin d’être sexy. Mais un consommateur averti en vaut bien deux, voire trois ! Nous avons donc cherché à savoir si notre vin bio du Chili est bien conforme au bio européen. Pour le président du salon Patrick Guiraud, la question ne se pose pas : « s’ils sont sur le salon c’est qu’ils sont certifiés biologiques ». Comprendre le pourquoi du comment de la procédure fut un long chemin semé de verres de vins. Aucun vigneron ou négociant interviewé n’a une vision globale des démarches administratives. Les deux contrôleurs de l’organisme de certification Ecocert interrogés, n’ont pas la totalité des informations en mains non plus. Mais en recoupant les témoignages et avec l’aide de Valérie Pladeau, ingénieure à Sudvinbio, nous avons réussi à reconstituer le parcours d’importation du vin bio en Europe.

Premier cas de figure : l’équivalence entre le pays exportateur et l’Union Européenne

Si le vin provient d’un pays qui a des équivalences avec l’Union Européenne, la certification du pays tiers suffit pour être certifié bio en Europe. Par exemple, le clos Henry Vineyard, dans la région de Marlborough en Nouvelle-Zélande, est certifié par l’organisme Bio-Gro, comme étant conforme aux standards de la Nouvelle-Zélande. L’Union européenne reconnaît le label de ce pays, le vigneron peut donc appliquer « l’eurofeuille » sur ses bouteilles. -571.jpgPour l’instant, en ce qui concerne le vin, l’Union Européenne a reconnu l’équivalence de cinq pays tiers : le Canada, les États-Unis, la Suisse, la Nouvelle-Zélande et dernièrement le Chili. L’Europe à des équivalences sur les produits biologiques avec huit autres pays (Australie, Argentine, Japon, Tunisie, République de Corée, Costa-Rica, Israël, Inde), mais elles ne concernent pas le vin pour ceux-ci.
L’équivalence ne signifie pas que les réglementations bio de ces pays correspondent exactement à celles de l’Union. Par exemple, les Etats-Unis sont plus strictes sur la définition d’un vin biologique. La dose de sulfites (additifs utilisés pour la vinification) autorisée dans le vin est de 100mg/l chez l’oncle Sam, alors qu’elle varie de 100 à 170 mg/l, en fonction des vins, dans le règlement européen.

Deuxième cas de figure : passer par un organisme de certification

Certains pays comme l’Afrique du Sud, l’Australie ou l’Argentine, ne sont pas reconnus comme équivalents par la commission européenne. Les vignerons et les négociants doivent donc passer par des organismes certificateurs pour exporter leur production. Le français Ecocert, l’allemand BCS, ou le néerlandais Control Union ont des filiales sur tous les continents. « Une soixantaine de ces organismes sont reconnus par l’Union Européenne », précise Valérie Pladeau, ingénieure à Sudvinbio. Être certifié bio d’après le cahier des charges de ces organismes suffit pour recevoir « l’eurofeuille ». C’est le cas d’Andrej Razumovsky, vigneron dans la région de Mendoza en Argentine. Il est certifié Argencert Organico en Argentine, une filiale d’Ecocert. Il respecte un cahier des charges accepté par la Commission Européenne et peut donc exporter son vin bio en Europe.
Ce régime d’importation devrait changer d’ici 2021, en parallèle de la révision générale du règlement bio. « Les organismes devront revoir leurs cahiers des charges pour correspondre stricto sensu au règlement européen », explique Valérie Pladeau.

Du bio sans logo

Louis Boutinot, responsable exportation au Domaine Waterkloof en Afrique du Sud est bien loin de ces considérations. Il n’appose aucun logo bio sur ses bouteilles. « Je ne veux pas être catégorisé », confie-t-il. Selon lui, le bio regroupe une grande diversité de produits plus ou moins respectueux de l’environnement. Il fait du vin bio par conviction et par souci de qualité, mais ne voit pas le besoin de l’afficher sur ses bouteilles. « Je suis tout de même certifié Ecocert, comme ça mes clients peuvent vérifier mes pratiques », précise Louis Boutinot. Mais sa décision n’est pas inaliénable : « Si j’ai une grosse commande qui me demande d’apposer le logo européen, je le ferai ».
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Un double contrôle du vin bio

Les exportateurs sont contrôlés dans leur pays d’origine mais aussi dans le pays d’importation. L’importateur du vin bio est soumis à l’évaluation d’un organisme de certification, qui vérifie l’origine de la production. C’est un contrôle au prisme de la documentation. « S’il y a des doutes, le contrôleur peut demander une analyse par prélèvement », explique un contrôleur Ecocert. Ces contrôles sont critiqués par certains vignerons. « Parfois c’est un peu du pipeau, on a l’impression que les contrôleurs ne connaissent pas grand chose à la vigne », confie un exportateur qui taira son nom. « Ils vérifient plus la taille du logo que ce qui se passe dans les champs … ».

Le Bio-protectionnisme entre pays

« Les négociations d’équivalence entre pays c’est compliqué », commente Valérie Pladeau. En effet, chaque pays cherche à protéger son marché. Jusqu’il y a deux ans, il fallait faire venir un contrôleur chinois pour certifier en bio son exploitation. « C’est politique, les Chinois veulent favoriser leur propre production », confie un jeune contrôleur d’Ecocert. Mais cela « bouge » avec la hausse de la demande en bio dans les pays émergents.

Le vin bio voyage-t-il trop ?

