Les manifestants anti-foie gras continuent leur tournée de sensibilisation contre la pratique du gavage des volailles. Leur étape montpelliéraine leur a permis d’alerter les citoyens sur les conséquences d’un produit toujours à la fête en cette période de Noël.
Vendredi 14 décembre, les pulls sont de rigueur sur la place Paul Bec. Quelques militants et sympathisants luttant contre le foie gras et la pratique du gavage se réchauffent comme ils peuvent. Leur manifestation occupe toute la petite place située à la sortie du centre commercial du Polygone. Rares sont ceux qui s’arrêtent en cette fin de matinée hivernale. L’initiative revient à l’association Stop Gavage et à la SPA qui mènent une tournée nationale d’information sur le foie gras.
Le but est de sensibiliser les Français à propos de la souffrance quotidienne qu’endurent les animaux lors d’un gavage pouvant durer une douzaine de jours. La campagne est plutôt choc : un film réalisé dans une exploitation est projeté sur un écran géant, des photos de canards enfermés et gavés sont placardées sur de larges panneaux.
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Au centre, une poubelle noire est remplie de canetons en peluche. « Vous savez que tous les cannetons femelles sont séparés des autres et souvent broyés ? » La question interpelle, elle vient de Dominique Siccardi, du CLAM34, venu soutenir l’opération. Le CLAM34, c’est le Collectif de Libération Animale de Montpellier : « pour nous, les fêtes sont une période de deuil » explique la farouche quadragénaire. « C’est le pot de terre contre le pot de fer ! Le lobby de la filière du foie gras est tout puissant et nous ne sommes que des bénévoles ». La détermination des militants se lit pourtant dans leurs yeux.
Sébastien Arsac court de gauche à droite, pousse un panneau situé sur une bande podotactile pour les aveugles et répond aux sollicitations diverses. Les traits sont jeunes et recouverts d’une fine barbe, le regard brille. Il préside l’association Stop Gavage, qui est le bras non armé de l’Association L214 dans la lutte contre le gavage. « C’est en référence à l’article L214 du Code rural qui déclare que les animaux sont des êtres sensibles. Ils peuvent souffrir comme nous. »
Un spéciste, un raciste des animaux.
Le jeune leader ne s’enflamme pas, il n’est pas de ceux qui crient pour se faire entendre. « C’est un combat à long terme, on verra dans dix ans. Nous serons les boucs émissaires lorsque la filière ira mal économiquement. » Actuellement, elle est florissante et Sébastien Arsac sait bien que «c’est le poids économique qui compte et après ce sont les lois.» Un rapport scientifique de la Commission Européenne place la France en porte à faux « C’est d’abord une question de culture, la France, c’est le pays du foie gras, ce sera plus long pour que les gens n’en achètent plus. » Les rares personnes s’approchant des stands demeurent mitigées : « je continuerai à en manger mais seulement aux fêtes, c’est l’occasion de se faire plaisir ». Le mot de spéciste se murmure. Un spéciste trouve que le plus petit intérêt de l’homme sera toujours supérieur au plus grand intérêt d’animal.
Le faux gras se développe, le produit est un concept et une alternative.
Un homme âgé tente de prendre un caneton en peluche dans la poubelle : « je pensais que c’était offert ». Cela sert uniquement pour la sensibilisation. « Toutes les images ont été prises dans des élevages du Sud Ouest en caméras cachées, confie Sébastien Arsac, cela choque mais il faut réveiller les consciences ! » Les consciences montpelliéraines sont davantage attirées par le stand de dégustation de faux gras et autres pâtés végétaux à la truffe-champagne. Le faux gras est une copie du gras sans procédé de gavage car il se compose de foies de volailles auxquels on ajoute de la graisse. Le goût est similaire, la différence de texture et de couleur très légère. Dominique Siccardi précise « le terme de foie gras implique automatiquement le gavage, d’où l’idée du faux gras ». Sébastien Arsac poursuit l ‘exposé : « Ce n’est pas vraiment une réponse commerciale. L’Espagne a trouvé le concept et l’Angleterre le commercialise car ils ne peuvent plus produire de foie gras. Le foie gras n’est pas indispensable. »
Une fois le Polygone traversé, les passants débouchent sur le Marché de Noël où les avis des producteurs de foie gras contrastent. « Le canard, c’est comme un sportif de haut niveau. La souffrance est une notion subjective mais il ne doit pas être à l’aise, ça c’est sur », révèle un producteur aveyronnais. Il réalise 20 % de son chiffre d’affaire annuel en deux semaines et constate même une hausse cette année.
En dépit de la mobilisation contre la violence faite aux animaux lors du gavage, le foie gras semble toujours avoir son invitation sur les tables de Noël.