Photographie, 13 000 signatures pour sauver une profession

L’Union des Photographes Créateurs, Freelens, et la Société des auteurs de l’art visuel et de l’image fixe, ont conjointement lancé un appel pour la constitution d’Etats généraux de la photographie. La pétition a été déposée ce mardi 02 février au Ministère de la Culture et de la Communication où une délégation a été reçue.

Depuis des années, la photographie, et notamment la photographie de presse, est en danger. Directement liées à la crise de la presse, les difficultés que rencontrent les photojournalistes sont nombreuses : « les utilisations massives de photos dites « libre de droits », les photographies à « 1 euro », les photographies signées « DR », la baisse générale des tarifs, les contrats de cession de droits ne respectant pas la loi, la remise en cause par les juges de la qualité originale des photographies, la banalisation de la photographie comme un bien de consommation […]. Ces pratiques abusives génèrent une crise économique sans précédent qui met en péril les auteurs photographes et les agences photographiques qui diffusent leurs images. » Le constat énoncé par les professionnels de la photographie est donc bien sombre.

Trois associations professionnelles ont décidé de réagir en lançant une pétition intitulée « Sauvons la photographie » : l’Union des Photographes Créateurs (UPC), Freelens, et la Société des auteurs de l’art visuel et de l’image fixe (SAIF).

L’UPC est une organisation professionnelle de défense des droits des photographes auteurs. Elle étudie notamment les questions sociales, économiques ou encore juridiques, intéressant la profession de photographe auteur. Elle s’attache particulièrement au respect du droit d’auteur, tel que défini par le Code de la Propriété Intellectuelle. Mobilisée, elle a notamment organisé le week end dernier son Congrès 2010 pour étudier les perspectives qui s’offrent à la profession. Cet évènement a donné lieu à la naissance de l’UPP (Union des Photographes Professionnels), sur la base d’une association entre l’UPC et FreeLens. Cette nouvelle entité est la première organisation professionnelle de photographes 100% auteur. Freelens étant une association qui a pour objectif « d’établir et de faire prévaloir, au sein du grand public, de la profession et de ses utilisateurs, une éthique et une déontologie de la photographie d’information« . Enfin, la SAIF est une société civile dont la mission est de percevoir et de répartir les droits des auteurs des arts visuels dans leur ensemble : designers, dessinateurs, graphistes, peintres, photographes, sculpteurs…

Ces professionnels dénoncent l’absence de la photographie aux États généraux de la presse qui se sont déroulés en 2009. C’est d’ailleurs la principale revendication de cette pétition : la constitution d’Etats généraux de la photographie. Ainsi, dans l’édito du quatrième numéro du magazine Polka, Alain Genestar, directeur de la publication, milite pour des Etats généraux de la photographie : « puisque la presse s’est réunie pour trouver des solutions et remèdes à la crise qu’elle traverse, pourquoi ne pas en faire autant pour la photo en réparant « l’oubli » des Etats généraux et en organisant d’autre… mais en toute liberté. C’est à dire : sans la bénédiction préalable du pouvoir, mais sans s’interdire de lui faire part de nos réflexions et de nos propositions puisqu’en France, c’est ainsi et nul n’a envie de s’en plaindre: l’Etat, par sa législation, notamment fiscale, contribue à l’équilibre de la gestion des entreprises de presse. »

La pétition a donc été déposée ce mardi 02 février au Ministère de la Culture et de la Communication. Elle a recueillie 13 000 signatures dont, entre autres, celles des photographes Abbas, Jane Evelyn Atwood, Eliott Erwitt, Sebastiao Salgado, Sabine Weiss, et des politiques Marie-Georges Buffet, Jack Lang et Robert Navarro.

Selon Le Point, l’entourage de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, aurait indiqué que la « prise de conscience des difficultés des photographes est bien réelle et que] leurs sujets de préoccupations seront traités dans le cadre d’une mission de l’Inspection générale des Affaires culturelles« . De même, selon le [Parisien, deux inspecteurs généraux, Michel Balluteau et Marie Bertin se sont vu confier la semaine dernière une mission sur les actions à entreprendre en faveur du photojournalisme.

Nicolas Sarkozy, favorable à un statut d’éditeur de presse en ligne

Ce matin, les traditionnels vœux du Président à la presse se sont déroulés dans une atmosphère lourde. Les conclusions des États Généraux de la presse écrite ont monopolisé le discours. Nicolas Sarkozy annonce un projet sur trois ans, pour moderniser et investir dans le secteur.

Urgences

L’augmentation des frais postaux pour la presse écrite est reportée d’un an. Le manque à gagner sera compensé par l’État. Autre priorité : pour faire face à « l’effondrement des perspectives publicitaires », l’État va doubler ses dépenses de communication orientées vers la presse. « J’espère que personne n’y verra une atteinte à son indépendance » ironise le chef de l’État.

Équité sur le net

Les mesures phares concernant la presse numérique ont été entendues. Un statut d’éditeur de presse en ligne devrait voir le jour, selon les critères présentés par le pôle de Bruno Patino (Pôle Presse et Internet) : « l’exercice d’une mission d’information à titre professionnel à l’égard du public » et « l’emploi régulier de journalistes professionnels ». En outre, les sites d’information auront droit au même régime fiscal que les entreprises de presse traditionnelles. Ils pourront accéder à un taux de TVA réduit, soit 2,1% au lieu des 19,6 % actuels.