Pourquoi produire en respectant l’environnement, puis envoyer son vin bio à l’autre bout du monde, à l’aide de transports peu écologiques ? Cette question taraude nos esprits innocents. Après quelques recherches, nous découvrons que nous ne sommes pas les seuls à trouver cela paradoxal. L’organisme privé Bio Suisse, qui gère le label Bourgeon, interdit les transports en avion des produits labellisés. Mais ceci s’applique rarement au vin, puisque l’exportation se fait principalement en bateau. Cet impact écologique négatif, les exportateurs le regrettent et le justifient souvent par « la petite taille de leur marché » respectif. D’après Patrick Guiraud, le président de Sudvinbio, ce phénomène est minime : « 98% des vins consommés en France sont français, seul 2% proviennent de l’étranger ». Ces 2%, englobent les vins européens et les vins extra-européens. Mais la France ne représente pas la diversité de la situation européenne. L’Allemagne, la Suède, ou le Danemark sont de grands pays importateurs. Principalement des trois plus grands producteurs de vin bio : l’Espagne, l’Italie et la France. La part exacte de vin bio non européen importé dans l’Union européenne reste pour l’instant un mystère.

Le vin bio victime de son succès ?

En sept ans, le chiffre d’affaire du vin bio en France a triplé pour s’élever à plus de 1,2 milliard d’euros. Conséquence de ce succès, les rayons bio sont régulièrement vides. Face au risque de pénurie, la production biologique peut-elle suivre le rythme ?

Le bio bientôt en rupture de stock, qui aurait pu imaginer un tel phénomène ? Longtemps considéré comme un produit destiné à une élite, le bio s’est démocratisé : un Français sur trois déclare avoir consommé du vin bio d’après une enquête d’IPSOS pour Sudvinbio. En 2016, les consommateurs y ont consacré 792 millions d’euros dans les surfaces de vente. Le marché français des vins bio a été multiplié par quatre en douze ans. Et, cerise (bio, bien sûr) sur le gâteau, les Français sont prêts à dépenser davantage pour un produit comme le vin que pour les autres produits agroalimentaires.
Contrairement aux idées reçues, l’écart de prix entre le vin bio et le vin conventionnel est faible. L’offre se fait sur un cœur de gamme qui se situe à 75% à moins de 15 euros la bouteille d’après une étude réalisée par Agrex Consulting pour Sudvinbio. Le bio séduit de plus en plus, à tel point que 10% des consommateurs de vin bio ne consomment plus du tout de vins conventionnels. Une révolution.
Face à cette demande grisante, la production s’accélère aussi. En 2016, la France comptait 5263 exploitations viticoles soit 70 740 ha de vignes en bio, soit 9% du vignoble national (contre 6% en 2010). Malgré la croissance de la production, la consommation biologique est bien plus rapide. En septembre 2017, le directeur de l’agence Bio, Florent Guhl, alertait sur les risques de pénurie des produits bio. La viticulture biologique est aujourd’hui confrontée à de nouveaux défis.

Face à cette demande exponentielle, il y aurait urgence à augmenter les surfaces et les rendements. Pas si simple. Les conversions vers le bio ont ralenti ces dernières années, avec en 2016 une croissance de « seulement » 10%. Plusieurs producteurs sont aussi revenus au conventionnel à cause des complications liées, par exemple, au climat. Pas toujours évident non plus de convaincre une population viticole vieillissante de vite se convertir au bio. Par ailleurs, la conversion bio n’est pas une promenade de santé : coût, respect du cahier des charges européens et vulnérabilité des vignes face aux aléas climatiques… en dissuadent plus d’un. Autre ombre au tableau : le désengagement progressif de l’État, source d’inquiétude pour les vignerons .
Par le jeu de cette bonne vieille loi de l’offre et de la demande, le risque est aujourd’hui de voir le prix de la bouteille de vin bio flamber.

Vers une flambée des prix du vin bio ?

Or, pour Florent Guhl, directeur de l’Agence bio comme pour Patrick Guiraud, président de Sudvinbio, le prix reste le frein numéro un pour les consommateurs. Leur objectif est de maintenir le faible écart de prix entre le vin conventionnel et le vin bio. La distribution est donc un véritable enjeu. Le vin bio est très convoité et personne n’est prêt à lâcher la grappe.
En 2016, la vente directe est le principal circuit de distribution à 41% et les magasins bio et les cavistes représentent 42% des ventes de vin bio. Mais les grandes et moyennes surfaces (GMS) captent 17% du marché et s’emparent de plus en plus du bio. Les hypermarchés actuellement en crise, profitent de ce succès pour se faire des marges excessives comme le révèle l’UFC Que Choisir.
Le recours à l’importation est-il inévitable ?
Un risque peu avéré pour les deux spécialistes car les autres pays sont également confrontés au même problème de pénurie. Les consommateurs bio recherchent avant tout des produits français. Une chose est sûre, ils ne pourront pas suivre l’inflation des prix du bio.

Tous nouveaux, tous bio !

Ils dévoilent leurs bouteilles pour la première fois dans les allées du Millésime Bio. Zoom sur 5 des 75 primo-exposants de 2018.

Ils sont Français, Italiens et Roumains. Tous jeunes certifiés (2015, 2016, 2017). Ils n’ont pas attendu longtemps avant de s’exposer sur le salon mondial du vin bio, au cours duquel ils espèrent conquérir les visiteurs… et de nouveaux marchés.

