L’Iran. Sa jeunesse et ses artistes. C’est ce que Jeremy Suyker capture depuis 2013. « Les insolents de Téhéran », son photoreportage, a été publié pour la première fois dans la revue 6mois, et certains de ses clichés étaient exposés sur les grilles du Théâtre national de Bordeaux, du 30 novembre au 3 décembre.
Photographe, journaliste et conteur hors pair
Jeremy Suyker est un photojournaliste français indépendant de 32 ans. Après avoir poursuivi des études littéraires, il se consacre au journalisme et intègre le Centre de formation continue pour les journalistes (ESJ pro) de Lille-Montpellier. Fort de ce double apprentissage, il explique que ses débuts en photographie sont venus « en même temps » que ses études littéraires. Attiré par l’image depuis de nombreuses années, ce n’est qu’au fil de ses études de journalisme, durant ses reportages, qu’il se spécifie dans la « photographie de reportage », alliant l’image, le paysage et l’écriture. Pour ce voyageur parisien, la photographie lui permet de conter des histoires.
Depuis sept ans, il parcourt la planète. Du Sri Lanka au Brésil, en passant par la Birmanie et l’Iran, ce nomade aime capturer pour « aider à comprendre le monde », explique-t-il. Il a suivi à Rangoon les partisans d’Aung San Sur Kyi à la veille des élections, mais également des touristes chinois opérant un tour de l’Europe. À chaque nouveau reportage, une nouvelle immersion. Il s’imprègne des cultures qu’il photographie pour raconter au mieux la réalité.
Un pays « très mal connu »
Pourquoi l’Iran ? Tout simplement parce que cela faisait un moment qu’il avait le désir de réaliser un reportage sur ce pays très critiqué. Il a débuté son travail en 2013, et a profité d’un contexte électoral favorable : l’élection du progressiste Hassan Rohani à la tête de la République islamique d’Iran. Selon le photojournaliste, « Rohani a fait du bien à l’Iran » et grâce à cela « un petit vent de liberté » souffle aujourd’hui dans le pays. Mais son action reste encore limitée, notamment en raison de l’opposition de l’Ayatollah Khomenei, guide suprême de la révolution islamique, aux réformes du président iranien.
Aussi, parti pour saisir le pays durant plusieurs mois, il finit par s’intéresser à la jeune scène artistique, au fil de ses rencontres.
Lorsqu’il projette publiquement « Les insolents de Téhéran » à l’écran, dans l’école de journalisme de Bordeaux (IJBA), il raconte une certaine jeunesse en Iran. Une jeunesse dont on entend trop peu parler. Et qui est, selon le photographe, « fière qu’on montre une autre image de leur pays ». Ce pays montré du doigt, critiqué, qui cristallise les peurs occidentales est finalement « très mal connu » selon lui.
« On a l’impression que tout est interdit, mais on se rend compte que tout est possible »
Il y photographie des jeunes femmes et hommes, venus à Téhéran pour tenter leur chance sur la scène artistique, tout comme les jeunes français se déplacent à Paris. Au sein de ce régime autoritaire, tout est susceptible d’être contrôlé. Et dans le monde artistique iranien, les interdits restent les mêmes que dans leur quotidien : femmes contraintes de se voiler sur scène, contacts physiques prohibés entre les deux sexes, et chanteuses dans l’obligation de se produire avec un homme. Mais ces interdits ne sont pas des obstacles pour eux. Au contraire, la jeunesse redouble d’innovation et de créativité pour contourner cette censure et ces règles. Et la scène artistique en est toujours plus riche.
« En une fraction de seconde, tout peu basculer »
Mais Jeremy Suyker rappelle tout de même qu’ « en Iran, on peut être en confiance et, en une fraction de seconde, tout peu basculer ». Un pays qu’il disait un peu plus ouvert grâce à Hassan Rohani, mais une population toujours amplement surveillée, et oppressée. Il révèle, durant sa projection, que certaines photographies présentées n’ont jamais été dévoilées publiquement, pour des raisons de sécurité. En Iran, durant son enquête, il a dû « s’assurer de la sécurité des jeunes » lorsqu’il a décidé de les photographier. Et certaines images, comme celles de jeunes chanteuses iraniennes se produisant clandestinement, ne seront jamais révélées au public. « Les insolents de Téhéran » n’a d’ailleurs jamais été publié en Iran.
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