Droits d’auteurs

Quant au problème des droits d’auteurs, renforcé par le virage numérique, il devra être « adapté » répond le Président. L’idée est de « remplacer « un droit lié à un support » par « un droit lié à un temps d’exploitation de 24 heures » a-t-il avancé. Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, devrait proposer ces solutions au législateur « dans les meilleurs délais ».

Distribution

L’État va aider le secteur de la distribution par une modernisation des points de vente. Une mission nationale va être mise en oeuvre pour lever les obstacles au développement de ces points. Cela, dans l’objectif de « redonner le goût du métier de diffuseur ». Nicolas Sarkozy prévoit également un « plan massif » de développement du portage. Enfin, le président de la nouvelle Autorité de la Concurrence sera en charge de réfléchir à un changement du Conseil Supérieur des Messageries de la Presse, pour remédier au « risque de diffusion arbitraire ».

Impression

Comme le préconise le Livre Vert, les coûts élevés de l’impression seront réduit de 30 à 40%. Le Président a salué la négociation des partenaires sociaux, en vue de reconvertir les ouvriers en sureffectif. L’État participera aux investissements.

Formation

Dans ce domaine aussi, plusieurs propositions ont été confortées par le chef de l’État. Il s’engage à appuyer « l’axe de la modernisation de la Recherche et de la Formation ». Nicolas Sarkozy a soutenu l’idée d’une Conférence nationale des Métiers du Journalisme, évoquée par Bruno Frappat (Pôle Métiers du Journalisme) et les incite a se réunir rapidement. L’État devrait aussi attribuer des bourses sur critères sociaux pour favoriser une diversité socioculturelle dans les écoles de journalisme.

L’offre

L’État s’engage enfin a financer les innovations éditoriales, pour faire face à la crise de confiance du lectorat. L’idée d’un abonnement gratuit à un quotidien d’information pour les jeunes de 18 ans a été retenue par Nicolas Sarkozy. Il dit avoir été convaincu par l’exemple belge, auquel se référait François Dufour (Pôle Presse et Société).

« Une presse libre, pluraliste et indépendante, c’est l’un des biens les plus précieux de notre démocratie » s’est exclamé Nicolas Sarkozy, en guise de conclusion. Un « Comité consultatif de suivi des États Généraux » constitué par les quatre chefs de pôle, dans un premier temps, devrait poursuivre l’effort, annonce le Président.

Alain Plombat : « Ce sont les éditeurs et les rédacteurs qui doivent gagner la bataille »

Le président du directoire des Journaux du midi (Midi Libre, L’Indépendant, Centre Presse), Alain Plombat, a participé aux Etats généraux de la presse écrite au sein du pôle « Métiers du journalisme ». Après la remise le jeudi 8 Janvier 2009 de 90 recommandations à la Ministre de la culture Christine Albanel, il a accepté de revenir sur sa collaboration à ces Etats généraux et sur la crise de la presse écrite en général.

Concrètement, comment se manifeste la crise pour les Journaux du Midi basés à Montpellier ?

Alain Plombat: Tout d’abord par deux chiffres : 0,90 euro, c’est le prix de vente du Midi Libre et 1,58 euro, c’est ce qu’il nous coûte après avoir payé le papier, l’imprimeur, le transport, les journalistes, le personnel administratif… Heureusement, nous sommes dans un équilibre que je qualifierais de vertueux dans la mesure où 60% du chiffre d’affaires vient de la diffusion et 40% de la publicité. Je dis vertueux car chez certains confrères, le rapport est inversé. Or, étant donné la crise de la demande publicitaire, les conséquences financières sont plus importantes pour d’autres. Car avec la fragmentation de l’audience des médias entre la télé, la radio, la presse écrite, internet et aujourd’hui les portables, le gâteau publicitaire est de plus en plus partagé. Mais les Journaux du midi vont bien. C’est dur, mais ils vont bien.

« Les débats ont été très libres, et même âpres »

Pourquoi avoir participé aux états généraux de la presse ?

A.P: Parce que je trouve stupide la politique de la chaise vide. Devant l’inertie générale face à la crise, il y avait deux solutions : soit dire « j’ai pas envie d’en entendre parler », soit décider de se mettre autour de la table. La deuxième option m’a semblé plus judicieuse, même si c’est dommage que l’initiative vienne du Président de la République Nicolas Sarkozy. Quoiqu’il en soit je peux vous dire que les débats ont été très libres et même parfois âpres. Et cela a abouti sur des propositions concrètes, comme les allègements fiscaux ou la baisse des tarifs postaux, qui peuvent constituer une bouffée d’oxygène pour la presse écrite.

Vous étiez membre du groupe de travail sur la formation des journalistes. Qu’en est-il ressorti ?