Domaine de Bon Augure

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Appellation : Haute Vallée de L’Orb IGP
Producteur : Cédric Guy
Date de certification bio : 2016
Biodynamie : Certification Demeter en cours
Taille du domaine : 6 hectares
Marchés : France et Europe
« Le bio est surtout un argument commercial. C’est obligatoire d’être en bio aujourd’hui ! »

Château Jean Faure

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Appellation : Saint-Emilion grand cru AOP
Producteur : Olivier Decelle
Date de certification bio : 2017
Biodynamie : début de conversion en cours
Taille du domaine : 18 hectares
Marchés : 50% en France et 50% à l’export (Nord de l’Europe, Chine)
« On a toujours eu la philosophie du bio. Même avant d’être certifiés, on travaillait en bio »

Les Vignerons Parisiens

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« Nous sommes un chai urbain : les vignes sont dans le Rhône, mais la vinification se fait à Paris, dans le troisième arrondissement » explique le commercial, Emmanuel Gagnepain.
Appellation : France sans IG
Producteur : Matthieu Bosser
Date de certification bio : 2015 depuis le début
Biodynamie : Oui pour 2/5 des vignes
Taille du domaine : 4 hectares
Marchés : USA, Canada, Japon, Angleterre. Fournisseur du Restaurant Ducasse. « Notre marketing est basé sur l’image de Paris mais cela ne suffit pas. Il faut que le vin soit bon ! ».

Tenuta Stella

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Appellation : Collio Goriziano DOC (vin italien)
Producteur : Alberto Faggiani
Date de certification Bio : 2016 « On a toujours travaillé en bio, même avant la certification » précise la commerciale.
Biodynamie : non
Taille du domaine : 5 hectares
Marchés : 15 – 20% à l’export : USA, Angleterre, Allemagne, Australie. « On souhaite vraiment augmenter les ventes à l’export. En Italie, le marché du vin bio n’est pas encore très installé. »

Domeniul Bogdan

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Appellation : Roumanie
Producteur : Bodgan Mihalcea
Date de certification : 2016, depuis le début
Biodynamie : « Nous avons entamé la procédure pour être en biodynamie. Nous serons les premiers à être en biodynamie en Roumanie ! »
Tailles du domaine : 153 hectares
Marchés : France, Europe, Asie (Japon, Corée du Sud)

Les buveurs de bio vus de derrière les comptoirs

Qui achète et boit du vin bio ? Eléments de réponse chez les cavistes, restaurateurs et dans les supermarchés de Montpellier.

Vous avez sans doute remarqué, lorsqu’un samedi à 19h, vous allez en vitesse au supermarché du coin acheter une bouteille de vin, que le rayon abrite plusieurs bouteilles étiquetées « bio », et que là, vous vous dîtes « Ah tiens, pourquoi pas ? » Ou alors « Non, très peu pour moi ». Toujours est-il que, selon une étude de Sudvinbio (PDF), le vin bio, labellisé, se porte bien. En 2016, les ventes de vin bio ont progressé de 18 % sur le marché français et de 32 % à l’export par rapport à 2015. Aussi, l’enquête Sudvinbio-Ipsos 2015 (PDF), montre qu’en France, 35,8 % des sondés boivent du vin bio, régulièrement ou de temps en temps.

Mais qui sont les consommateurs de vin bio ? L’enquête Sudvinbio-Ipsos montre qu’il s’agit d’un public plus jeune, plus féminin et plus soucieux de la sécurité alimentaire et des problèmes environnementaux que les consommateurs de vins conventionnels.

L’Occitanie est la première productrice française de vin bio avec plus de 25 000 ha de vignes en bio. Alors, chez les cavistes, dans les restaurants et dans les supermarchés de Montpellier, quelle part le vin bio occupe-t-il ? Est-il un argument de vente ? Et quel est le profil de ses acheteurs ?

Pour y répondre, direction les cavistes, les supermarchés et les grands restaurants de la capitale héraultaise.

Du vin bio partout ou presque

Chez les cavistes généralistes, le bio occupe une place plus ou moins importante. « Aux grands vins de France » ou à la « Maison régionale des vins et des produits du terroir », c’est 60 à 75 % de bouteilles bio. Alors qu’à la cave de « La Courte Échelle » aux Beaux-Arts, il n’y a que 30% de bio : « Je préfère diversifier mon offre car beaucoup de vins bio se ressemblent » prévient le caviste, Philippe Allègre. En revanche, les trois confrères s’accordent sur le fait qu’il y a une réelle demande et que leur stock de vins bio tend à augmenter.

Mais par-dessus tout, ce qui compte d’abord pour eux, c’est que le vin soit bon : « Le bio est un argument de vente car c’est le petit plus » déclare le caviste d’ « Aux grands vins de France ».

La « Cave du Boutonnet » et « La cave des Arceaux » ont, elles, fait du bio leur crédo. Le gérant de la première, Laurent de Zanet, propose 100% de vins naturels et bio. « Aujourd’hui, les gens, et pas que les bobos, sont très sensibles au bio et veulent des produits sains » déclame-t-il. Selon lui, les goûts des vins bio sont plus variés que ceux des vins conventionnels. Chez la deuxième cave, 95 % des bouteilles sont bio : « C’est la région qui veut ça, et c’est aussi la politique de la maison » déclarent les sommelières.

Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio

Côté restaurants, les gastronomiques proposent également une grande proportion de vins bio. Rue de l’Aiguillerie, chez « Cellier Morel, La Maison de la Lozère », 60 à 70% des vins sont bio. « Les gens sont souriants quand on leur dit que c’est du bio » s’enthousiasme Alexandre Ségura, le sommelier. À « La Réserve Rimbaud », au bord du Lez, 80% de la carte des vins est bio. La sommelière, Céline Dalbin, précise cependant que le restaurant « n’a pas une démarche pro-bio et que ce n’est pas un argument mis en avant. Notre philosophie est plutôt celle du terroir et de la qualité ».

