Le 1er octobre dernier, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira présentait le nouveau budget de la Justice dans le cadre du projet de loi de finance 2015. Elle a notamment fait état du report que se verrait accorder l’Etat sur la généralisation de l’encellulement individuel dans les prisons françaises.
Prévue dans la loi pénitentiaire de 2009, la mesure devait entrer en vigueur avant le 25 novembre prochain. Dans l’impossibilité d’appliquer ce droit avant la fin novembre, l’Etat reporte une nouvelle fois l’application de l’encellulement individuel à 2018.
Cette mesure vise à permettre aux détenus de bénéficier de conditions de détention plus saines, en se protégeant des antagonismes que produit la prison. Si aujourd’hui, un détenu peut en faire la demande auprès de l’administration pénitentiaire, ce droit n’est pas garanti, malgré la loi.
Dans un avis rendu le 24 avril dernier, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, estimait que l’encellulement individuel constituait «une garantie de la réinsertion ultérieure». Il concourt à offrir «à chaque personne incarcérée, un espace où elle se trouve protégée d’autrui et où elle peut donc préserver son intimité et se soustraire aux violences et aux menaces des rapports sociaux en prison ».
L’une des principales raisons de ce report s’explique par le nombre insuffisant de places en prison en comparaison du nombre de détenus.
Des prisons surpeuplées
La surpopulation dans les établissements pénitentiaires ne permet pas la réelle effectivité d’une telle mesure. Au 1er octobre 2014, la France disposait de 58 054 places pour 66 494 détenus. Une situation compliquée tant pour les détenus, entassés dans les cellules, que pour le travail quotidien des surveillants de prisons.
A l’inverse des maisons centrales, les maisons d’arrêt sont les plus concernées par cette surpopulation. Mêlant les détenus condamnés à de courtes peines et les prévenus en attente de jugement, le problème actuel semble bien loin d’être résolu.
Sans comptabiliser les cellules partagées par plusieurs détenus, le ministère de la Justice dénombrait ainsi 1 046 matelas au sol au 1er octobre.
De fait, une telle promiscuité rend la situation des établissements pénitentiaires d’autant plus terrible que cette mesure est inscrite dans la loi depuis la fin du XIXeme siècle.
Une mesure datant de 1875
Le principe de l’encellulement individuel a été voté dans une loi remontant au 5 juin 1875. Le but recherché s’incarnait différemment de celui d’aujourd’hui. À l’origine, l’usage de la cellule unique visait à mettre le condamné face à lui-même, à ses actes et à Dieu selon un processus de contrition.
Aujourd’hui, si le respect de la dignité humaine prévaut, les nombreux reports de cette mesure démontrent le manque de considération des responsables politiques face au réel problème que constituent les conditions de détention.
Depuis quinze ans, l’application de l’encellulement individuel dans les prisons françaises est l’objet d’un quatrième report, après 2000, 2003, 2009 et 2014. «Il faut, enfin, appliquer cette loi. C’est une priorité absolue, un dossier d’actualité immédiate», prévenait le président de la Commission des lois, Jean-Jacques Urvoas dans Le Point du 29 août 2014. Interpellant régulièrement les ministres de la Justice sur ce point, Jean-Jacques Urvoas anticipait une nouvelle déconvenue : «Je ne veux pas de report ni de nouveau palliatif pour ce texte».