Le constat reste inchangé. Lors des dernières Fashion Week, les podiums avaient toujours autant de mannequins squelettiques. Filiformes, certes, mais quasiment anorexiques. Et pourtant, la sonnette d’alarme est tirée en 2006 quand le mannequin brésilien Ana Carolina Reston, âgée de 18 ans, décède à la suite de son extrême maigreur. Son poids de 40 kg pour 1,74m l’a entrainé dans une descente mortelle. Elle est hospitalisée dans un premier temps pour une infection urinaire puis en insuffisance rénale pour ensuite se généraliser. Sa tante a déclaré à la presse : « Elle n’avait aucune résistance et les médicaments ne faisaient plus d’effet en raison de son extrême faiblesse ». Ce décès dû à l’anorexie ébranle le monde de la mode et des mesures sont lentement prises en Europe et le monde.
Interdiction de podium pour les mannequins trop maigres
L’Espagne est l’un des premiers pays à réagir face à ce problème. Seule Leonor Perez Pita, directrice de la Pasarela Cibeles (RDV de la mode à Madrid) a décidé de prendre des mesures. Sa solution ? Peser et interdire de défiler les mannequins dont l’IMC (Indice de masse corporelle) serait inférieur à 18.*
Tout le monde ne voit pas cette décision de bon augure explique Eléanor Perez Pita dans une interview au journal Libération : « Ce qui me chagrine, ce sont les commentaires à travers le monde, disant que Madrid, avec une telle initiative, allait tuer la mode. »
Le constat est le même dans les magazines, la publicité et encore plus sur Internet. La toile devient le vecteur de plus en plus de sites pour pro ana. Pro ana ? Ce terme désigne un mouvement magnifiant l’anorexie et les corps amaigris. Souvent, ce sont des blogs où des conseils pour maigrir sont prodigués. De ce fait, ce « mouvement pro- ana » incitant ouvertement à l’anorexie devient un problème de santé publique. Même si cette maladie s’explique par d’autres facteurs très complexes notamment psychologiques., le gouvernement français veut combattre et dénoncer l’incitation faites dans les médias et sur les podiums.
« Combattre l’incitation à l’anorexie »
Les chiffres sont parlants. Selon un rapport, la France compte entre 30 000 et 40 000 personnes touchées par l’anorexie dont 90 % de femmes. Deux périodes seraient plus propices au déclenchement de la maladie : les 12/13 ans et les 19/ 20 ans.
Ce n’est que ce mois- ci que la proposition de loi visant « à combattre l’incitation à l’anorexie » est présenté en 1ere lecture à l’assemblée nationale. Un projet de loi tardif. Et pourtant ! En janvier 2007, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités sous le gouvernement Chirac, a constitué un groupe de travail « chargé de proposer un « cadre d’engagement collectif et volontaire portant sur la publicité, la mode et l’apparence du corps ». Ce groupe est composé de socio-antrhopologue, experts scientifiques, intellectuels et professionnels de la mode (syndicat d’agence de mannequin, Fédération Française de haute- couture), de la pub et des médias. La réflexion élaborée par ce groupe débouche sur la mise au point d’une Charte du Mannequinat.
Un an plus tard. La France réagit concrètement. Une proposition de loi et une charte (renommée) est signée dans la foulée.
Le 9 avril 2008, la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot- Naquin a signé « la charte sur l’image et le corps ». Cet engagement volontaire est co- signé par le groupe de travail « image du corps » réuni sur cette question en 2007.
Auparavant, Valérie Boyer, députée des Bouches- du- Rhône a rédigé une proposition de loi sur ce phénomène qu’elle a exposé en première lecture à l’Assemblée Nationale le 15 avril dernier. La gauche semble très réticente à cette mesure qu’il juge trop restrictive voire inutile. Reste à savoir si le Sénat va approuver cette loi.
La députée UMP Valérie Boyer souhaite dans sa proposition de loi sanctionner ses incitations sévèrement. Le texte prévoit « deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de provoquer une personne à se priver d’aliments de façon persistante pour maigrir de façon excessive pour agir sur son apparence physique qui pour l’exposer à un danger de mort ou compromettre sa santé ». De plus, les peines encourues lorsque la recherche de la maigreur excessive provoque la mort de la personne est de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Tous sont donc unanimes et dénoncent le pouvoir des médias dans l’incitation à l’anorexie. Quant aux professionnels de la mode, beaucoup ne veulent pas signer cette charte jugeant inutile ces mesures d’interdiction. Toutefois, de grands couturiers comme Jean Paul Gaultier, John Galliano ou Dominique Sirop avaient pris la décision de faire défiler pour les collections Printemps /Eté 2007, des tops aux silhouettes plus rondes. Malgré cette initiative, les collections saisonnières se succèdent et les podiums sont toujours remplis de tops décharnés… .
*Calcul de l’IMC : diviser le poids (en kg) par le carré de la taille (en mètre). L’IMC est considéré normal chez une femme entre 19 et 24.
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