La crise libyenne renforce l’instabilité au Niger

Bien que possédant des ressources minières d’une rare richesse, le Niger demeure l’un des pays les plus pauvres de la planète. Déjà à l’origine de rébellions touaregs, cette situation pourrait être aggravée par la crise libyenne.

« Jamais nos ressources n’ont été autant exploitées, pourtant les gens vivent encore dans la misère ». Amar Boka, touareg originaire de la région d’Agadez, crie à l’injustice. Alors que le Niger est sur le point de devenir le deuxième producteur mondial d’uranium et possède d’importantes réserves pétrolières, l’Etat africain pointe toujours à l’avant-dernière place du classement des pays selon l’IDH (Indice de développement humain). Un paradoxe qui explique, en partie, l’instabilité d’un territoire marqué par des rébellions touaregs.

Depuis 40 ans, la firme nucléaire française Areva exploite deux mines d’uranium au niveau de la ville d’Arlit, au nord-ouest du pays. Une troisième exploitation est sur le point d’ouvrir. Pourtant, « les populations locales n’ont jamais bénéficié de la moindre retombée », explique A. Boka.

Un pays meurtri par les rébellions touaregs

En 2007, le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) a été fondé par des rebelles touaregs de la région de l’Aïr, au nord du pays. Ce soulèvement, mené par Aghali Alambo, déjà membre du Front de Libération de l’Aïr et de l’Azawad pendant les rébellions de 1990, réclamait, entre autre, une meilleure répartition des revenus provenant des richesses naturelles et la fin de la surexploitation des ressources.

De son coté, le gouvernement de Niamey accusait implicitement Areva et Mouammar Kadhafi – alors ami de la France – de soutenir le soulèvement afin de conserver le monopole sur l’uranium [[Un tiers de l’uranium français vient du Niger]]. Ainsi, des documents bancaires publiés dans La Hache Nouvelle démontreraient que l’entreprise française aurait viré l’équivalent de 80 000 euros sur le compte d’un commandant des forces nigériennes qui allait rejoindre le MNJ quelques semaines plus tard.

Après plusieurs mois d’affrontements entre militaires loyalistes et militants armés, le MNJ a signé un accord de paix avec le gouvernement, sous l’égide du colonel Kadhafi, le 7 octobre 2009. Toutefois, les récents bouleversements géopolitiques liés à la crise libyenne risquent de remettre en cause un équilibre déjà fragile.

Les répercussions de la crise libyenne

Suite aux persécutions des combattants du CNT (Conseil National de Transition), le Niger a dû accueillir plus de 700 000 réfugiés dont 250 000 nationaux, principalement des touaregs accusés d’être des mercenaires à la solde du colonel Kadhafi. « Actuellement, aucun emploi ne peut absorber ces retours. D’autant que le tourisme, activité principale de la région, est pour l’heure étouffée par la menace Aqmi (Al Qaida au Maghreb Islamique) » explique Amar Boka. Une tendance aujourd’hui aggravée par la prolifération d’armes lourdes résultant de la guerre en Libye.

De plus, ce retour massif coïncide avec une année qui s’annonce difficile pour le pays : une crise alimentaire se profile. En 2011, les récoltes ont été mauvaises, conséquence de précipitations insuffisantes. « Nourrir une population qui a considérablement augmenté va être compliqué cette année » anticipe Serge Boutin, président de l’association Nord Niger Santé. En octobre dernier, près d’un million de personnes avaient déjà un besoin urgent de nourriture selon le Programme Alimentaire Mondiale (PAM), et ce n’est qu’un début. « D’ici la période de soudure qui dure d’avril à septembre, le chiffre pourrait s’amplifier » précise S. Boutin.

Par ailleurs, de nombreux projets soutenus par le colonel Kadhafi, comme la construction d’infrastructures routières, ont été tués dans l’œuf suite à sa chute. Ainsi, les touaregs pourraient très vite regretter sa disparition.

Quels droits pour les enfants ?

La question des droits des enfants bafoués fait quotidiennement la une des journaux, que ce soit par un fait divers banal, ou par un grand scandale de pédophilie tel celui qui touche actuellement le clergé allemand. En novembre dernier, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de l’ONU fêtait ses vingt ans. Aujourd’hui, HautCourant fait le bilan d’une réalité pas toujours rose.

Citoyen de seconde zone, une oeuvre de Buchi Emecheta

Buchi Emecheta est sans doute l’une des romancières africaines les plus traduites en français. Née à Lagos en 1944, elle vit en Grande-Bretagne depuis l’âge de 22 ans où elle a, peu à peu, par ses œuvres, conquis le public. Adah, l’héroïne de « Citoyen de seconde zone », le premier de ses romans, publié en 1975, emprunte les traces de sa créatrice et offre une intéressante observation sur l’exil nigérian en Grande Bretagne.

C’est une démarche militante posant un regard féminin sur l’émigration africaine, la condition féminine et le partage entre deux cultures, qui rythme ce roman, véritable invitation au voyage. En lisant Citoyen de seconde zone, je me suis mis dans la peau de l’auteur, je me suis identifié à elle et j’ai vécu toutes sortes de sensations depuis son Nigeria natal jusqu’à son pays d’accueil.

L’oeuvre place Adah, personnage principal et, vraisemblablement, double de l’auteur, comme le porte parole des femmes et des immigrés. L’auteur adopte son point de vue par une focalisation interne et donne un ton personnel même si la narratrice parle d’elle à la troisième personne.
Grâce à ces techniques, j’ai vécu le combat de cette héroïne, orpheline de père à neuf ans, dans une culture machiste où la femme n’est réservée qu’aux tâches ménagères. Ce livre est porteur de messages essentiels, dans un contexte hostile où l’auteur nous montre comment cette femme battante, va renverser son destin grâce à sa motivation, son désir d’aller à l’école et d’apprendre. Son parcours est intéressant et mérite d’être un cas d’étude dans un monde où beaucoup de jeunes n’ont pas envie d’aller à l’école et ce, malgré leurs conditions sociales favorables. L’œuvre est instructive. Elle offre aux lecteurs la découverte de deux mondes différents (africain et européen) et transporte ainsi le lecteur dans un voyage de découvertes culturelles sans précédent.

