«Monsieur Climent est venu me voir pour faire valoir ses droits, en dernier recours au niveau européen », relate Me Nicolas Gallon, son avocat montpelliérain. Ce juriste de 31 ans va désormais pouvoir jouer dans la cour des grands. L’adversaire ne sera plus la Sacem ou la SDRM, des organismes de gestion collective des droits, mais l’État français. Pour cela, son argumentation est bien préparée. « Dans ce cas, il existe plusieurs violations de la convention de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La première concerne le fait que la loi pénale n’est pas rétroactive, elle joue pour l’avenir. »
Entre 2003 et 2005, James Climent a téléchargé illégalement pas moins de 13 788 fichiers, en majorité musicaux, qu’il a ensuite partagés. Repéré le 12 juillet 2005 par un agent assermenté de la Culture, les gendarmes sont venus confisquer son ordinateur et son disque dur. « Or, mon client ne pouvait pas avoir connaissance de son illégalité puisqu’il n’existait pas à l’époque de texte précis qui condamnait son action », explique l’avocat. Il faut en effet attendre mai 2006 pour la décision du tribunal de grande instance de Paris et une loi en août qui entérine ce jugement.
L’autre argument fort de Me Gallon concerne la double peine : « Nul ne peut être puni deux fois pour le même fait. » La première partie civile au procès de James Climent a été la Sacem. Le 7 août 2007, elle obtient gain de cause auprès du tribunal correctionnel de Nîmes. « Ce n’est qu’après que la SDRM entre en scène », poursuit l’avocat. Non satisfaits de la condamnation, les deux organismes font appel. En mai 2008 puis en juin 2009, le juge décide de les dédommager à hauteur de 10 000 €. Et l’arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2010 ne donne toujours pas raison à James Climent.
Ce que Me Gallon conteste : « La Sacem et la SDRM n’ont jamais démontré que les fichiers musicaux téléchargés relevaient de leur répertoire : elles ne sont pas forcément titulaires des droits. C’est ce que je dirai devant la Cour Européenne. »
« 20 000€ pour un RMIste, c’est énorme ! »
Selon l’avocat ainsi que d’autres soutiens, les sommes demandées sont disproportionnées. « 20 000 € pour un RMIste, c’est énorme ! », s’exclame Paul Da Silva, président du Parti Pirate français. Et le juriste de rajouter : « Un internaute sur deux télécharge de manière illégale. Faut-il tous les condamner ? » James Climent a voulu faire de son procès un moment de débat. Tant dans son cas que dans celui des prochaines victimes d’Hadopi, les autorités sont en décalage avec un phénomène social. « Répondre par la répression à une nouvelle pratique ne semble pas adapté », considère Me Gallon.
Dans ce combat à la fois juridique et médiatique, mieux vaut faire preuve de patience. La Cour Européenne ne rendra son jugement que dans deux ou trois ans. « Même si on gagne, il n’y aura pas d’incidence sur Hadopi vu que la loi a été validée par le Conseil Constitutionnel. » En attendant, serait-il prêt à défendre une victime de la Haute Autorité ? « Bien sûr, répond l’avocat. Et on pourrait même obtenir un acquittement. »