Sandra Bessudo : une vie consacrée à protéger les requins

A l’occasion de la projection du film de Patrick Masse, Malpelo, le rocher de la convoitise, qui a lieu le 23 octobre dernier à l’aquarium Mare Nostrum de Montpellier, Sandra Bessudo, l’ex-Haute Conseillère présidentielle pour la gestion environnementale, la biodiversité, l’eau et le changement climatique du gouvernement de Colombie était présente pour assister à cette avant-première. Lors d’une conférence grand public, celle qui est également la créatrice de la Fondation Malpelo et autres écosystèmes marins a pu mettre en lumière son combat pour la protection des requins. Rencontre.

D’où vous vient cet attrait pour le monde marin et océanique ?

Je crois qu’aussi loin que remonte ma mémoire, j’ai toujours aimé les univers aquatiques. Il y a évidemment eu l’éducation que j’ai reçue par mes parents étant enfant et qui me sensibilisait déjà à la protection de cet étonnant milieu naturel. Il y a également eu les vacances passées sur le littoral colombien à nager dans l’océan Pacifique. Est venu ensuite la navigation, puis la plongée. Mais plus qu’une passion, le monde marin est devenu pour moi une vocation. C’est donc tout naturellement que j’ai choisi de faire des études en Sciences de la Vie de la Terre à l’EPHE (Ecole Pratique des Hautes Etudes) de Perpignan où je me suis spécialisée en biologie marine.

Pouvez-vous nous parler de l’île de Malpelo ? En quoi est-ce un site exceptionnel ?

Malpelo est une île volcanique inconnue du grand public. D’une superficie de 3,5 km², elle se situe à 500 kilomètres des côtes colombiennes, à une quarantaine d’heures de bateau. Autrement dit, une île livrée à elle-même dans l’océan Pacifique. La richesse de l’île de Malpelo provient essentiellement de sa biodiversité marine. On y trouve des dizaines d’espèces de cartilagineux (requin baleine, requin des Galapagos, requin soyeux, requin-marteau, raie manta, etc…) qui sont pour certaines endémiques comme l’odontospide féroce, un requin des profondeurs. C’est d’ailleurs bien là la force et la faiblesse de l’île de Malpelo. Cette importante zone d’agrégation de la biodiversité marine n’est pour certains qu’une richesse naturelle exploitable commercialement. C’est parce qu’écologie et économie ne font pas bon ménage à Malpelo que celle-ci doit être protégée.

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Comment Malpelo est-elle devenue un site classé Patrimoine Naturel de l’Humanité par l’Unesco en 2006 ?

C’est un combat de plusieurs années qui s’est fait en trois grandes étapes :

1/ En 1995, le gouvernement de Colombie décide de classer la zone Malpelo «Sanctuaire de Faune et de Flore» et de me nommer à la tête de ce cocon écologique.
2/ En 2002, une nouvelle étape est franchie : le sanctuaire de Malpelo est nommé «Zone Spécialement Sensible» par l’Organisation Maritime Internationale (OMI). La superficie protégée s’étend alors à environ 9000 km², l’équivalent de la surface de la Corse, et devient la 9ème zone maritime protégée au monde.
3/ Le 12 Juillet 2006, l’île de Malpelo a été officiellement déclarée «Patrimoine Naturel de l’Humanité» par l’Unesco.

Et qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Lorsqu’un pays signe la Convention pour la protection du patrimoine culturel et naturel et voit certains de ses biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, il en résulte une sorte de prestige qui aide, citoyens et gouvernements, à prendre conscience de l’importance de la préservation de ce patrimoine. Dans le cas de Malpelo, cela signifie qu’il s’agit d’une zone naturelle ayant une valeur universelle d’exception du point de vue de la science, de la conservation et de sa beauté naturelle. Cette prise de conscience conduit généralement à une élévation du niveau de protection. C’est pourquoi il y a désormais une présence militaire permanente aux abords de l’île. En termes de fréquentation quotidienne, un seul bateau d’une capacité maximale de 20 personnes peut visiter la zone maritime protégée. Cela évite une trop grande pollution des eaux et contribue à la préservation de cet écosystème unique.

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Pouvez-vous nous parler de la Fondation Malpelo que vous avez créée ?