Enfin, sur trois restaurants non-gastronomiques contactés, deux proposent entre deux et quatre bouteilles bio à leur carte tandis que le dernier y est complètement réfractaire.

-564.jpg Quant aux trois supermarchés visités… ils en ont ! Et de plus en plus : entre 15 et 30 références selon les différentes enseignes. En général mélangés aux autres vins, ils se cachent aussi parfois au rayon bio du magasin. Les prix commencent à 4,50€ environ pour monter jusqu’à 30€.

Le profil des clients n’est pas simple à dresser. Les experts interrogés dégagent quelques tendances lourdes (jeunes, femmes, écolo, qui mangent bio) mais d’autres profils se laissent parfois tenter.

Et les vins naturels ? Là aussi, les cavistes observent une forte demande. Mais ces vins sont plus chers que les bio car plus complexes à produire. Comptez au minimum 10€ « Aux grands vins de France », par exemple alors qu’un vin bio débute à 6€ en magasin spécialisé.

Alors, si vous n’êtes pas complètement réfractaire au bio, la prochaine fois que vous hésiterez chez votre caviste, au restaurant ou au supermarché, lâchez-vous sur l’étiquette verte… c’est sans danger !

Label réalité : « Le bio ça veut tout et rien dire »

Bio or not Bio ? Situé à 20 km au nord ouest de Montpellier sur la commune d’Argelliers, le domaine Le Champ des Barbiers propose une viticulture biodynamique depuis 2007. Pourtant, les vins de Stéphane Gros ne portent pas de label puisqu’il n’a adhéré à aucun organisme pour le certifier. Explications.

L’agence Bio / OC recense cette année 407 exploitations converties au Bio en Occitanie, premier vignoble Bio de France, et Le Champ des Barbiers compte en faire de même. En effet, son fils va le rejoindre afin de faire les démarches de certification, au grand dam de son père. Stéphane Gros est sceptique mais comprend bien les intérêts commerciaux et la reconnaissance apportés par un label. Cependant, il préférerait obtenir un label Demeter correspondant davantage à sa démarche.

En 2000, Stéphane Gros quitte la restauration pour reprendre les rênes de l’exploitation familiale, héritage viticole depuis plus de quatre générations. Il explique avoir toujours pratiqué avec son père « la viticulture raisonnée », en utilisant du souffre et du cuivre plutôt que des produits de synthèse. « C’était le début de la mode du bio » se rappelle-t-il, mais l’investissement économique était important et il ne voyait pas, à l’époque, l’intérêt d’obtenir un tel label. Globalement, il affirme que « ça [lui] revient plus cher de travailler en biodynamie. Il faut passer plus souvent dans les vignes et éviter de trop labourer avec le tracteur ». Mais Stéphane est fier de produire du vin « plus proche du naturel ou Demeter » puisqu’il ne met aucun intrant, sauf « un peu de souffre et d’argile, autorisés par Demeter » mais il ne procède à « aucun collage ni filtrage ».

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Bio : entre utopie et réalité

Alors pourquoi ne pas adhérer à un organisme de certification ? Il connaît parfaitement les labels et leurs normes mais pour lui, « le bio, ça veut tout et rien dire. Il y a le vin conventionnel, chimique, puis le vin bio, les vins en biodynamie, le vin naturel et le vin s.a.i.n.s – sans aucun intrant ni sulfite ajouté » mais dans le vin bio « ils utilisent beaucoup de sulfite (SO2), environ 150 mg / L contre 40 mg pour moi, la norme pour les vins naturels ». Pour les vins s.a.i.n.s, il n’y a « pas d’étiquette » spécifique, ce qui traduit une philosophie différente de celle du bio. L’affiche ci-dessus, réalisée en 2013 par Cédric Mendoza pour l’association des Vins s.a.i.n.s, témoigne selon lui de cette réalité. Le caractère orienté de l’affiche mis à part, on remarque de nombreux intrants, tolérés par le vin conventionnel et bio, face à un vin s.a.i.n.s présenté comme parfaitement pur.

Stéphane Gros justifie par plusieurs raisons sa non-adhésion immédiate à un label : « J’ai toujours travaillé seul avec un agent qui gère toute la partie commerciale et ne vend que des vins bio et naturels, donc je ne m’en suis jamais préoccupé. Ça demande beaucoup de dossiers, je n’ai pas le temps et je n’aime pas ça, donc mon fils va s’en occuper ». Mais ce label va lui apporter une meilleure reconnaissance auprès des clients dans les caves – représentant 65% de sa distribution – ou les restaurants : « les gens regardent l’étiquette, s’ils voient que c’est pas marqué bio, ils ne goûtent pas ».

Le refus d’une grande distribution et ses contraintes

Son fils lui permettra aussi d’augmenter le volume de vin produit pour ne plus qu’il rate des marchés puisqu’il « exporte à l’international depuis quelques années : en Belgique, Grèce, Allemagne et Angleterre », or, « qui dit export dit volume » précise-t-il. Il refuse de vendre son vin en grande distribution (GD) car « c’est pas le genre de produits qu’ils recherchent et ça ne m’intéresse pas ». Mais aussi à cause du volume, « la GD il faut faire du vin et sortir des petits prix ». Les vins de Stéphane Gros sont situés entre 11 et 13€.

