Rugby, éthique en péril

Par le 25 décembre 2007

Au pays du football, l’argent est roi. Cette trop grande omniprésence financière vient pourrir l’esprit sportif. Le rugby, quant à lui, est en train de suivre les traces de son grand frère du ballon rond. A travers l’exemple du Rugby Club Toulonnais, qui évolue en Pro D2, on peut se rendre compte de l’impact grandissant des moyens financiers dans le monde de l’ovalie.

Tana Umaga, désormais manager du RC Toulon

En 2005, après un retour totalement raté en Top 14 (3 victoires en 26 rencontres), le Racing Club de Toulon voit débarquer Mourad Boudjellal, propriétaire des éditions du soleil, pour prendre la tête du club. Un président qui ne vient pas les mains vides mais plutôt les poches pleines. Avec 40 millions de chiffre d’affaire en 2005, cet homme d’affaire fait parti de cette nouvelle vague de conquérants qui viennent investir dans le rugby professionnel français. A l’image d’un Robert Louis-Dreyffus dans le football avec l’Olympique de Marseille, Mourad Boudjellal pense qu’à court terme, les profits sont possibles dans le rugby. « Aujourd’hui non, mais ça doit l’être. C’est mon but de le démontrer », assure-t-il.

Le transfert le plus cher de l’histoire du rugby

Tana Umaga, désormais manager du RC Toulon
Impatient, il s’est donné deux ans pour remonter le RCT dans l’élite, sinon les supporters sont prévenus, il s’en ira. Alors pour le recrutement, il n’hésite pas à sortir son chéquier et à allonger des millions sur la table. L’an dernier, le néo-zélandais Tana Umaga devenait le transfert le plus cher de l’histoire du rugby. Arrivé en cours de saison,
l’ex-black avait eu un impacte immédiat sur le terrain avec 7 victoires d’affilé pour Toulon, qui a manqué de peu la montée en s’inclinant en demi finale de Pro D2.
Cette saison, c’est véritablement une « dream team » qu’ont concocté M. Boudjellal et Umaga, passé manager général de l’équipe. Un recrutement digne des plus grosses cylindrées du Top 14. Au menu, rien que des stars, et non des moindre. Orene Ai’i, joueur de l’année 2005 de rugby à sept, George Gregan, recordman mondial des sélections avec 139 matchs pour l’Australie, Andrew Mehrtens, recordman du nombre de points marqués avec les All Blacks avec 967 points, Anton Oliver, 10 fois capitaine des All Blacks. Puis, en guise de cerise sur le gâteau, la venue en janvier de Victor Matfield, actuel capitaine des Springboks, sacrés Champions du Monde cet été. Victor Matfield, capitaine du XV d'Afrique du sud
Une armada de 43 joueurs, du jamais vu en France. Le pari du président est en passe de se concrétiser puisque Toulon caracole en tête de la Pro D2, et, sauf tremblement de terre, devrait rejoindre l’élite l’an prochain.

Une équipe sans âme ?

Tout ceci n’est pas pour déplaire au public difficile et connaisseur du stade Mayol, qui n’a plus vu son équipe glaner le titre de champion de France depuis 1992 et qui ne serait pas contre un retour du bouclier de Brennus dans la cité varoise. Pour ne rien gâcher, l’équipe propose du beau jeu, des essais et plus de 30 points de moyenne par match. Alors qui va se plaindre ?
Et bien, les présidents des autres clubs et les supporters qui ne voient pas d’un très bon œil cette équipe de stars construite à coup de millions, ce qui va à l’encontre de l’éthique rugbystique. De plus, cela pose également le problème de la formation des jeunes, pourtant excellente en France. En faisant le choix de parier sur des joueurs stars, mais néanmoins vétérans, on est sur de vendre des maillots, mais n’est-ce pas barrer la route aux jeunes et refuser de travailler dans la durée ? N’est-ce pas également condamner les clubs à petit budget et entrainer une politique de la surenchère ?

Nouvelle génération de présidents

Mourad Boudjellal, un président aux poches bien remplies
Un autre club de 2ème division suit l’exemple de Toulon. Le Racing Métro 92 et son président Jacky Lorenzetti ont fait venir David Auradou et Augustine Pichot du Stade français. Sans langue de bois, Mourad Boujellal revendique et assume son image de financier et prône une nouvelle gestion du rugby français.. « Ce n’est pas nécessaire d’avoir été un grand joueur de rugby pour bien gérer un club. Il y a l’ancienne génération de présidents qui portent des chemises à carreaux avec des bretelles et qui font et qui font des festins d’après match. Et les nouveaux présidents, qui sont des managers, des propriétaires. Je suis un président d’une ère nouvelle. Le temps de la consanguinité est en train de se terminer ». L’argent, nouvel arrivant dans le monde du rugby, va à l’encontre de l’éthique de ce sport qui revendique des valeurs saines. L’investissement ne doit pas prendre le pas sur la création et la formation. Le triste exemple du football est là pour nous le rappeler, alors méfiance….

Catégorie(s) :

Vous avez aimé cet article ? Partagez-le !