Christophe Deloire : Le CFJ s’implique

Christophe Deloire est en poste à la tête du CFJ depuis février 2008. Il participe aux tables rondes des Etats généraux de la Presse.

De quelle manière vous êtes vous impliqué dans les États Généraux de la presse ?

Quand les États Généraux de la presse ont été mis en place, c’est naturellement que nous avons participé aux débats.
Certains étudiants de première année participent aux États Généraux, dans le pôle « Industrie de la presse » et sont chargés de réfléchir sur ce projet avorté.

Les États généraux ont été organisés par Nicolas Sarkozy, ce qui provoque la colère de certains journalistes. Qu’en pensez-vous ?

Les États généraux portent surtout sur la situation financière des médias français. La question est de savoir comment on peut faire baisser les coûts de production de la presse française, qui sont les plus forts d’Europe. Je trouve intéressant de se poser cette question, qui est au centre des débats.
En revanche, il serait très étrange que le président s’immisce dans les débats concernant le contenu des journaux (Il y a pourtant une commission, « contenu » au sein des États Généraux. ndlr) Ça, c’est aux journalistes d’en débattre entre eux. Mais je pense vraiment qu’il est bon de se rassembler et de parler ensemble.
Il faut dire que les gens qui participent aux débats sont des gens qui se parlaient déjà auparavant…

Les États généraux peuvent-ils apporter une réponse à la crise que traverse la presse française ?

La crise est double : crise financière, crise de l’offre. J’ai trop entendu à la conférence de Lyon mercredi dernier (mercredi 19 novembre) que la crise était une crise de demande : « c’est la faute de ces méchants Français qui ne lisent pas les journaux !»
Je pense qu’il y a un manque d’originalité de la part des journalistes, on n’ose pas se démarquer, créer d’autres choses.

Comment sont formés les étudiants du CFJ face à ces enjeux?

Je sais qu’on accuse souvent les écoles de journalisme d’être des lieux de formatage mais je ne suis pas d’accord. On apprend à nos étudiants à penser par eux-mêmes, à être indépendants, à avoir l’esprit critique.

Le CFJ est en partenariat avec une école de commerce et de management…

Oui mais ça n’est pas un partenariat économique. Au CFJ, nous pensons que les futurs journalistes doivent connaître le milieu économique dans lequel ils vont s’inscrire. Un journal est aussi une entreprise qui doit faire de l’argent, il faut savoir vendre son produit.
Nos étudiants vont donc prendre des cours de management et de commerce ( sur la base du volontariat) à l’ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris) et les étudiants de l’ESCP viennent prendre des cours de journalisme chez nous.

On sait que les grands industriels de la presse participent aux États généraux, est-ce qu’ils peuvent apporter une solution à la crise financière que traverse la presse ?

On ne sait pas encore sur quoi vont déboucher les États généraux, mais je pense qu’on peut trouver des solutions pour améliorer la situation financière de la presse française. Il faudrait que les groupes de presse se rassemblent pour être plus forts économiquement.
Il faut aussi que le public soit pris en compte dans ces débats.

Vous parlez du public, des citoyens, comment expliquez-vous que les Français s’intéressent si peu aux États généraux ?

C’est normal qu’ils ne s’y intéressent pas, c’est une actualité interprofessionnelle, qui ne concerne que les journalistes. S’il y avait des événements à la Poste, ça serait pareil.

Pourtant les citoyens sont les premiers à lire les journaux, donc les premiers concernés, c’est le cas aussi pour la Poste, les gens s’intéressent à ce qui compose leur vie quotidienne…

Oui mais je pense que c’est normal que les gens ne se passionnent pas pour les États généraux, je pense vraiment que cela concerne le milieu professionnel et pas le public.
Je ne m’étonne pas du manque d’intérêt du public.

Apprentis journalistes, que dîtes-vous ?

Avec la tenue des États Généraux de la presse écrite, les journalistes en herbe sont amenés à songer à leur avenir. Leurs engagements ne sont pas tous égaux : certains ont assisté aux débats, d’autres les commentent et livrent des résumés au public à l’aide de blog ou sur des sites écoles, d’autres enfin ne font rien et s’en défendent.