Le label va aussi lui amener des aides financières, dont il a bien besoin pour compenser la perte qu’il a essuyé cette année. En effet, il déplore les conséquences du réchauffement climatique sur les vignes, trop souvent tues : « cette année a été catastrophique pour moi, j’ai été gelé au mois d’avril et en été j’ai eu la sécheresse, j’ai perdu 80% de ma production et le gouvernement ne fait rien pour ça, surtout que je n’avais pas d’assurance jusqu’à maintenant, mais ça va bientôt devenir obligatoire ».

Mais il a toujours hésité à passer bio car il le voyait comme une limite : « j’avais peur que l’étiquette soit un frein, dans la GD on en voit partout. Il faudrait plutôt mettre la liste des ingrédients avec les doses plutôt qu’un logo bio. Ce logo cache beaucoup de choses derrière » confie-t-il.
Il espère éviter les « trois années de conversion imposées » pour l’attribution d’un label, en vue de sa pratique de la biodynamie. On l’aura compris, le label bio n’est pas son graal, et s’il fait certifier son vin, c’est pour les autres.

Le Wwoofing s’installe dans ses vignes

Le bio est son « défi ». Pour assurer une conversion nécessitant pas mal de main-d’oeuvre, Thibaud Vermillard, jeune vigneron occitan, peut compter sur une fidèle équipe de wwoofeurs, ces néo-bénévoles globe-trotters.

Ce vigneron n’a rien de conventionnel. Depuis sa conversion en bio débutée il y a trois ans sur son domaine de Lunel-Viel, à 30 minutes de Montpellier, Thibaud Vermillard passe par le Wwoofing.

Le Wwoofing ? Ordinairement l’apanage des exploitations agricoles de type verger, jardin, potager ou élevage, le WWOOF – de l’anglais World-Wide Opportnunities on Organic Farms – est un concept de voyage alternatif qui fait fureur.

Des particuliers se proposent d’accueillir des wwoofeurs pour partager leurs connaissances et savoir-faire dans leur domaine d’activité. En échange de ce coup de main non-rémunéré, les bénévoles se voient offrir le gîte et le couvert, en immersion dans le mode de vie de leurs hôtes.

Une méthode « économique et humaine » selon Thibaud Vermillard, pourtant peu employée dans le monde viticole, que le néo-converti utilise pour répondre, à moindre frais, au plus grand besoin de main-d’oeuvre que nécessite l’agriculture sans pesticide. Et ça marche du tonnerre.

Un échange de bons procédés

Pour Thibaud Vermillard, l’idée de s’y adonner lui a été soufflée par l’un de ses proches en 2014. Bien que le concept lui était jusqu’alors inconnu, le trentenaire l’a expérimenté dès l’année de sa conversion, en 2015, via WWOOF France, un organisme mettant en relation les volontaires avec plus de 1200 fermes biologiques dans l’Hexagone.

Et depuis, pour chaque vendange, il recrute ces petites mains qui lui sont si indispensables : « Pour faire simple, en agriculture conventionnelle, il suffit de répandre du pesticide sur les cultures pour éliminer les mauvaises herbes. En agriculture bio, on les arrache à la force de ses bras ! » Pour ses huit hectares de production, dont une première moitié sera certifiée bio cette année, il en faut donc de l’huile de coude.

Attentifs, fiables et efficaces

Souvent sans expérience et, de fait, moins rapides, les wwoofeurs sont néanmoins « plus attentifs et très fiables », assure Thibaud Vermillard. Sa règle d’or : ne leur attribuer que des tâches non-dangereuses ne nécessitant aucune compétence particulière. Et à l’entendre, « la qualité de leur travail est même meilleure que celle d’ouvriers qualifiés ».

Mais le jeune vigneron le certifie, le Wwoofing n’est pas qu’une astuce pour tirer un bénéfice uniquement pécunier. L’aspect relationnel est, selon lui, indissociable.

« J’ai eu de tout ! Des Neo-zélandais, Australiens, Japonais, Chinois, Scandinaves, Canadiens, Allemands… mais aussi des Français, voire des gens du coin. » Le trentenaire s’épanche sur ses wwoofeurs dont aucun n’échappe à ses souvenirs. De belles histoires, il en a à raconter. « J’ai gardé contact avec beaucoup d’entre eux… et certains m’ont recommandé auprès de leurs proches pour les vendanges suivantes ! Une année, j’ai accueilli la soeur d’une ancienne wwoofeuse allemande dont le grand-père, qui vit en Espagne, est venu un jour m’apporter des oranges ! L’été dernier, j’ai également accueilli Lucas, le frère d’un ancien wwoofeur australien. J’en ai même qui reviennent chaque année. C’est notre noyau dur ! » Et la barrière de la langue ? « Via l’anglais, on se comprend toujours. »

« On forme une communauté »

Si les wwoofeurs qu’il reçoit sont majoritairement jeunes – des femmes pour les deux-tiers – le plus souvent en quête d’une expérience à l’étranger à moindre frais, il a déjà eu d’agréables surprises : « Cet été, j’ai eu mon doyen ! Un Canadien de 55 ans pour qui le Wwoofing représentait une sorte de voyage initiatique, suite à une remise en question professionnelle ». Et parfois, des surprises moins agréables : « Une année, il y en a un que j’ai carrément dû mettre à la porte pour des problèmes de comportement… Mais c’est bien la seule fois ! En trois ans, je n’ai eu que deux mauvaises expériences. »

Et l’hôte veille systématiquement à l’épanouissement de ses wwoofeurs : « J’en prends toujours deux ou trois par vendange, de sorte à créer une dynamique de groupe, une cohésion. Je m’assure qu’il y ait de bonnes relations sur le terrain comme à la maison. Avec ma compagne, on s’occupe également d’eux en-dehors des heures de travail. En les emmenant le weekend à la plage par exemple. Ou à des festivals locaux. Et parfois, ils nous payent des bières ! On forme une communauté ». Et ces étés en communauté, il les savoure : « Ça nous booste d’avoir des gens à gérer ponctuellement au cours de l’année ».

