Comment Internet a révolutionné les pratiques d’écoute

Acheteur ou pirate, téléchargement ou streaming : où vous situez-vous ?
Depuis plusieurs années les ventes de CD sont en baisse constante en France, reléguant ce qui passait pour des objets high-tech dans les années 80 à des produits de plus en plus dépassés aujourd’hui. Désormais, la toile a investi le terrain et renouvelle les pratiques d’écoute grâce à des sites proposant des millions de titres. À quel profil d’utilisateur appartenez-vous ?

Hadopi, touchée coulée ?

En janvier 2011, une étude a jeté le doute sur l’efficacité d’Hadopi, pourtant mise en place pour encadrer un nouveau mode de consommation sur internet. Le téléchargement illégal est-il un délit de culture, comme l’affirme la Haute Autorité, ou un nouveau mode de diffusion, selon les dires du Parti Pirate ? Des gendarmes aux flibustiers, retour sur une bataille dans les confins du net.

Il faut sauver le pirate Paflapuce !

«Monsieur Climent est venu me voir pour faire valoir ses droits, en dernier recours au niveau européen », relate Me Nicolas Gallon, son avocat montpelliérain. Ce juriste de 31 ans va désormais pouvoir jouer dans la cour des grands. L’adversaire ne sera plus la Sacem ou la SDRM, des organismes de gestion collective des droits, mais l’État français. Pour cela, son argumentation est bien préparée. « Dans ce cas, il existe plusieurs violations de la convention de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La première concerne le fait que la loi pénale n’est pas rétroactive, elle joue pour l’avenir. »

Entre 2003 et 2005, James Climent a téléchargé illégalement pas moins de 13 788 fichiers, en majorité musicaux, qu’il a ensuite partagés. Repéré le 12 juillet 2005 par un agent assermenté de la Culture, les gendarmes sont venus confisquer son ordinateur et son disque dur. « Or, mon client ne pouvait pas avoir connaissance de son illégalité puisqu’il n’existait pas à l’époque de texte précis qui condamnait son action », explique l’avocat. Il faut en effet attendre mai 2006 pour la décision du tribunal de grande instance de Paris et une loi en août qui entérine ce jugement.

L’autre argument fort de Me Gallon concerne la double peine : « Nul ne peut être puni deux fois pour le même fait. » La première partie civile au procès de James Climent a été la Sacem. Le 7 août 2007, elle obtient gain de cause auprès du tribunal correctionnel de Nîmes. « Ce n’est qu’après que la SDRM entre en scène », poursuit l’avocat. Non satisfaits de la condamnation, les deux organismes font appel. En mai 2008 puis en juin 2009, le juge décide de les dédommager à hauteur de 10 000 €. Et l’arrêt de la Cour de cassation du 8 juin 2010 ne donne toujours pas raison à James Climent.

Ce que Me Gallon conteste : « La Sacem et la SDRM n’ont jamais démontré que les fichiers musicaux téléchargés relevaient de leur répertoire : elles ne sont pas forcément titulaires des droits. C’est ce que je dirai devant la Cour Européenne. »

« 20 000€ pour un RMIste, c’est énorme ! »

Selon l’avocat ainsi que d’autres soutiens, les sommes demandées sont disproportionnées. « 20 000 € pour un RMIste, c’est énorme ! », s’exclame Paul Da Silva, président du Parti Pirate français. Et le juriste de rajouter : « Un internaute sur deux télécharge de manière illégale. Faut-il tous les condamner ? » James Climent a voulu faire de son procès un moment de débat. Tant dans son cas que dans celui des prochaines victimes d’Hadopi, les autorités sont en décalage avec un phénomène social. « Répondre par la répression à une nouvelle pratique ne semble pas adapté », considère Me Gallon.

Dans ce combat à la fois juridique et médiatique, mieux vaut faire preuve de patience. La Cour Européenne ne rendra son jugement que dans deux ou trois ans. « Même si on gagne, il n’y aura pas d’incidence sur Hadopi vu que la loi a été validée par le Conseil Constitutionnel. » En attendant, serait-il prêt à défendre une victime de la Haute Autorité ? « Bien sûr, répond l’avocat. Et on pourrait même obtenir un acquittement. »

James Climent : « Je télécharge de plus belle »

James Climent, 38 ans, est un Gardois comme les autres. Photographe et technicien informatique, il passe le plus clair de son temps à s’occuper de ses chats. Sous le coup d’une action en justice, il est considéré comme la victime pré-Hadopi. Aujourd’hui, il donne sa version des faits.

« L’année pourrie » du disque cherche un coupable

Les ventes de disques ont continué de chuter en 2007. 17% de moins que l’année précédente, une baisse suffisante pour que le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) qualifie cette année de « pourrie ».

Les ventes de musique en ligne augmentent, de même que la fréquentation des salles de concert. Pourtant, le rapport rendu par l’IFPI [[International Federation of Phonographic Industry]], à l’occasion du Midem [[Le Midem est le Marché international du disque et de l’édition musicale. Il a lieu cette année du 27 au 31 janvier]] à Cannes ce lundi 28 janvier 2008 insiste lourdement sur le piratage.

Malgré les procès, les lois de plus en plus contraignantes, et les nouvelles technologies mises au point pour enrayer le phénomène, le téléchargement illégal de musique sur Internet, s’il diminue, continue d’être une réalité.

Le rapport Olivennes, commandé par le gouvernement et rendu en novembre 2007, proposait des moyens visant à compliquer le pillage, une manière de l’endiguer plus rapidement. Ce rapport, qui faisait suite à l’ouvrage du dirigeant de la Fnac, Denis Olivennes et dont il reprenait en substance la thèse, évoquait néanmoins le problème que posent les DRM [[Digital Right Management. Il s’agit de protection contre la copie appliquée aux chansons téléchargées à partir de serveurs payants. Le problème provient du fait que ces DRM empêchent certains lecteurs de lire les fichiers]] aux utilisateurs. L’IFPI botte en touche, arguant que ce faux problème est lié « au déploiement de systèmes de DRM propriétaires non compatibles par certaines entreprises de technologie ». Un moyen efficace d’oublier les soucis rencontrés par celui qui a téléchargé légalement son morceau, en le payant.

Les FAI coupables, la qualité n’est pas remise en cause

ifpi_logo.gifLe rapport de l’IFPI pointe du doigt les fournisseurs d’accès à Internet, qui détiendraient « la clé pour réduire significativement le piratage ». Il leur suffirait en effet d’interdire l’accès des internautes aux sites de téléchargement [[le FAI Free a mis un pied à l’étriller en fermant certains de ses newsgroups, groupes de partages où s’échangeaient illégalement films et musiques]].

Cette proposition, qui contrevient aux politiques nationales lancées en faveur des technologies haut débit, confirme l’état d’esprit général des industries du disque.

Les téléchargements illégaux restent perçus comme autant de chiffre d’affaire perdu, sans tenir compte du fait évident que tous les morceaux téléchargés n’auraient pas nécessairement été achetés. Le prix d’un album à sa sortie, souvent jugé excessif, semble normal, de même que la qualité des étals présentés depuis quelques années. Enfin, le support virtuel ne possède pas le cachet du disque acheté. Cela justifie les faibles augmentations des ventes en ligne.

En attendant, les véritables questions, notamment celles qui permettraient d’établir le nombre de jeunes artistes produits chaque année en dehors des circuits de télé réalité, ne sont pas soulevées. Et de fait, elles ne font pas débat.