A.P: Nous nous sommes penchés sur la question de savoir comment former nos journalistes pour répondre aux attentes des lecteurs. Une vraie réflexion est à mettre en place avec chaque année une réunion entre les formateurs et les éditeurs, une sorte de conseil pédagogique pour que les premiers puissent répondre aux besoins des seconds. Par exemple, si à un moments donné, les journaux ont plus besoin de faits diversiers, les écoles devraient cibler leur formation sur ce type de journalisme. Ainsi, les jeunes diplômés trouveraient plus facilement du travail. D’autre part, nous avons recommandé une formation continue obligatoire après trois ans de métier pour tous ceux qui n’ont pas été formés à devenir journaliste, formation à laquelle les autres auraient également accès. L’idée d’une plate-forme financière commune à toutes les écoles a également était lancé avec la mise à disposition d’une structure qui pourrait par exemple se matérialiser par un laboratoire technique, un outil de travail performant pour les élèves. Quant au projet de regroupement des écoles de journalisme, il n’a finalement pas été retenu.

« L’indépendance elle est dans la pratique, il faut arrêter de fantasmer »

Le Forum des sociétés de journalistes regrette que les états généraux de la presse « soient passés à côté de la question essentielle de l’indépendance des journalistes et des rédactions ». Partagez-vous cet avis ?

A.P: Non. Nous préconisons la rédaction d’un code déontologique, une modernisation des textes encadrant la profession et la constitution de chartes éditoriales annexées aux contrats de travail et rendues publiques. Ca c’est une vraie garantie de l’indépendance des journalistes. L’indépendance elle est dans la pratique, il faut arrêter de fantasmer. Moi, je ne suis pas du tout lié à Sarkozy. N’oubliez pas qu’on parle de la presse écrite, pas de TF1 et de son ami Bouygues.

Sur quoi peuvent aboutir les recommandations du Livre vert remis à Christine Albanel ?

A.P: Il y a d’abord les mesures d’urgence comme le moratoire sur la hausse des tarifs postaux et l’exonération temporaire d’une partie des charges sociales des diffuseurs. Celles-ci peuvent réellement permettre, financièrement, d’alléger le malaise. L’argent dégagé devra servir à l’investissement et la recherche, car il est temps que les quotidiens arrêtent de vivre au jour le jour et anticipent enfin sur ce que sera la presse de demain. Car ce ne sont pas les Etats généraux qui vont sauver la presse, ce sont les éditeurs et les rédacteurs qui doivent gagner la bataille. Nous avons notre destin entre nos mains.

Le Livre Vert : un espoir pour la presse écrite ?

Après plus de deux mois de réflexion autour de la presse écrite dans le cadre des États Généraux, 90 recommandations ont été rendues publiques. Le 8 janvier 2009, le Livre Vert de la presse écrite a été remis entre les mains de Christine Albanel, ministre de la culture. Une œuvre collective qui présente, au sein de ses quatre pôles de discussions les mesures les plus adaptées, quelles soient urgentes ou à méditer. En attendant que Nicolas Sarkozy donne la couleur définitive à toutes ces propositions le 23 janvier prochain, l’heure est au bilan.

Former des journalistes plus informés

Les propositions du pôle de réflexion sur les métiers du journalisme s’articulent autour de deux points essentiels: la formation et les droits et devoirs des journalistes.
Concernant les formations au métier de journaliste, l’accent est comme prévu mis sur la formation continue. En effet, assurer une formation à ceux qui n’auraient pas bénéficié d’une formation initiale par un organisme reconnu paraît essentiel. Ainsi, chaque journaliste doit être en mesure dans les trois premières années d’exercice d’accéder à une formation qualifiante. Un aspect déterminant pour la qualité de l’information et le respect des règles du métier de journaliste.

Du côté des filières de journalisme reconnues, un appel à des règles plus strictes est clairement formulé afin d’en limiter le nombre et d’en garantir la qualité. Les organismes reconnus qui sont au nombre de 12 actuellement ne devraient donc pas augmenter mais se diversifier. En effet, devant l’insuffisance de diversité au sein des écoles et organismes concernés, deux mesures visent à changer la donne. D’une part, la mise en place de bourses établies sur critères sociaux est proposée ainsi que la suppression des lourdeurs administratives.

Afin de pallier le manque de chiffres et de réflexion en matière de presse écrite, le groupe propose aussi de développer la recherche, élément indispensable à la compréhension du métier et de son évolution. L’observatoire des métiers de la presse pourrait ainsi la prendre en charge. Une salle de « rédaction du futur » commune à tous les organismes reconnues est également soumise.

Le deuxième thème évoque les droits et devoirs du journaliste. Plus que de proposer l’élaboration d’un code déontologique qui serait confié à un groupe de « sages », son inscription dans la convention collective est fortement incitée. Dans le souci de clarifier les règles et valeurs du métier, le groupe propose également d’intégrer des chartes éditoriales au contrat de travail. Celles-ci rendues publiques susciteraient ainsi une plus grande communication entre les organes de presse et le lectorat.
Devant la multiplication des supports, le problème des droits d’auteur est toujours plus actuel mais reste complexe. La cession des droits pour la publication peut se réaliser sur différents supports sous conditions. Ce point est précisé au sein des propositions du groupe 3.

Enfin, souhaitant perpétuer les discussions engagées lors de États généraux de la presse, le groupe de réflexion propose de créer un comité national du journalisme. Une initiative qui donnerait la possibilité de poursuivre les débats autour du métiers et de garantir un échange entre tous les acteurs du métier.

Refonder le modèle économique.