Pour cet été, « on a déjà notre équipe ! s’enthousiasme-t-il. Deux Allemandes, qui ont participé aux trois dernières vendanges, et un Écossais. » Thibaud Vermillard est définitivement un converti. Au bio… et au Wwoofing !
Hors-vendanges, les tâches à effectuer sur les vignes étant beaucoup plus techniques, Thibaud Vermillard préfère embaucher des salariés qualifiés.

Agriculture bio : les viticulteurs s’inquiètent des désengagements de l’Etat

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, a confirmé le maintien des « aides à la conversion » en agriculture bio. Mais il a aussi annoncé que les « aides au maintien » seraient, elles, transférées aux régions. Peu rassurant pour les vignerons.

En décembre Haut courant s’était déjà interressé à la disparition programmée des aides au maintien dans l’agriculture bio. Ces subventions qui permettent de compenser les pertes de rendements par rapport à l’agriculture conventionnelle, et engager plus de main d’oeuvre nécessaire à l’entretien des surfaces biologiques, sont dans le collimateur de l’État. Aujourd’hui, le plus grand flou règne quant à leur avenir. Dans un communiqué de presse (PDF), l’association Sudvinbio s’inquiète pour les vignerons bio du Languedoc-Roussillon.

Les aides au maintien dans la viticulture bio, ça représente quoi concrètement ?

Aujourd’hui, les aides au maintien représentent au total, la très modeste somme de 10 millions d’euros par an. Dans la viticulture, elles s’élèvent à seulement 150€ par hectare et par an (PDF).

Un signal négatif envoyé aux producteurs bio

Maladies et conditions climatiques (gel, grêle,…) ont déjà compliqué les choses cette année pour les viticulteurs qui ont enregistré des pertes de rendements.
La disparition des aides au maintien, engendrerait pour les producteurs une nette baisse de leur rémunération, risquant d’en rebuter certains. L’accumulation des difficultés, pourrait décourager les hésitants, explique Michael Hausdorff, un vigneron en bio depuis 2010 dans le Gard. Il affirme cependant que ce ne sera pas suffisant pour le dissuader.

Ce qui ne l’empêche pas de constater que quelques producteurs se sont déjà désengagés de l’agriculture biologique et sont « revenus en conventionnel, en raison des maladies de la vigne et complications dues au climat ». Il estime le recul de l’Etat comme facteur de découragement chez les jeunes sur le point de s’engager. C’est un « signal négatif envoyé aux producteurs bio, qui pourrait avoir un impact important » en freinant la conversion en forte hausse ces dernières années, s’indigne ce vigneron du Gard.

Le financement des aides au maintien par les régions s’avère difficile

Depuis 2015 et la nouvelle politique agricole commune (PAC), les aides sont co-gérées par l’État et les régions. Le nouveau ministre de l’Agriculture a fait de la conversion sa priorité. Il souhaite donc que les régions « continuent de financer des aides au maintien sur de nouveaux contrats, mais sans mobiliser les crédits du ministère ». Stéphane Travert affirme par ailleurs que c’est maintenant « au marché de soutenir le maintien de l’agriculture biologique car la demande est là ». Le ministère s’est quand même voulu rassurant et a affirmé que « les aides au maintien attribuées jusqu’en 2017 seront bien évidemment financées jusqu’à leur terme » et que les crédits d’impôts devant prendre fin en 2017, seraient également prolongés pour les producteurs en bio.

Mais « sur les régions qui ont déjà des budgets ric-rac, cela va être compliqué » explique M. Haudsorff. « Dans la région Occitanie il y a une volonté » précise-t-il. La région, placée en première position dans le nombre d’exploitations et de conversions en bio, possède un hectare sur quatre en agriculture biologique. « Mais est-ce qu’il y aura le budget pour pallier au désengagement de l’État ? J’en doute » désespère-t-il. Certaines régions comme la Normandie ont déjà annoncé qu’elles ne se substitueraient pas au désengagement de l’État, préférant privilégier les aides à la conversion en agriculture biologique.

Le refus, pour les producteurs, d’une compensation par le marché et les consommateurs

Faire payer le consommateur pour palier à cet arrêt de financement par l’Etat ? Une possibilité que les producteurs écartent.
Pour Virginie Berthuit, responsable parcellaire de la cave de l’Ormarine, si le prix est trop élevé « les gens n’achèteront pas, cela ne marchera pas ». Pour Michael Haudsorff, les consommateurs s’engagent déjà en achetant du vin bio, alors « [les] faire payer, ce n’est pas une solution » s’exclame-t-il. Avant d’ajouter que, « soit il y a une volonté politique d’aider l’agriculture biologique, soit il n’y en pas ».

Challenge Millésime Bio : « Ici on ne boit pas, on goûte »

Ça renifle, ça observe, ça déguste et ça recrache. Mais où donc ? Au concours des vins Millésime bio, qui s’est tenu dix jours avant l’ouverture du salon. Reportage.

