« France Inter a une liberté éditoriale totale »

Frédéric Schlesinger, le directeur délégué de France Inter, s’est rendu à Montpellier le 6 février dernier. A cette occasion, il nous a fait partager sa vision personnelle du rôle d’un média public. Il a également tenté de nous convaincre : « France Inter n’est pas une radio d’État, c’est une radio publique, et on est absolument indépendant ».

Arrivé il y a trois ans à la direction de cette station, Frédéric Schlesinger est à l’origine du fameux : « France Inter, la différence ». Pour lui, cette radio se distingue par son rôle d’alternative, et par son détachement vis-à-vis de la logique de l’audimat… Le groupe Radio France tire ses principales ressources de la redevance, contrairement aux radios privées, dépendantes de la publicité. Et la publicité, pour la radio, « ce n’est rien d’autre que vendre des paires d’oreilles » résume-t-il.

Selon l’enquête Médiamétrie, France Inter est la deuxième station généraliste la plus écoutée. Un « programme de qualité », un « socle d’audience solide », et la voilà prête à contrer toutes les difficultés, y compris celles de la réforme de l’audiovisuel public… Mais pour F. Schlesinger, le problème de France Télévisions, c’est qu’elle ne s’inscrit pas dans ce modèle.


France inter, un média public réussi

Du côté de Radio France, la réforme « ne change pas grand chose » affirme le directeur de France Inter. Selon F. Schlesinger, le CSA et le Président de la République ont toujours décidé ensemble pour la nomination des présidents de Radio France… Jean-Paul Cluzel y
compris, du temps de Jacques Chirac.


La réforme ne change rien pour France Inter

Pourtant, la dernière apparition de J.-P. Cluzel, torse nu et affublé d’un masque de cuir, dans le calendrier de Act up, n’a pas plu à Nicolas Sarkozy. Le ton de Stéphane Guillon, à la matinale de France Inter, non plus. Le Président de la République a récemment jugé « inadmissibles » les propos tenus par l’humoriste sur Dominique Strauss-Kahn et ses mœurs. Ces deux événements pourraient coûter cher à l’actuel président de Radio France et restreindre ses ambitions… Ces faits auraient-ils pris la même ampleur sans la réforme ? Lors de sa visite à Montpellier, F. Schlesinger n’avait pas encore à faire face à ces affaires. Mais il apportait déjà un soutien inconditionnel au « cas Stéphane Guillon »…


Stéphane Guillon selon F. Schlesinger

L’affaire DSK a fait grand bruit. Pourtant, ce n’était pas la première fois que Stéphane Guillon faisait parler de lui. Ses petits billets au vitriol lui ont valu son succès. Mais F. Schlesinger nous l’assure, la seule fois où l’humoriste a été convoqué dans son bureau, c’était pour lui donner le job. Et jamais le directeur n’a cédé à une quelconque pression venue des milieux politiques…

Le CSA a 20 ans

Le 17 février 1989 était créé le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, en remplacement de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés. Il reste aujourd’hui la seule autorité de régulation de l’audiovisuel en France. Mais les critiques sont nombreuses, notamment depuis la nomination de Michel Boyon à sa présidence il y a 2 ans.

Les 9 membres du CSA sont nommés pour 6 ans. Ils sont nommés par tiers par le président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat. Michel Boyon a été nommé président le 24 janvier 2007 par Nicolas Sarkozy. Il est le premier président du CSA depuis sa création il y a 20 ans a ne pas être journaliste de formation (après Jacques Boutet, 1989–1995, Hervé Bourges, 1995–2001 et Dominique Baudis, 2001–2007). De nombreuses critiques s’étaient déjà élevées alors contre cette nomination apparue comme politique, Boyon ayant fait carrière au sein de plusieurs cabinets ministériels de droite. Il a été directeur de cabinet du Premier ministre Jean Pierre Raffarin mais également au Ministère de la Culture sous François Léotard. Depuis sa nomination, il enchaîne les déclarations pro-Sarkozy, défendant même la dernière loi sur l’audiovisuel public qui enlève pourtant au CSA une grosse partie de son pouvoir.

Les critiques se multiplient

Depuis le début de l’année, l’institution s’est effectivement vue privée de son pouvoir de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public en faveur du président de la république lui même. Catherine Tasca, ministre chargée de la communication à sa création il y a 20 ans, l’accuse aujourd’hui de ne s’acquitter « que timidement de la garantie du pluralisme » au moment même où les pouvoirs sont concentrés en un seul parti politique. Michèle Cotta (ancienne présidente de la Haute autorité de l’audiovisuel) et Hervé Bourges (ancien président du CSA) ont signé une tribune dans le Monde pour dénoncer cette « régression démocratique ». Au début du mois dans les colonnes du Figaro, Michel Boyon précise face aux attaques que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel possède un droit de véto face aux choix du Président de la République.

Autre point de critique à l’encontre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel : la non comptabilisation du temps de parole de Nicolas Sarkozy dans les médias depuis son accession à l’Élysée. Une requête avait en effet été déposée au CSA en septembre dernier par le parti Socialiste, soucieux de l’omniprésence du Président dans les médias. Au nom de son parti, François Hollande craignait alors que la surexposition de Nicolas Sarkozy (224 passages aux JT de TF1 et France 2 de mai à août 2007) ne s’oppose avec le principe de pluralisme de l’information. Cette demande avait été débouté immédiatement par Michel Boyon.