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Les conclusions du pôle 2, autour du processus industriel de la presse écrite, apparaissent beaucoup plus tranchantes. Afin de limiter les coûts d’impression, véritable plaie pour la presse papier, le groupe présidé par Arnaud de Puyfontaine souhaite repenser le modèle économique. Ainsi, dans le but d’améliorer les rendements, le groupe prévoit toute une partie de mesures techniques comme par exemple l’utilisation plus efficace des rotatives.

Pour répondre à la crise des ventes de journaux, on appelle ensuite à une plus grande liberté en matière de distribution. Plus qu’encourager le développement du nombre de points de vente, c’est une plus grande liberté de choix qui est avancée. En effet, la possibilité pour les acteurs concernés de choisir les titres et le nombre est proposé. Dans le même sens, une plus grande légèreté en matière de règles d’autorisation favoriserait la réouverture de kiosques à journaux.

Autant de mesures qui avec le portage, garantiraient une plus grande visibilité des journaux papiers. La baisse des coûts d’abonnements permettraient, elle aussi, d’encourager les ventes. Pour rendre effective ces changements, le groupe insiste sur le fait qu’un échange avec les organismes postaux est indispensable.
Enfin, une des mesures phares concerne l’État et son implication envers les Médias. Une participation étatique couplée à toutes ces propositions semble essentielle pour juguler la crise auquel la presse écrite est confrontée. Conformément à cette idée, le groupe indique par exemple la possibilité de transférer les bénéfices de la publicité de l’État vers les Médias.

Soutenir la presse numérique

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Le groupe « Presse et Internet » présidé par Bruno Patino, entendait proposer des modèles pour préserver la presse écrite du « choc internet ». Les recommandations de ce pôle visent pourtant avant tout le développement du journalisme « on line ». On veut « adapter » le fameux régime des Droits d’auteur, qui donnait droit à une rémunération du journaliste pour chaque support sur lequel son article était publié : afin de faciliter la circulation de l’information au sein des différents médias d’un même groupe, on recommande donc « la cession automatique à l’intérieur d’un groupe et la neutralité du support ». Les membres de la commission considèrent qu’une loi devrait entériner ce système, pour que le passage du papier au numérique soit facilité. Le pôle 3 évoque ensuite un plan de formation « journaliste-plurimédia » visant à garantir leur « polyvalence et leur employabilité », nécessaire sur un support aussi riche que le net.

Enfin, deux préconisations cherchent des solutions pour abreuver financièrement les médias numériques. Il est d’abord proposé d’intégrer les investissements numériques dans le fonds de modernisation de la presse, un outil créé en 1998 qui accorde des subventions aux entreprises de presse pour la réalisation de projets de modernisation. On veut ensuite « réformer le dispositif du crédit- impôt recherche en l’étendant aux investissements numériques des médias ». Cette mesure fiscale permet de soutenir les entreprises dans leur développement. Ouvrir son accès au net encouragerait le secteur de la presse à faire des efforts pour tendre vers une numérisation progressive.

Garantir le pluralisme et la qualité de l’information

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Le pôle « presse et société », touche probablement le domaine le plus sensible de ces États Généraux de la presse écrite. Comment défendre le pluralisme, améliorer le contenu des publications et rétablir un climat de confiance entre lecteurs et journalistes, tout en développant des entreprises de presse plus fortes ? Une équation d’autant plus délicate, qu’elle doit être accompagnée d’un rajeunissement du lectorat.
Point le plus controversé des discussions : la question de la concentration et de la création de grands groupes multimédias français. Un dossier clairement défendu par Nicolas Sarkozy le 2 octobre dernier lors de l’inauguration des États Généraux, auquel l’équipe dirigée par François Dufour a répondu par la négative. Elle recommande d’encourager « la création d’entreprise plutôt que la concentration pour créer de nouveaux titres ». Un camouflet pour le Président, une victoire pour le pluralisme en France.

Ce même groupe provoque également la polémique en préconisant de réduire les bénéficiaires de la TVA spéciale de 2,1% à la seule presse d’information politique et générale (IPG). Une décision acceptée une courte majorité provocant la colère de la presse de loisir qui verrait sa propre TVA augmenter à 5,5%. Dans un contexte de crise généralisée, ce choix inquiète particulièrement la presse magazine qui redoute de voir ses frais de diffusion augmenter. Le groupe de travail justifie pourtant cette initiative par les 100 millions d’euros annuel dégagé grâce à une telle réforme. Des fonds destinés à financer les recommandations du livre vert, par exemple, les exonérations fiscales prévues pour favoriser la création de nouvelles entreprises de presse.

Moins polémiques, plusieurs autres mesures-phares ont par ailleurs été dégagées au terme des débats. Afin de rétablir la confiance des lecteurs, le pôle 4 propose lui aussi d’établir des règles éthiques claires en annexant une charte déontologique à la convention collective des journalistes. Il se montre également en faveur de la création d’un Observatoire des pratiques de la presse (OPP) chargé de publier un rapport annuel sur l’état de la presse en France. En ce qui concerne l’âge du lectorat, outre favoriser la lecture de la presse dès l’école élémentaire, il est proposé de créé un « journaliste ambassadeur de moins de 25 ans ». Présent dans toutes les rédactions IPG, cet ambassadeur est chargé de proposer « des contenus intéressant pour les jeunes et d’orienter le traitement des sujets avec un angle « jeune » ». Une spécialisation «journalisme jeunesse» est par ailleurs envisagée dans les écoles. Enfin pour améliorer les contenus, les hommes de François Dufour proposent de favoriser « le journalisme debout » en réduisant les charges patronales pour les journalistes de terrain. Une recommandation vouée à promouvoir les enquêtes approfondies et les reportages. Est également évoquée, la possibilité de créer un prix Pulitzer à la française avec des catégories alignées sur le modèle américain. Objectif : motiver les professionnels à produire un journalisme de qualité.