La Fondation Malpelo et autres ecosystèmes marins est une ONG sans but lucratif et à caractère environnemental créée en 1999 dont la mission est de promouvoir la protection et la conservation des écosystèmes marins et côtiers de Colombie, tout en favorisant la gestion durable des ressources naturelles. Nos actions sont réparties en 5 grands domaines : recherche, éducation, communication, écotourisme, et gestion. Pour l’essentiel, nous œuvrons à permettre aux espèces présentes dans le sanctuaire de bénéficier d’un environnement exempt de toute présence humaine. Notre vigilance va prioritairement aux espèces menacées par la surpêche comme le sont les requins dont les ailerons sont très appréciés des consommateurs sud-américains.

Comment se déploie votre action aujourd’hui ?

L’environnement et la culture ont toujours été d’une importance moindre dans l’action gouvernementale. Je ne parle de celle, spécifique, en Colombie mais de l’action des gouvernements en général. En Colombie, c’est la pauvreté qui est le facteur le plus important de destruction environnementale. Les populations pauvres dépendent en effet directement des matières premières. Il y a également un terrible manque d’éducation et d’opportunité professionnelle pour elles. C’est pourquoi nous essayons d’alerter le gouvernement sur la nécessité de lutter contre la pauvreté, combat essentiel pour défendre les environnements terrestre et aquatique.

Propos recueillis le jeudi 23 octobre par Yoann Hervey.

Mare Nostrum : des nouvelles stars dans l’aquarium

« Branchez les guitares »… C’est parti pour un nouveau show à Mare Nostrum, le grand aquarium de Montpellier. Une raie très spéciale va faire son entrée, le 7 avril. Son nez rond, ses nageoires grandes et pointues et sa longueur d’environ 1,30 m font penser à la forme du célèbre instrument à corde. D’où son nom, « raie guitare ».

Une espèce qui vient d’Indonésie pacifique. Pour l’instant, celle de Mare Nostrum reste en quarantaine afin que les soigneurs puissent l’examiner, la peser. L’approcher, l’habituer à leur présence, à des manipulations. « Elle a une forme olympique, elle est bien grasse », souligne Nicolas Hirel, responsable de la
mise en scène de l’aquarium. Mais elle est inoffensive car elle n’a pas d’aiguillon venimeux. Elle sera ensuite transférée dans l’aquarium
après anesthésie.

L’autre nouvelle recrue, le poisson-scie, est passée par la également. Il barbote dans l’aquarium depuis moins d’une semaine, avec son 1, 5 m de longue. « Depuis décembre, nous l’entraînions, à l’écart. Les animaux sont des acteursur. On leur demande de jouer un rôle. Celui qu’ils joueraient dans leur milieu naturel. Et on va faire en sorte que chaque poisson vienne manger à l’appel de son nom », explique Nicolas Hirel. Tous les animaux en ont un, une sorte de code. « Ce qui permet aux soigneurs de parler du même individu. » Celui du poisson-scie reste secret, il s’agit d’une marque de l’outil. Peut-être que les visiteurs pourront le découvrir, qui sait. Pour l’instant, le poisson-scie prend ses marques. Le matin, on peut le voir patrouiller en haut du bassin puis redescendre, petit à petit, pour finalement se poser sur le sable. L’endroit où il doit normalement se trouver. « Nous avons choisi ces deux espèces car il fallait habiller le fond de l’aquarium. Pour qu’il ressemble à un morceau d’océan, même si ce n’est pas forcément crédible avec tous les éclairages. »

Le poisson-scie vient du Queensland, en Australie. Il tient son nom de la forme de son nez, long d’une cinquantaine de centimètres et comprenant une quarantaine de dents, avec lequel il débusque, assomme et déchiquette ses proies. Les visiteurs n’assisteront peut-être pas à la scène, étant donné que les soigneurs nourrissent ces spécimens à la perche, comme les requins. Seulement trois individus de cette espèce sont visibles en aquarium en France.

Bientôt quatre, puisque Mare Nostrum va en acquérir un autre. Des poissons pêchés exprès pour l’aquarium, avec l’autorisation du ministère de l’Environnement australien. « Il a fallu plus d’un an de démarches pour obtenir le droit d’importer les poissons-scies », précise Nicolas Hirel. Une deuxième raie devrait être attrapée pour Mare Nostrum. Là aussi, sous autorisation. Car, comme beaucoup d’autres, l’espèce est menacée de disparition.