9h30 à l’Altrad Stadium. Les rugbymens montpelliérains Louis Picamoles, Nemani Nadolo et consorts, résidants habituels des lieux sont aujourd’hui remplaçants. Remplacés plûtot, par une équipe autrement plus disparate : les dégustateurs du Challenge Millésime Bio. L’horaire est bien matinal pour déboucher les bouteilles mais plusieurs dizaines de personnes s’amassent déjà dans la salle de réception du stade. Une organisation bien ficelée pour les 400 membres du jury qui vont délivrer les précieuses médailles d’or, d’argent ou de bronze. À l’heure des croissants, c’est tout le petit monde de la viticulture qui se retrouve pour le plus grand salon du vin bio hexagonal. « Ici, on ne boit pas, on goûte !  », lance Didier, œnologue amateur, présent pour la deuxième fois au concours. Une nuance importante que les crachoirs à vin disposés sur chaque table vient rappeler.

La voix de Thierry Duchenne, le directeur de Sudvinbio et organisateur du Challenge, retentit. Le gong vient de sonner. Les dégustateurs rejoignent les dizaines de tables rondes où ils ont été soigneusement placés. « Un minium de trois personnes par table, comprenant au moins un professionnel du vin », explique une organisatrice. Il s’agit de ne pas délivrer les précieuses médailles à la légère ! Un macaron doré ouvre bien souvent la voie à de nouveaux marchés et une augmentation des ventes.

Notre table est choisie, celle du jury DU avec ses 16 bouteilles présentent sur la table, dont la provenance est cachée par des poches en plastique noir. -554-r90.jpg « Il est vrai que le nombre de vins à déguster peut conduire à une saturation de la bouche et des papilles, relate Norbert, agent commercial. Sur les dernières bouteilles, c’est plus difficile de distinguer les saveurs mais cela se gomme avec de l’entraînement».

La dégustation commence, les vins du Languedoc s’écoulent dans les verres du jury DU. « Le premier que nous allons juger sera le 1735, un vin de 2014 » annonce Bruno, sexagénaire, lunettes fixées sur l’étiquette. Au cours du concours, la centaine de jurys va goûter des vins du monde entier selon leurs types – rouge, blanc, rosé, doux ou mousseux – sans savoir le domaine dont ils proviennent. « Certains œnologues arrivent quand même à reconnaître le domaine dont le vin provient juste en le goûtant  », déclare admirative Élodie, jeune œnologue tout juste diplômée en rejoignant sa table.

La dégustation du vin : tout un art

L’étrange rituel des jurés commence alors dans un calme absolu. Tous les sens sont mis à contribution. D’abord l’œil, il s’agit d’observer la robe. De définir son intensité, sa limpidité, sa brillance mais également ses défauts, s’il y en a. Les nez plongent ensuite dans les verres pour dégager les arômes.-555.jpg « Boisé », « floral », « fruité » ou même « curry », les senteurs peuvent être très variées !

Changement de table et donc de jury pour observer la conclusion finale : l’examen gustatif. Le non-initié est souvent surpris par le rite de dégustation des amateurs de vin : « Il faut aspirer pour augmenter l’intensité des arômes sans avaler », témoigne Charlie.-556.jpg Une fois les papilles gustatives chargées, le juré n’avale pas le vin. Il recrache la boisson dans les sceaux prédestinés. Cette pratique gutturale est habituelle lors des dégustations. Toutefois, le format XXL de ce challenge rend la vision des choses pour le moins pittoresque. Observer 400 personnes cracher de concert est une expérience assez peu ragoûtante. Enfin, après quelques secondes de réflexion, le juré va mettre une appréciation d’ensemble ainsi qu’une note sur 20 à la bouteille qu’il vient de goûter avant de passer à la suivante.

Le choix cornélien des médaillés

Les vins défilent à une vitesse constante, parfois ponctuée par une bouteille bouchonnée. « Si cela arrive, on va en commander une autre », explique un juré. Une fois la dégustation terminée, le jury met en commun ses notes et sélectionne les domaines qui méritent d’être médaillés. À notre table, le choix est cornélien pour Isabelle, jeune œnologue, Patrick, viticulteur et Charlie, président d’un club de dégustation. « Nous avons fait le choix de présélectionner sept à huit vins qui ont retenu notre attention afin de les goûter de nouveau et de dégager ceux qui peuvent être médaillés  ». Si nos jurés peuvent parfois être secs dans leur jugement, « celui-là il est nul  », ils essayent de ne pas être dans l’excès : « J’ai vu des gens qui mettaient des 4,6,18… J’essaye d’être nuancée. Je mets généralement entre 10 et 16 car je n’aime pas saquer les vignerons » détaille Isabelle.
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Alors que le brouhaha monte en raison des débats animés autour des tables, nos trois jurés peinent à faire leur choix : « On doit en sélectionner cinq au maximum du fait du règlement mais on hésite encore entre huit vins » soupire Charlie.

Finalement, après de longues tractations et alors que toutes les tables ont déjà désigné leurs médaillés, nos trois jurés d’un jour rendent leur verdict : « Médaille d’or pour le 1505 et le 1308, médaille d’argent pour le 1196, le 1200 et le 795  ». « On n’a pas voulu donner de médailles de bronze car c’est une médaille qui intéresse peu le consommateur. Il aura plus tendance à aller vers l’argent ou l’or » reprend Isabelle. Près de deux heures de dégustations ont été nécessaires aux 400 jurés pour décerner leurs récompenses. Le total des breloques n’excédera pas 33% des vins comme cela est imposé par le règlement.