« On aura toujours besoin de journalistes »

Le 29 Septembre 2008, lors de la rentrée du Master 2 Métiers du Journalisme de l’Université Montpellier I, Alain Plombat s’était exprimé sur la crise profonde que traverse la presse actuellement. A l’occasion du dossier de Hautcourant sur les États Généraux de la Presse, nous revenons sur cette intervention au cours de laquelle il avait tour à tour évoqué la presse gratuite, les dérives de l’emballement médiatique et l’inévitable réinvention du métier de journaliste.

Alain Plombat refuse de diaboliser une presse gratuite qui selon lui a le mérite de confronter les jeunes générations à la presse écrite. Il met cependant en exergue le risque de travestir les évènements dans une logique purement marchande.

Face au « tout média », où chacun peut se prétendre journaliste, la profession ne doit pas tomber dans le spectaculaire mais au contraire analyser, informer et instruire.

Dans la crise actuelle, le salut du journalisme passe, selon Alain Plombat, par une réinvention de la profession qui pourrait se traduire par un nouveau modèle économique, affranchi de la publicité.

Les États Généraux de la presse font couler beaucoup d’encre

L’idée des États Généraux est bonne mais sa pratique laisse à désirer, voici ce qui ressort de la plupart des papiers publiés sur le sujet. Sorte de confession publique de l’état de la presse et du besoin de changer les choses, le président de la République a souhaité « sauver la presse » en désignant des patrons de presse comme animateurs de groupe de réflexion sur le métier de journaliste.

Dans son discours d’inauguration des États Généraux de la presse, le 2 octobre 2008, le président Nicolas Sarkozy, a déclaré: « Je ne veux en aucun cas que l’État décide à votre place, choisisse à la place de vos entreprises de presse. Il ne le pourrait d’ailleurs pas. Au contraire, j’ai souhaité que des états généraux associent l’ensemble des acteurs concernés dans une volonté commune de partager un diagnostic et de dégager des solutions. Je me réjouis de voir que c’est bien ainsi qu’ils ont été accueillis. »

Des animateurs pas comme les autres

Le chef de l’État se soucie des problèmes qui touchent la presse. Pourtant, celui-ci n’a pas convié des journalistes, des lecteurs ou des rédacteurs en chef de la presse écrite et audiovisuelle à animer les débats, mais seulement des patrons de presse. Heureux de contribuer au changement du paysage des médias français, Bruno Frappat (président du directoire du groupe Bayard), Arnaud de Puyfontaine (senior advisor du groupe Mondadori), Bruno Patino (ancien patron de Télérama et directeur de France Culture) et François Dufour (président du groupe de presse enfantine Play Bac) ont tenu à « sauver la presse ».

En rang serré, chacun d’eux anime un atelier de travail visant à se questionner sur l’avenir des métiers du journalisme (M. Frappat), le processus industriel de la presse (M. De Puyfontaine), la presse dans l’ère du numérique (M. Patino) et les rapports entre presse et société (M. Dufour). Ces thèmes sont ambitieux et importants dans le monde journalistique. Mais ne faudrait-il pas un atelier sur la crise de confiance des français envers leur presse? La Fédération Européenne des Journalistes présidée par Arne König indique que « Nous attirons l’attention des participants sur les risques que soulèvent certaine propositions, alors que le journalisme traverse une crise d’identité avec la banalisation des blogs et du contenu généré par les utilisateurs. Le journalisme de qualité en France est en jeu. »

Le monopole des grands groupes de presse

Cependant comme l’explique Rue89, le but non caché de Nicolas Sarkozy est de « voir émerger de ce « Grenelle » de la presse de grands groupes de média français, de taille européenne, susceptibles de concurrencer les « anglo-saxons » ». Daniel Schneidermann ajoute que le président français veut « favoriser l’émergence de grands groupes de presse au bénéfice de ses amis personnels et politiques qui détiennent déjà les conglomérats audiovisuels ». Dans son discours, le Président ne trouve pas que la concentration des médias soit « incompatible avec la protection du pluralisme ». Ce dernier appelle également la France à se « documenter sur le secteur de la presse dans les pays qui sont comparables ». Dans son communiqué du 6 octobre 2008, la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ) répond à ces propos : « Même si aucune réglementation européenne ne le prévoit, il existe des limites à la concentration de la propriété, selon différents critères de marché, d’audience ou de publicité, dans plusieurs pays d’Europe ».

Depuis le lancement des États Généraux beaucoup d’encre à couler, Rue89 se désole de voir « la diabolisation d’Internet » qui semble être le nouvel outil de travail des journalistes. De son côté le Syndicat des Journalistes-CGT considère dans un communiqué de presse, qu’au vu des animateurs des quatre groupes de travail, « ces États généraux ne sont qu’une opération de pure mystification ». Conscients du besoin d’avoir des États Généraux de la presse, le SNJ-CGT s’indigne de voir le détournement fait par la présidence pour conforter la position des patrons de presse français.

