Les partenaires, sollicités ou volontaires, sont chaque année plus nombreux à rejoindre la dynamique. Partenaires culturels d’abord, « sans lesquels rien n’aurait été possible » : il s’agit des directeurs des théâtres et salles des milieux ruraux, comme le Coléo à Pontcharra ou l’espace Paul Jargot à Crolles, « des gens de ma génération pour la plupart, qui donnent le même sens que moi à leur travail ».
La collaboration avec les tissus associatifs ou sociaux n’en est pas moins essentielle : ONG s’associant aux spectacles, notamment à l’occasion de la Semaine de la Solidarité Internationale, mais aussi, et surtout, centres sociaux et foyers, CHRS, MJC… Le temps du festival, ils deviennent le lieu d’une trentaine de rencontres, en amont d’un spectacle, de la compagnie avec la population locale, souvent autour d’un repas convivial. Une façon chaleureuse et intime d’accueillir les troupes en provenance d’Haïti, du Sénégal, du Togo, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, mais aussi de Roumanie, Italie, Belgique… Pour les membres de ces associations de quartier, d’aide aux sans-papiers ou d’assistance aux femmes en difficulté, une subtile invitation à pénétrer les salles de spectacles qu’ils n’ont pas l’habitude de fréquenter. A l’Espace 600 notamment, au coeur de la « cité » grenobloise, dont certains habitants ne soupçonnaient même pas l’existence…
« Créer du lien »
L’Oiseau bleu, un nid pour mères en difficulté établi à Gières, est l’un de ces partenaires fidèles, depuis sa rencontre avec Laurent Poncelet en 2002, alors que Mano l’éducatrice y animait un Atelier Théâtre. Si l’activité s’est depuis interrompue, la passion est restée. Il y a quelques jours, ces femmes ont accueilli la troupe de danseuses haïtiennes, « Atelier Toto B », pour un repas métissé : tajine, gratin dauphinois et tiramisu, « à l’image de l’Oiseau bleu !», revendiquent Férouze et Ada, suivi d’une après-midi de partage. Une trentaine de femmes réunies dans une étonnante alchimie : « on a parlé de leur façon de vivre, de leur voyage, après elles sont venues avec nous chercher les enfants à l’école et à la crèche ». « Je ne connaissais pas Haïti : elles nous ont dit l’histoire de leur peuple, de l’esclavage ». Et puis, comme toutes les femmes, à l’heure du café, elles ont parlé des hommes, du sexe et de la contraception. « Elles portent un regard très dur sur les autres haïtiennes, qui font des enfants pour garder leur homme et ne se posent pas de questions ». A l’exact opposé, ces onze femmes prennent leur destin en main en même temps qu’elles s’approprient les instruments de musique traditionnellement réservés aux hommes. « Les femmes ont pris le pouvoir!». « Une véritable leçon de vie » pour Mano et ses protégées, ravies. Une petite démonstration clôturera la journée, achevant de convaincre les habitantes de l’Oiseau bleu de réserver la place pour le spectacle qu’on leur offrait, « on se débrouillera pour faire garder les enfants».
« C’est le sens que je donne au théâtre action. Mais ma conception est un peu particulière : ici, c’est trop dur de travailler sur la matière qu’est le vécu de celles qu’on accueille… Même si on y revient de toute façon quand on monte une pièce comme Une petite entaille de Duringer. Le FITA va nous donner matière à discussion pendant plusieurs semaines, comme un prétexte à une ouverture au monde ». Le rendez-vous est pris les 29 et 30 pour le forum « Théâtre et lien social » : on y retrouvera Danièle et Mano, les éduc’ se faisant pour un jour animatrices d’ateliers.
L’essence même du FITA Rhône Alpes s’y verra synthétisée : comme chez son « grand frère » belge, le théâtre action sera au cœur des débats, en tant qu’interrogation du monde, au croisement de regards différents, à la rencontre du public. « Jamais cependant au détriment de la forme » : pour Laurent Poncelet, le critère de programmation est avant tout artistique, l’origine des spectacles étant diverse : remarqués au Festival d’Avignon ou ailleurs, par le réseau belge notamment, mais aussi pièces co-produites ou accompagnées par les partenaires, sans oublier celles des groupes parrainés par Laurent Poncelet lui-même. Les « Mange cafards » et les « Pas très grands » présentent respectivement cette année Rêve partie et Dans cinq minutes il va pleuvoir en clôture d’un Festival riche de ses couleurs et de ses engagements.
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