« Le fait de tomber malade, ça a été l’élément déclencheur »
À proximité de la départementale 167 qui rallie la bourgade de Vendargues à Montpellier, une cave est taillée dans la pierre et ornée d’un drapeau occitan. À l’intérieur, situé non loin de la cheminée artisanale, un pied de vigne âgé de près de 100 ans. Bienvenue dans la propriété de Jean-Claude, vigneron de 67 ans, qui ne vend que du vin bio depuis 1984. La raison de cette reconversion alors avant-gardiste ? Une intoxication du foie qui a failli lui coûter la vie. « Le fait de tomber malade, ça a été l’élément déclencheur. C’était un produit de la famille des organophosphorés, un insecticide. À l’époque, c’était un produit banal avec lequel on traitait les plantes, c’était normal. Avant de me mettre au bio, j’avais des problèmes aux articulations, des crises d’asthme. Depuis, ma santé s’est améliorée » assure Jean-Claude. Ce fan de Bernard Hinault prépare d’ailleurs sa trentième ascension du Mont Ventoux. « Je fais du vélo depuis 30 ans, environ 5000 kilomètres par an. »
Voilà une trentaine d’années, le jeune vigneron nourrissait des interrogations. « À chaque fois que j’utilisais des pesticides, je me demandais comment était-ce possible qu’il faille employer des produits meurtriers pour donner la vie. Quand j’ai voulu franchir le pas du bio, j’ai rencontré quelqu’un de Béziers qui en faisait depuis 1967. J’ai été à des réunions, plusieurs conférences. » Des rencontres qui vont l’inciter à passer en bio. Pour sa santé d’abord, mais aussi pour défendre une idéologie de partage et de respect de la nature. « Si vous voulez, le bio pur n’existe pas. Ne serait-ce qu’avec la pollution de l’air. Seulement, moi je préfère boire mon vin que celui de mes collègues. L’environnement, on ne peut pas le maîtriser. Je pourrais me dire, c’est bon, les nappes sont polluées, l’air est pollué, autant faire comme les autres. Mais non, non, ça ne marche pas comme ça. Si chacun contribuait à faire un peu pour l’environnement, on arriverait à quelque chose. »
Guidé par l’humaniste Pierre Rabhi, Jean-Claude ne produit donc plus que du vin bio, et voudrait même faire apparaître la notion « agriculture non-violente » sur ses bouteilles. Avec son fils, qui s’occupe du démarchage, le vigneron approvisionne avant tout les commerces de proximité, à Montpellier, mais aussi dans l’Aveyron et l’Ardèche. « C’est rare de voir plusieurs générations travailler au même endroit. Je vois tous les collègues de mon âge, ils ont dit à leurs enfants : « ne reste pas dans la vigne, tu ne gagneras pas bien ta vie ». Mais c’est parce qu’ils n’ont pas la passion. Je crois qu’à Vendargues, je dois être le seul dont le fils est resté. »
Une passion qui se caractérise par certains rituels qu’il prend soin de faire perdurer. « Indéniablement, le passage au bio demande trois fois plus de travail. Je me lève à 6 heures, je prends mes tartines, mon café comme tout le monde. Et à 9 heures, je casse la croûte, je prends un verre de vin avec un bout de fromage » raconte Jean-Claude, non sans une pointe d’amertume. « Avant, tous les paysans faisaient ça. Maintenant, certains vignerons sont devenus des fonctionnaires de la vigne ». Entre deux gorgées de son millésime blanc 2013, il se rappelle : « Cela m’a demandé beaucoup de travail, il faut avoir la foi. » Mais de la foi, il en retrouve aussi chaque année pour grimper à vélo le Ventoux, ce géant de Provence.
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