Le journaliste de Marianne 2 Régis Soubrouillard constate que le chef de l’État n’a pas pris en compte «  les questions de fonds : à savoir l’indigence éditoriale de certains titres, une presse largement suiviste dans les grands médias, la perte de crédibilité des journalistes éduqués le plus souvent sur les mêmes bancs que les élites du pays, la mise en scène et la mauvaise hiérarchisation des informations, le permanent soupçon de collusion de cette profession vis à vis des puissants, la proximité avec l’univers de la communication, enfin une incapacité au retour critique sur soi. »

Dans une chronique pour Libération datée du 27 octobre 2008, Daniel Schneidermann conclut ironiquement : « Convoquer des États Généraux de la presse écrite à l’abri des journalistes, et des lecteurs (grand oublié de ce « Grenelle » de la presse), est une démarche qui a sa logique. Si les États Généraux de 1789 s’étaient tenus en présence de la seule noblesse, à l’exclusion du clergé et du tiers, nul doute qu’ils eussent été nettement plus paisibles. Mais sans doute moins efficaces. »

D’autres grondent

La polémique gronde également dans le milieu des chercheurs à l’image de Jean Marie Charon, spécialiste des médias, sociologue et chercheur au CNRS. Il répond aux questions de Thierry Leclère pour Télérama, le 18 octobre. Le sociologue émet des doutes vis-à-vis des conséquences de ces États généraux mais ne conteste pas le fait qu’il en fallait. « Cette idée qu’on va résoudre la crise de la presse en dotant la France de grands groupes est inutile et dangereuse. Elle va augmenter le doute dans l’esprit du public, qui est déjà très sceptique sur l’indépendance et la liberté de la presse. C’est ce qui me rend très dubitatif sur ces États généraux de la presse, même si de bonnes questions, par ailleurs, sont soulevées, comme les coûts de fabrication et de distribution des journaux. »

Par ailleurs, Jean-Michel Dumay, qui préside le Forum des sociétés de journalistes s’indigne: « Tout est opaque, dans ces États Généraux. On ne nous permet pas de venir. Ni nous, ni d’ailleurs tous ceux qui, depuis deux ou trois ans, participent à ce bouillonnement de réflexions sur notre métier : le collectif Ça presse, Jérôme Bouvier, l’initiateur des Assises du Journalisme ou encore l’association de préfiguration d’un conseil de presse. Le public n’est pas non plus associé. On ne sait pas qui participe aux ateliers, quand ils ont lieu. Les travaux doivent rester secrets… alors que la presse est par définition le lieu de la transparence et de l’indépendance. Cette opacité pose un vrai problème. Je crains que ces pseudo-États Généraux n’aboutissent à un énième rapport. Il y a tromperie sur l’intitulé. »[[Cf. « Les journalistes indésirables aux États généraux de la presse ? », Télérama, 18 octobre 2008]]

Cela ne présage rien de bon pour le métier qui va devoir, à la fin de ces États Généraux, faire face à de nouvelles règles émises non pas par les intéressés mais par les financiers.

La question est posée par Rue89: « Était-ce au Président d’organiser cet exercice? » Voilà peut être le fond du problème, la refonte des médias par une instance publique, le métier de journaliste serait-il un service public et non un contre pouvoir?

Tous concernés : décryptage et réactions

Les « États Généraux de la presse écrite » ont été ouverts lundi 2 octobre par le Président de la République Nicolas Sarkozy, afin de «favoriser l’adaptation de la presse à son nouvel environnement dans un contexte incertain, qui évolue à toute allure, pour que notre presse reste vivante, pluraliste, indépendante».

Cela fait quelques semaines que les quatre commissions se réunissent régulièrement en vue de formuler des réponses à chacune des interrogations suivantes : Quel avenir pour les métiers du journalisme ? Comment régénérer le processus industriel de la presse écrite ? Quels modèles pour la presse écrite après le choc d’Internet ? Comment répondre aux attentes des lecteurs et des citoyens ?
Un site Internet directement rattaché à celui de l’Élysée reflète l’opacité du débat tandis que la presse, pourtant directement concernée, ne lui accorde qu’une très modeste couverture. Résultat : ceux à qui elle se destine, et qui seront donc les premiers touchés par les réformes entreprises, c’est-à-dire les lecteurs, ignorent la tenue de ce « grenelle », ou si par miracle ils en ont vaguement entendu parler, ils n’en connaissent ni les tenants ni les aboutissants.

On observe un manque d’intérêt et de pugnacité d’une profession au sujet de laquelle tout le monde s’accorde pourtant à dire qu’elle est gage de démocratie.
L’enjeu ne serait-il pas si fondamental ?
Il ne faut pas ignorer que les rapports Montaigne et Giazzi, dont s’inspire largement l’Élysée, prônent la mise en place d’un véritable Plan Marshall visant à distiller une aide temporaire massive de l’État dans la presse. Mais à terme, il s’agit de laisser la Presse obéir aux seules lois du Marché. Pour assurer sa survie dans la jungle de la concurrence mondiale, on va donc chercher à créer ou renforcer de grands groupes plurimédias. Et pour faciliter la création ou la restructuration de ces « superstructures », on invoque la nécessité d’abolir la clause de conscience, disposition législative protégeant le journaliste lorsque celui-ci voit son journal racheté par un actionnaire qui voudrait en modifier la ligne éditoriale. Enfin, pour permettre une meilleure circulation de l’information au sein de ces groupes, on envisage d’abolir les droits d’auteur, et de compenser la perte de ce revenu supplémentaire par une augmentation de salaire dans le contrat de travail du journaliste salarié.