L’heure est venue pour tout le monde de se détendre près du buffet après une concentration de tous les instants. « J’avoue avoir un peu mal à la tête » sourit un des participants. Il lui faudra vite se remettre car le Millésime Bio va ouvrir ses milliers de bouteilles dès le 29 janvier au Parc des Expositions de Montpellier.

Millésime Bio 2018 : une cuvée record

Le grand salon du vin bio se tient à Montpellier du 29 au 31 janvier 2018. Haut Courant y sera présent et dévoile les nouveautés 2018 avec l’un de ses organisateurs, Nicolas Richarme, vigneron bio en Côtes-du-Rhône.

Quelles sont les caractéristiques de Millésime Bio 2018 ?

C’est un salon 100% bio où on peut trouver exclusivement des vins certifiés et non pas des vins en conversion. Cette année, il y aura 950 exposants. Quinze pays seront représentés dont notamment l’Italie ou encore l’Autriche. La Région Occitanie – 1ère région productrice de bio, tous secteurs confondus – est bien présente avec 320 exposants. Millésime Bio permet avant tout aux vignerons de faire du business. C’est là tout l’intérêt et la force de l’événement. Pour cela, il y aura plus de 5 000 acheteurs professionnels tout au long des trois jours du salon.

  Quel est l’objectif prioritaire cette année ?

Nous souhaitons dépasser le nombre de visiteurs de l’an dernier qui était de 4 850 au Parc des expositions de Marseille-Chanot. Le but est de faire un meilleur salon que le précédent pour confirmer l’aura de Millésime Bio.

Nicolas Richarme, nouveau président de la Commission Millésime Bio

  Quelles sont les innovations de cette édition ?

Cette année, nous mettons en place une application qui permettra de se repérer sur le site et qui proposera un cheminement pour les visiteurs. Il y aura, en parallèle, des conférences techniques et économiques autour du vin bio. Pour les 25 ans du salon, il y aura une belle fête dès le premier soir afin de célébrer le succès constant de cette vitrine mondiale du vin bio.

  Depuis sa création, le salon ne cesse de grossir… Jusqu’où ?

Pour preuve de son succès, il y a eu plus de 130 vignerons qui sont restés sur liste d’attente. À Millésime Bio, chaque exposant est mis sur un pied d’égalité. Chacun a une table d’exposition. Les places sont même tirées au sort.
Le salon s’agrandit progressivement, on rajoute entre 80 et 100 exposants en moyenne tous les ans. Le but est de ne pas aller trop vite afin d’avoir un équilibre entre exposants et nombre de visiteurs.

  Quelles sont les principales évolutions du vin bio depuis 25 ans ?

En 2016, les ventes de vin bio ont progressé de 18% en France et 32% à l’export. On constate aussi un accroissement du nombre de conversions du côté des vignerons. De 2010 à 2017, on passe de 170 à 467 entrées en conversion, ce qui est très positif.
Entre 2010 et 2016, on dénombre une augmentation de 35% de viticulteurs bio. Une augmentation qui se remarque aussi dans la part du vignoble français avec une progression de 3% sur la même période.

  Quel est le profil type du consommateur de vin bio ?

Pour moi, même si je travaille plus avec des grossistes, il n’y a pas vraiment de profil type. Le bio reste pour tout le monde. On essaie de rendre le vin bio accessible au plus grand nombre et à toutes les bourses. En général, le prix d’une bouteille se situe entre 5 et 15€, ce qui n’est pas non plus excessif par rapport à du vin industriel.

  Le prix est-il un critère pour les consommateurs ?

Comme dit précédemment, le prix moyen d’une bouteille reste abordable. Le vin bio dispose d’un bon rapport qualité-prix. Après, c’est certain, il n’y pas de petits prix comme pour du vin industriel. Mais on espère que les consommateurs soient plus attentifs à la qualité d’une bouteille qu’à son prix.

  La France est actuellement 3e productrice de vin bio, pensez-vous, à terme, pouvoir atteindre la première place ?

Pour l’instant, cela reste difficile. L’Italie et l’Espagne sont encore loin devant. En France, on observe une légère stagnation du nombre de conversions, sauf en Occitanie.

  Le vin nature a le vent en poupe. Est-ce un vrai concurrent pour le bio ?

Si un vin est certifié bio et qu’il est nature, cela ne me dérange pas. Par contre, si un vigneron déclare son vin nature sans qu’il soit certifié, ce n’est pas pareil. Aujourd’hui, nous avons des certifications, des contrôles, même pendant le salon. Preuve que l’on fait les choses dans les règles. Sans certification, il est difficile de croire quelqu’un disant de son vin qu’il est nature.
Les vignerons bio sont des gens qui font attention à ce qu’ils font, à la fois en matière technique et écologique. Leur but est de fournir aux consommateurs des vins de qualité.

  L’Etat aide-t-il suffisamment les viticulteurs bio ?

On essaie de se battre pour que le revenu brut par hectare pour chaque vigneron soit entre 8 000 et 10 000 € en moyenne. On met en place une véritable politique économique et promotionnelle afin de jouer sur les prix de vente. Cela permet, quoi qu’il arrive, de ne pas dépendre directement des aides de l’Etat, dont le montant est compris entre 200 et 300 € par hectare. Cela reste infime pour les vignerons. La fin de l’aide au maintien n’est donc pas une mauvaise nouvelle pour nous, elle ne change, au final, pas grand-chose. Mais c’est certain qu’il manque des mesures pour inciter les vignerons à se convertir en bio.