Le patron est beau prince : il rend malade mais offre la thérapie. Le concept du ticket-psy est lancé. Une idée d’ A.S.P Entreprises, une société de conseil et d’expertise spécialisée dans le développement des conditions de qualité de vie au travail. Parue dans le journal Libération du 21 janvier, l’information témoigne d’une avancée en matière de prévention de la santé au travail.
Franchir le pas
Comme les tickets-resto, les tickets-psy se présentent sous forme de carnets. Cinq à dix séances financées à 100% par l’entreprise. Afin de préserver l’anonymat, c’est la médecine du travail qui les délivre aux salariés intéressés avec une liste de psychothérapeutes partenaires. Des professionnels choisis selon un critère de proximité avec le lieu de travail pour plus de facilité d’accès. Le ticket-psy est légitimement distribué pour tout problème psychologique qu’il soit lié ou non au travail. L’initiative va-t-elle permettre aux salariés de franchir le pas plus facilement ?
La prise en charge financière des consultations est un argument sérieux, le coût des séances restant encore aujourd’hui un véritable frein pour de nombreux employés. Certaines entreprises, notamment dans le secteur des banques, des transports de fond ou de l’informatique se sont déjà laissées séduire et de nombreux psychothérapeutes ont répondu présent. Clairement affichée comme une démarche médicale, la consultation se démocratise aussi, peu à peu. La mise en place de ce système témoigne de la reconnaissance des tensions au travail comme facteur de risques pour la santé. Une importance donnée à ces problèmes psychologiques qui n’a pas toujours été évidente.
Un nom à la douleur
La loi de modernisation sociale de 2002 impose l’obligation pour l’employeur de s’occuper de la santé physique et mentale de ses salariés. Le lien entre le visible et l’invisible est fait : la santé psychique du travailleur est désormais considérée. Stress, harcèlement moral, incivilités, agressions verbales, mal-être au travail ne sont plus relégués au placard. Ils sont désormais perçus comme des blessures qui peuvent avoir un impact sur le physique, déclencher des maladies ou encore pousser au suicide. Sujets d’abord tabous, inconsidérés, ces troubles ont aujourd’hui un nom : on parle de risques psycho-sociaux. Un terme nouveau pour des problèmes qui ne le sont pas selon J-B Sahler qui travaille pour l’Agence Nationale pour l’Amélioration des conditions de travail. Un professionnel qui annonce que le chemin vers la prévention est encore long : » Le constat partagé c’est que la prévention des risques psycho-sociaux est, en France, encore très insuffisante. Mais ça progresse. »
Déplacement du problème
Quelques bémols cependant. Les tickets ne s’adressent pas aux personnes ayant consulté ou étant déjà suivies. Les carnets sont renouvelables mais la prise en charge est fixée à un maximum de 10 séances. L’idée étant de proposer au salarié une possibilité de prendre de la distance avec ses soucis liés à l’entreprise. Si la thérapie s’avère plus longue, elle sera aux frais du salarié. « Ce volume de séances permet de prendre suffisamment de recul » explique un représentant de l’ A.S.P.
Pour Patrick Légeron, psychiatre, spécialiste du stress interrogé sur Europe 1[[Egalement auteur de l’ouvrage « Le stress au travail, éditions Odile Jacob, 2001]], » Le risque est de déplacer le problème vers le salarié alors qu’il peut venir du management de l’entreprise. » Un point de vue qui trouve un écho chez certains spécialistes. Les tickets-psy pourraient servir à éviter une remise en question de l’organisation du travail dans l’entreprise.
L’initiative est encore trop neuve pour pouvoir en dresser le bilan mais il faudra peut-être s’habituer s’entendre dire à son médecin: « Vous acceptez les tickets-psy ? »
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