Foncièrement, la presse a besoin de fortifier ses fondations. L’incapacité de ses différents acteurs à se réunir pour prendre le problème à bras le corps a conduit le Président de la République à prendre les devants. Ayant vu les répercussions de ses déclarations chocs au sujet de la réforme de l’audiovisuel public, Nicolas Sarkozy a retenu les leçons d’une communication trop franche et directe et préfère œuvrer discrètement pour accroître une influence déjà forte dans le domaine de la presse écrite. Tellement discrètement que personne ne semble s’offusquer que des rapports citant en exemple Berlusconi puissent ouvertement affirmer que «la concentration est un gage de pluralisme». On entend notamment réformer l’ordonnance de 1944 qui instaure un dispositif anti-concentration qui interdit à une même personne, physique ou morale, de détenir plus de deux médias sur trois (presse écrite, TV, radio) à compter d’une certaine audience. Il faut avoir en tête que de nombreux titres de presse en France sont déjà détenus par des grands patrons comme Bernard Arnault ou encore Serge Dassault. Qu’en sera t-il une fois que les dernières barrières législatives seront levées ?

C’est au vu du flou ambiant et de l’absence de communication et d’information sur l’avancée des débats et leurs conséquences futures que l’équipe de Haut Courant s’est lancée dans l’élaboration de ce dossier, sans néanmoins prétendre à une exhaustivité impossible.

Vous y trouverez un éclairage sur différents domaines touchés par les États Généraux de la presse :

Un état des lieux dans la rubrique Décryptage

 Pourquoi est-ce que l’organisation de ces États Généraux peut porter à polémique ?

 Quel est le rôle d’internet dans le paysage audiovisuel actuel ?

 Que se passe-t-il dans la Blogosphère ?

 Quelle est la place du lecteur dans ces États Généraux ?

  Où se situent les éditeurs de presse dans ces discussions ?

Les réponses de différents acteurs dans la rubrique Réactions

 Journalistes comme François Sergent, Claude Droussent ou Claude Soula

 Blogueurs comme Guy Birenbaum

 Universitaires comme Françis Balle ou Jean-Marie Charon

  Journalistes en devenir

 Directeurs des écoles de journalisme comme Christophe Deloire du Centre de Formation des Journalistes de Paris et Daniel Deloit de l’école Supérieur de Journalisme de Lille

  Lecteurs

 Compte-rendu des contre États Généraux organisés par Mediapart et Reporters Sans Frontières, accompagné d’interviews de [ François Bonnet

 >http://www.hautcourant.com/Un-enorme-simulacre-de-l-Elysee,564?var_mode=calcul], directeur éditorial de Mediapart, et de Jean-François Julliard, secrétaire général de RSF.

Mais aussi une analyse de l’état de la presse à l’étranger (en Allemagne, aux États Unis), une analyse de l’état de la presse sportive

Les conclusions des discussions dans le Livre Vert publié le 8 janvier 2009.

Les conclusions de Nicolas Sarkozy, le 23 janvier 2009.

Jean-Pierre Grand: « L’affaire Filippis est le symbole des dérives de la presse »

Jean-Pierre Grand, député UMP et maire de Castelnau-le-Lez (Hérault), est l’un des premiers parlementaires à s’être indigné de l’interpellation musclée de l’ancien directeur de publication de « Libération », Vittorio de Filippis le 28 novembre 2008. Le motif ? Une plainte en diffamation datant de 2007 concernant un commentaire d’internaute sur le site du journal.
Interrogé à ce sujet, l’élu nous livre sa position sur l’évolution de la presse.

Jean-Pierre Grand dénonce la disproportion des moyens employés lors de l’arrestation, une dérive. Alors que les ministres de la Justice et de l’Intérieur défendaient la régularité de la procédure, Nicolas Sarkozy a exprimé « son émoi ». M. Grand estime que son intervention à l’assemblée nationale [[le 1er décembre, « Je considère aujourd’hui que, dans notre démocratie, on a le de voir absolu de préserver la liberté de la presse »]] n’est pas étrangère à cette rectification.

Se référant certainement à Serge Dassault, il pose la question de l’indépendance des titres.
Il préconise une aide publique « plus forte » pour pallier la capitalisation « embarrassante » des journaux.
Il n’hésite à faire appel à la mémoire collective pour rappeler que le secret des sources est un enjeu à part entière.

Le député villepiniste exprime ses réserves quant aux initiatives de Nicolas Sarkozy : réforme de l’audiovisuel et États Généraux de la Presse.

Presse sportive : l’exception qui confirme la règle

La situation de la presse sportive en France nécessite une analyse plus en profondeur, en raison de son caractère de phénomène social.