Des formations variées

Entre les prépas, les grandes écoles, les Universités, les IUT et les IUP, on recense environ 150 formations de journalisme en France . L’offre est certes considérable mais elle répond à une demande extrêmement forte chez les étudiants . Eu égard aux débouchés [[Quelques chiffres sur la presse : En 2007, 1119 candidats pour 135 places au concours commun ESJ, CFJ, IPJ.
2000 nouveaux journalistes reçoivent une carte de presse chaque année. Seul un tiers d’entre eux ont une formation de journaliste. Sur les 5 dernières promotions du CFJ, 25% des élèves ont connu le chômage. 16% d’entre eux déclarent gagner moins de 1200 euros.]] , qui risquent de s’affaiblir un peu plus avec la crise, la réflexion sur la formation menée à l’occasion des états généraux de la presse semblait indispensable. [[Deux formations, souvent très sélectives, sont dites reconnues par la profession : post-bac comme l’IUT de Tours, ou à bac+2 voire bac+3 pour les écoles de journalisme de Lille, Toulouse ou Marseille, le CFJ (Centre de Formation des Journalisme) ou encore le Celsa (Paris). Quatre des douze cursus sont privés. Les formations universitaires sont également nombreuses : quasiment tous les IEP proposent des Masters, tout comme les Universités Paris III ou Montpellier I. Quelques écoles privées non reconnues et souvent onéreuses, viennent compléter le tableau.]]

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Ceux qui y vont…

Deux étudiantes du CFJ participent aux Etats généraux de la Presse. « Nous sommes toutes les deux dans le pôle industrie qui est composé de plusieurs sous-commissions comme « vente au numéro », « fabrication », « publicité »« . Leurs engagements restent limités, elles reconnaissent ne pas apprendre grand-chose sur le métier : « il y a surtout des patrons de presse et des actionnaires, les débats sont très techniques. Il y a beaucoup de blabla… En finalité, la démarche est personnelle. « Nous nous sommes proposées. Il est vrai que c’est surtout une bonne opportunité pour se faire des contacts. »

Ceux qui en parlent…

En tant qu’école partenaire du pôle 1, l’école de journalisme de Science Po Paris s’est engagé depuis le 2 octobre à rendre public et lisibles les débats des Etats généraux. François Mazet et Quentin Girard affectés au groupe de réflexion témoignent : « Nous n’étions donc pas volontaires pour suivre les débats, mais cela s’est révélé très intéressant. Les perspectives d’évolution sont extrêmement pessimistes pour la presse écrite« . En complément de leur site école, ils ont ouverts un blog « pour pouvoir dire « plus », notamment grâce à des participations extérieures. […]Nous, en créant un petit blog, on voulait garder un peu notre travail et tenter, j’écris bien tenter, d’élargir le débat. En interrogeant des blogueurs, des journalistes… » Constatant que le lecteur reste le grand absent des débats des États généraux, ils leur donnent la possibilité de s’exprimer sur leurs blogs. « Ca aurait été moi, j’aurais saupoudré d’un ou deux lecteurs par groupe, histoire de, mais je peux comprendre l’absence. Surtout que chaque lecteur n’est représentatif que de lui-même« . Une forme contestable pour un fond qui ne vaut guère mieux. « Après est-ce que ça va donner des résultats concrets ? On verra. C’est peut-être déjà pas si mal d’avoir mis autour d’une table des interlocuteurs qui se regardent en chiens de faïence. » [[http://sciencespole3.wordpress.com/les-debats/]]

Ceux qui les suivent…

Christophe Ponzio, étudiant en première année à l’IPJ, regrette l’« absence d’une approche plurimédia » et espère que les Etats généraux feront évoluer la presse dans le bon sens: « changement de distribution, davantage d’éthique, etc. Je ne suis pas un pessimiste ! »

Enfin, Elisa Perrigueur, étudiante en première année à l’EJT, dénonce la connivence entre les journalistes et les politiques: « Au sein des Etats généraux, le gouvernement s’est trop impliqué, alors que c’est surtout l’affaire des journalistes, des rédactions, des éditeurs, des diffuseurs. Et puis, ces Etats généraux piétinent, personne n’en parle, et tous les protagonistes du monde de la presse ne sont pas présents (RSF, Mediapart…). »

Elle conclut et s’attaque à l’avenir de la presse : » Pour perdurer, la presse doit d’abord s’attaquer à son lectorat et surtout fidéliser les jeunes, avec qui il y a de réels problèmes de valeur de l’information, surtout avec l’arrivée des gratuits. »