« Jamais nos ressources n’ont été autant exploitées, pourtant les gens vivent encore dans la misère ». Amar Boka, touareg originaire de la région d’Agadez, crie à l’injustice. Alors que le Niger est sur le point de devenir le deuxième producteur mondial d’uranium et possède d’importantes réserves pétrolières, l’Etat africain pointe toujours à l’avant-dernière place du classement des pays selon l’IDH (Indice de développement humain). Un paradoxe qui explique, en partie, l’instabilité d’un territoire marqué par des rébellions touaregs.
Depuis 40 ans, la firme nucléaire française Areva exploite deux mines d’uranium au niveau de la ville d’Arlit, au nord-ouest du pays. Une troisième exploitation est sur le point d’ouvrir. Pourtant, « les populations locales n’ont jamais bénéficié de la moindre retombée », explique A. Boka.
Un pays meurtri par les rébellions touaregs
En 2007, le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) a été fondé par des rebelles touaregs de la région de l’Aïr, au nord du pays. Ce soulèvement, mené par Aghali Alambo, déjà membre du Front de Libération de l’Aïr et de l’Azawad pendant les rébellions de 1990, réclamait, entre autre, une meilleure répartition des revenus provenant des richesses naturelles et la fin de la surexploitation des ressources.
De son coté, le gouvernement de Niamey accusait implicitement Areva et Mouammar Kadhafi – alors ami de la France – de soutenir le soulèvement afin de conserver le monopole sur l’uranium [[Un tiers de l’uranium français vient du Niger]]. Ainsi, des documents bancaires publiés dans La Hache Nouvelle démontreraient que l’entreprise française aurait viré l’équivalent de 80 000 euros sur le compte d’un commandant des forces nigériennes qui allait rejoindre le MNJ quelques semaines plus tard.
Après plusieurs mois d’affrontements entre militaires loyalistes et militants armés, le MNJ a signé un accord de paix avec le gouvernement, sous l’égide du colonel Kadhafi, le 7 octobre 2009. Toutefois, les récents bouleversements géopolitiques liés à la crise libyenne risquent de remettre en cause un équilibre déjà fragile.
Les répercussions de la crise libyenne
Suite aux persécutions des combattants du CNT (Conseil National de Transition), le Niger a dû accueillir plus de 700 000 réfugiés dont 250 000 nationaux, principalement des touaregs accusés d’être des mercenaires à la solde du colonel Kadhafi. « Actuellement, aucun emploi ne peut absorber ces retours. D’autant que le tourisme, activité principale de la région, est pour l’heure étouffée par la menace Aqmi (Al Qaida au Maghreb Islamique) » explique Amar Boka. Une tendance aujourd’hui aggravée par la prolifération d’armes lourdes résultant de la guerre en Libye.
De plus, ce retour massif coïncide avec une année qui s’annonce difficile pour le pays : une crise alimentaire se profile. En 2011, les récoltes ont été mauvaises, conséquence de précipitations insuffisantes. « Nourrir une population qui a considérablement augmenté va être compliqué cette année » anticipe Serge Boutin, président de l’association Nord Niger Santé. En octobre dernier, près d’un million de personnes avaient déjà un besoin urgent de nourriture selon le Programme Alimentaire Mondiale (PAM), et ce n’est qu’un début. « D’ici la période de soudure qui dure d’avril à septembre, le chiffre pourrait s’amplifier » précise S. Boutin.
Par ailleurs, de nombreux projets soutenus par le colonel Kadhafi, comme la construction d’infrastructures routières, ont été tués dans l’œuf suite à sa chute. Ainsi, les touaregs pourraient très vite regretter sa disparition.