Les Skins parties, ce sont ces fêtes inspirées de la célèbre série britannique. Skins (en argot : « papier à rouler ») raconte la vie désabusée de lycéens vivant à Bristol.
Dans l’épisode 10 de la saison 1, le spectateur découvre la « secret party http://www.youtube.com/watch?v=tkesZCPIjQk » : scènes de bacchanales, dans lesquelles les adolescents en sous-vêtements ingurgitent ecstasy, coke, alcool et échangent joyeusement leurs partenaires. Dans cette ambiance psychédélique, la plèbe s’accouple avec l’aristocratie, les geeks du club de mathématiques sont tout aussi à l’aise que les reines de beauté. Pas de discrimination, tout le monde s’aime !
Il n’en fallait pas plus pour que les soirées du genre fleurissent dans l’hexagone. Voilà deux ans que les ados français s’adonnent aux fameuses Skins Parties.
Un concept devenu marketing
A Montpellier, l’agence d’évènementiel Bad Twins a flairé le bon filon. Moyennant 20 euros, les créateurs de l’évènement, Lucas Defossé et Emilien Avon, ont repris le concept de la « Skins party », originairement spontanée et gratuite, idéalement située dans un lieu secret et alternatif, qu’ils ont transformé en soirée payante et encadrée.
Annoncée sur Myspace et Facebook, cette Skins Party organisée à la Villa Rouge étaient attendue par plus de 3200 personnes, dont beaucoup avaient acheté leur entrées en préventes, au tarif préférentiel de 15 euros. Bref, on est loin de la soirée déjantée organisée dans un squat par une bande de potes amateurs.
Les intégristes de l’esprit Skins sont unanimes : « c’est pas dans une discothèque que se déroule ce type de soirée. Il y a des Skins parties à Montpellier, mais elles ne font pas l’objet d’un plan-marketing et d’un business. On prévient les gens au dernier moment, ils apportent ce qu’ils veulent et tout est permis. En boîte, c’est pas possible » explique Romain, 21 ans. Certes, mais le label Skins fait vendre.
Une organisation lourde de conséquences
Ainsi, dès 21h30, une foule de jeunes clients se presse vendredi soir aux portes de la Villa Rouge. En mini-short, corsets pigeonnants, et autres tenues ultra sexy, les premiers arrivants attendent patiemment de rentrer dans la boîte. Mais, très vite, des centaines de jeunes débarquent et forment une foule compacte sur un parking où les voitures ne peuvent plus rentrer. En quelques minutes, un millier de jeunes se retrouve à attendre. Pour patienter, certains fument des joints, d’autre sortent des bouteilles d’alcool. Vers 22h00, les esprits s’échauffent. Dans la file d’attente, l’ambiance est électrique : les bouteilles explosent et les coups fusent. Plusieurs personnes perdent connaissance, dont Capucine et son amie :
« J’ai fait un malaise dans la file d’attente, nous étions un énorme troupeau d’animaux amassés et écrasés dès 22h. Une amie a aussi fait un malaise, elle est tombée par terre et a failli se faire écraser par la foule. Moi, un inconnu a réussi à me sortir en me portant, car aucun videur n’était présent pour organiser la chose. J’ai du rentrer chez moi au bout d’une heure et demi de queue après mon malaise, sans avoir même pu rentrer a l’intérieur de la discothèque ». De rage, certains jettent leur préventes et rebroussent chemin, mais d’autres vont rester bloqués dans la file d’attente.
Alors que la fête bat son plein à l’intérieur ( http://www.youtube.com/watch?v=bVLuqyVgNcE&feature=PlayList&p=19E1DAF7AF829EC6&index=6 ) , la tension monte d’un cran sur le parking et l’ambiance dégénère vers 23h00. Incapable d’extirper ceux qui ont perdu connaissance, le service de sécurité de la Villa Rouge voit arriver sur les lieux un dizaine de camions de secours : Samu, Pompiers et Police débarquent sur le parking. Devant la difficulté de la tâche, les grands moyens sont déployés : les forces de l’ordre dégainent des gaz lacrymogènes qui atteignent l’ensemble des clients.
Venu de la région PACA pour l’occasion, César explique comment il s’est retrouvé piégé : « Beaucoup de personnes criaient qu’il y avait des malaises mais la foule poussait toujours. Avec mes amis, on s’est dit qu’il fallait qu’on sorte de là. Partir était notre seule envie, mais c’était impossible. Nous étions obligés de rester, jusqu’on se fasse gazer par des lacrymos !! »
L’agence d’évènementiel Bad Twins semble clairement avoir été dépassée par le concept de la Skins Party. Près de 2500 personnes ont pénétré dans la boîte ce soir là, pour un tarif minimum de 15 euros. Ceux qui avaient acheté leurs préventes et qui sont restés dehors, se sont vu pour leur part, proposer un dédommagement relatif : la possibilité de participer à une autre soirée organisée par l’agence ! En somme, une belle avance sur trésorerie pour les mauvais jumeaux.
Le témoignage de
Marion, étudiante
« Je suis allée à la Skins avec une amie et nous sommes arrivées à 21h30 pour être sures de rentrer avec préventes. Jusqu’à 22h45 tout s’est bien passé. Mais quelques personnes de la file de non préventes ont commencé à pousser violemment. Là le chaos a commencé.
On a été piétinées, bousculées, écrasées, étouffées. Honnêtement, je pensais que j’allais mourir. Est rapidement venu le moment où on ne pouvait plus respirer. Un jeune homme à côté de moi a eu la jambe écrasée par une barrière.
Je me suis frayée un chemin, dans les cris et dans les coups. J’ai réussi à sortir de foule vers 23h30. Je suis sorti au bon moment, car peu de temps après tout le monde a été sauvagement gazés. J’ai vu l’arrivée de plusieurs camions de pompiers et de policiers. Je regardais les gens sortir de la foule: des pleurs, des cris, des suffocations…
Comme nous étions venues en taxi et donc nous n’avions pas la possibilité de nous réfugier dans une voiture en attendant de pouvoir rentrer dans la boîte, si cela était encore possible. Au bout d’un moment, la foule s’est dissipée et nous avons pu rentrer (vers 1h du matin).
A l’intérieur il y avait énormément de monde, malgré tous les départs. Nous étions écrasées par les gens. Moi qui suis fan des skins party, j’ai été profondément déçue par l’ambiance. A ce stade là tout se résumé à «défonce» et «baise». On se serait plutôt cru dans une Rave Party. Je me demande même si tout cela était bien légal. De plus, mon amie et moi avons constaté qu’il y avait beaucoup de mineurs (environ la moitié de la clientèle). Nous avons décidé de partir, car c’était glauque.
A 3h30 nous avons quitté la Villa Rouge, pleine de débris de bouteille, de préventes déchirées, d’accessoires perdus et de beaucoup de chaussures. C’est incroyable de perdre ses chaussures lors d’une soirée en boîte de nuit ! »