Le retour du café du commerce

La crise que traverse la presse française est multi-factorielle. La baisse du pouvoir d’achat additionnée à l’explosion de l’internet favorisent cette déperdition d’intérêt, tant pour la Presse Quotidienne Régionale que pour la Presse Quotidienne Nationale. Outre ce versant économique, la presse écrite généraliste souffre d’un malaise plus profond. La perte de confiance dans la politique, devenue spectacle aussi bien au niveau national qu’international, et dans les politiques, qui perdent peu à peu toute crédibilité, sont autant de raisons à une crise latente.
C’est là que la presse sportive tire son épingle du jeu, car même si internet et la récession ont sur elle des effets négatifs, elle ne subit pas la perte d’intérêt des français dans la chose publique. Les valeurs sportives sont encore (mais pour combien de temps ?) éloignées du jeu politique qui semble lasser les français. En sport la polémique est ailleurs, plus humaine, plus proche des gens. C’est le retour en grâce du café du commerce. Les quotidiens sportifs ont d’ailleurs un style beaucoup plus proche du modèle anglo-saxon, basé sur les faits et rien que les faits, et qui connaît un succès non démenti à l’étranger. Ils transmettent des informations qui permettent de créer et d’entretenir un lien social, une communauté. Pour preuve d’ailleurs l’importance du sport local dans la PQR.

L’opium du peuple

Le sport est partout de nos jours, et au moins aussi important que la politique pour une majorité de la masse populaire. Les sportifs jouissent d’une aura bien supérieure à celle des personnages politiques. Ils sont connus et reconnus. Cette « addiction » est relayée tout au long de l’année par des évènements sportifs allant du local à l’international (du championnat de foot du canton aux Jeux Olympiques).
On est loin de l’époque où la religion était l’opium du peuple. Fort de ces arguments, il est intéressant de s’interroger sur le fait que les deux nouveaux quotidiens ne profitent que peu de l’impact de la crise sur l’Équipe. Pourtant la réponse coule de source. Elle n’est pas à chercher en profondeur, dans une contre-analyse de ce qui a été dit précédemment. Il semble tout simplement que Le 10 Sport et Aujourd’hui Sport se sont beaucoup trop appuyés sur les prévisions positives d’un marché ouvert et ont totalement oublié que la qualité faisait partie des conditions sine-qua-none au succès d’un quotidien ; soit-il sportif. Au final, pourquoi payer pour un journal dont le contenu s’apparente à celui d’un gratuit ? Si la presse sportive est moins touchée par la crise, à elle d’en profiter pour passer au niveau supérieur et ne pas se reposer sur des lauriers que l’on sait vénéneux…

Claude Soula : « On est dans le pragmatisme sarkozien »

Rencontre avec Claude Soula, journaliste blogueur sur les médias au Nouvelobs.com. Deux mois après le lancement des États Généraux, il considère que cette initiative peut être utile mais reste encore floue.

Après des études en commerce, Claude Soula intègre le service économique du journal Libération, où il restera de 1985 à 1990. Il entre ensuite au Nouvel Observateur où il est actuellement grand reporter au service économique.

Quelle est la position du Nouvel Observateur vis-à-vis des États Généraux de la presse ?

Denis Olivennes, le directeur de la publication, a refusé de participer aux groupes de travail. L’Élysée lui avait proposé mais pour lui ces États Généraux sont une manipulation dont les résultats sont connus d’avance. Toutefois, certains journalistes du groupe comme Vincent Beaufils, le directeur de la rédaction de Challenges, contribuent aux travaux. Il n’y a donc pas de consensus au sein des journalistes du groupe.

Les controverses au sujet de l’organisation sont-elles justifiées ?

On est dans le pragmatisme sarkozien. Une fois de plus, le président est à l’initiative de ce projet. Je vous avoue que le jour de l’ouverture des États Généraux j’étais mal à l’aise quand j’ai vu tous les journalistes à l’Élysée écouter le chef de l’État s’exprimer au sujet de la crise de la presse. Est-ce vraiment le rôle du pouvoir présidentiel de la sauver ? Je ne crois pas. J’aurai été moins sceptique si cela avait été organisé par les directeurs de journaux. Si ces travaux contribuent seulement à déréguler davantage comme le voudraient certains groupes, par exemple Lagardère, il n’y aura pas de réponses aux problèmes de la presse. Si par contre des solutions émergent, tant mieux. C’est peut-être le seul moyen de la réformer.

Quand on parle de la crise de la presse, on pense à l’aspect économique. La presse française ne souffre-t-elle pas aussi d’autres maux ?

La connivence est un des problèmes de la presse dans notre pays. Elle a été évoquée pendant les États Généraux mais ce n’est pas une des problématiques essentielles. Néanmoins, il est vrai qu’Alain Minc, conseiller de grands patrons et de Nicolas Sarkozy], tout comme Serge Dassault ou bien Arnaud Lagardère sont proches du pouvoir et savent faire passer leurs idées. Le but de ces États Généraux c’est de constituer des grands groupes de presse. La loi anticoncentration est au centre de toutes les discussions. Elle a été créée à l’époque où il n’y avait que cinq chaînes et où le risque qu’un seul groupe détienne tous les marchés était possible. Mais aujourd’hui est-elle aussi importante ? Sur le fond, la concentration fait moins peur quand on voit que des millions de sites ne sont pas contrôlés. Il n’empêche que le poids excessif de ces grands groupes multimédias pèse sur la presse française.