Les Gladiateurs des temps modernes
Hawaï, Budapest, Amsterdam, ils ont foulés les rings de la planète durant une année. Ils ont combattu tous les spécialistes de la boxe pieds poings, afin d’obtenir un billet pour la phase finale, qui aura lieu début décembre dans l’arène gigantesque de la Yokohama Arena. Il en reste huit aujourd’hui. Huit combattants dépassant allégrement les 100 kilos. Huit monstres de puissance et de technique qui vont, le temps d’une soirée, s’affronter dans le but de remporter la consécration suprême, le titre de champion du K-1.
Cette compétition crée en 1993 par le professeur de karaté japonais Kazuyoshi Ishii, est née d’une volonté de voir s’affronter sur un même ring, des sportifs pratiquant des techniques de combat différentes. Karaté, Kick Boxing, Kung Fu, Tae Kwon Do, Ishii prônait la maîtrise de ces quatre disciplines, la combinaison des quatre « K », pour devenir « The One », le meilleur combattant de la planète.
En plus de la technique, il faudra aux boxeurs une condition physique irréprochable. Trois matchs en trois rounds de trois minutes à disputer dans la soirée, en évitant les K.O, les blessures, en faisant abstraction des ecchymoses et de la douleur, pour avoir l’honneur d’arborer la couronne dorée dévolue au vainqueur.
Les néerlandais et les autres
Depuis sa création, le K-1 est dominé sans partage par l’école néerlandaise, qui a formé 11 des 14 vainqueurs de la compétition. Dotés d’infrastructures adaptées, d’aides financières publiques importantes et d’une bonne image de marque, les boxeurs bataves remportent la plupart des compétitions de boxe pieds/poings/genoux chez les poids lourds depuis une vingtaine d’année. La France, elle, souffre encore de l’image négative de ces sports décriés et considérés dans l’opinion publique comme violents et dangereux. Pourtant, la France a donné naissance à la star du tournoi, l’idole des nippons, le favori de cette édition, Jerôme Le Banner.
«Le roi sans couronne»
Ses surnoms, «Jeronimo» ou encore « le roi sans couronne » lui ont été donnés par ses nombreux fans japonais. Star sur l’archipel, Jérôme Le Banner, est plus connu en France pour ses petits rôles de brute dans des grosses productions (Astérix et Obélix aux Jeux Olympiques, Scorpion). Pourtant, le havrais est un des meilleurs boxeurs pieds poings de la planète. Champion du monde de boxe Thaï, sa notoriété asiatique est née de son physique hors du commun (1m90 pour 120 kilos), de son engagement total sur le ring et surtout de sa capacité à participer à de nombreuses phases finales du K-1, sans jamais parvenir à en remporter une. Finale perdue en 1995, troisième en 1999, il est à deux doigts d’être sacré en 2002, quand son bras droit casse dans l’ultime round face à Ernesto Hoost. Après un retour mitigé à sa sortie de blessure, il revient cette année pour tenter enfin de remporter le titre. Pour cela, il lui faudra battre dès les quarts de finale, « le hollandais volant » Remy Bonjasky, double vainqueur du tournoi. Et surtout, souhaiter que le jeune marocain Badr Hari, autre grand favori de l’évènement, chute dès le premier tour face au triple champion de la compétition, Peter Aerts. Un plateau final relevé, indécis, qui contentera sans aucun doute les attentes des milliers de japonais qui feront le déplacement.
Le Japon et ses princes
Au Japon, le sumo fait fureur. A une longueur derrière, il y a le K-1. La Yokohama Arena sera à nouveau pleine comme un œuf le 6 décembre, forte des 70 000 spectateurs qui s’amassent chaque année pour soutenir ces champions. Les japonais en sont fous, les produits dérivés, les T-shirts, les figurines à l’effigie des boxeurs partent comme des petits pains. On les voit partout. Ils alimentent les spots publicitaires, ils possèdent leurs images en 10 par 10 sur les immeubles de la capitale. Fidèles à leur tradition de combattants, de berceau des arts martiaux, de garant des valeurs de courage et de respect, les japonais ont adopté de manière naturelle cette compétition devenue l’évènement majeur de l’année sportive. Ils possèdent peu de représentants de leur pays, peu importe, ils s’approprient les combattants, en font leur chouchou, une récompense pour ces guerriers qui souffrent généralement d’un manque de reconnaissance. Là bas, ils sont stars. Et comme des stars, les récompenses financières frôlent l’extravagance. Le vainqueur du tournoi remporte plus de 300 000 euros, alors que par comparaison le cycliste arborant le maillot jaune sur les Champs Elysées empoche 450 000 euros.
De la folie à la japonaise, un évènement démesuré, une récompense superbe pour devenir l’empereur japonais des sports de combat.