Ce qui frappe surtout, c’est le récit d’une libération, d’une autonomisation : la conquête de la légitimité de la femme dans les années soixante, au sein d’une Afrique traditionnelle. Son regard est remarquable mais véhicule plusieurs stéréotypes qui ne sont pas toujours positifs. Par exemple, l’image de son mari Francis, paresseux, fainéant, jaloux, machiste. Elle dénonce cette société patriarcale. Ce point de vue me déplait car il a tendance à caricaturer l’homme africain.

Pourtant, j’ai aimé voir cette femme qui se libère en prenant la parole, en souhaitant écrire un livre dans une culture africaine de tradition orale. Elle nous offre un portrait de la femme africaine comme un modèle, un pilier fondamental de la société. Une femme à la fois mère, agent économique, éducatrice. Ce qui n’est pas négligeable. Le titre du livre Second class citizen renvoie à une personne considérée comme inférieure en statut et en droit comparé aux autres. Dans cette vision, l’auteur joue sur le sens de cette expression en l’attribuant à Adah en tant que femme mais aussi en tant que personne de couleur.

Même trente ans après la parution de cette œuvre, derrière une dimension historique intéressante, transparait une immédiate actualité. Ce livre présente de manière intemporelle la problématique de l’immigration à notre époque où ce sujet fait encore débat. L’héroïne, à travers ses mésaventures à Londres en tant qu’immigrée, est confrontée aux problèmes de logements, de discrimination, de racisme, de chômage. Le choc des cultures montre des visages qui pourraient faire comprendre à beaucoup de jeunes africains candidats à l’immigration vers l’Europe, que l’Occident est loin d’être un paradis.

En somme, ce livre est bénéfique aux Occidentaux : il permet de voir d’une part la condition féminine de l’auteur, les croyances machistes, les difficultés économiques de sa société et sa bravoure exemplaire pour dompter ses contraintes. D’autre part, elle est porteuse d’espoir pour certaines personnes en leur permettant de relativiser leur situation et de se rendre compte de toutes les chances qu’elles ont par rapport à la vie d’Adah, orpheline et pauvre, reléguée au second rang de la société.

Personnellement, la lecture de Citoyen de seconde classe m’a permis de voyager, de m’instruire encore plus sur la culture de l’auteur, sur les conditions féminines, sur les combats des femmes… Choses que je ne pourrais partager entièrement avec vous, car rien ne vaut une réelle expérience par soi-même en se plongeant au cœur du livre. A vous donc de vivre l’aventure.

Nigeria : Le réchauffement climatique fait des heureux chez les moustiques

Chaque année au Nigeria, 300.000 personnes meurent du paludisme, ce qui représente environ un quart des décès dû à la maladie en Afrique. La semaine dernière, un colloque a réuni à Abuja, des scientifiques, des responsables politiques et des experts étrangers pour étudier ce phénomène inquiétant. Cette maladie dévastatrice se propage essentiellement dans les pays les plus pauvres d’Afrique. Le réchauffement climatique n’améliore pas la situation. En effet, selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les moustiques deviennent plus résistants aux insecticides.

Un quart des décès dû au paludisme en Afrique vient du Nigeria. Sur le continent noir, en moyenne, les enfants de cinq ans atteints font quatre crises par an. Roll Back Malaria (Repoussons le paludisme) est une association locale qui tente de lutter contre le fléau, «97% de la population est exposée au risque du fait de la pauvreté, de l’ignorance et de structures médicales inexistantes».

Selon l’OMS, le paludisme c’est 18% des ressources annuelles familiales pour les traitements et un tiers des hospitalisations. Chose incroyable, le séminaire qui a eu lieu à Abuja, la capitale du pays, a mis en évidence que le réchauffement climatique rend les moustiques plus résistants aux insecticides. «Nous sommes préoccupés par le fait que les moustiques porteurs du paludisme deviennent résistants à tous les insecticides approuvés par l’OMS, dit à l’AFP Peter Cleary, chargé de la communication de la compagnie européenne Vestergaard Frandsen qui fabrique des moustiquaires imprégnées de produits répulsifs».
Cette situation a forcément des conséquences dans les habitudes des Nigérians. Et pour cause, ils utilisent de plus en plus des pesticides agricoles toxiques, explique Yayo Abdulsalam, chercheur et professeur à l’université Bayero de Kano, au nord du pays.

Vient s’ajouter à cela le problème des moustiquaires bon marché et de mauvaise qualité, des contrefaçons qui rentrent clandestinement au Nigeria. Ces moustiquaires imprégnées seulement à 50% de produits répulsifs, ne sont d’aucun danger pour les bestioles, bien au contraire. Ils survivent et passent le gène de résistance à la génération suivante explique Sam Awolola.
À la fin 2010, le gouvernement s’est fixé comme objectif la distribution de soixante-deux millions de moustiquaires.
Deji Asa, médecin de Lagos, a une astuce très simple : changer régulièrement d’insecticides parce qu’au bout d’un certain temps, les moustiques ne meurent plus après une pulvérisation.

Les conséquences du réchauffement climatique s’invite là où personne ne les attendait. Le sommet de Copenhague, espérons-le, apportera des solutions réelles à ce problème qui avance à visage masqué.

Source : « En Afrique, au Nigeria, les moustiques résistent et profitent du réchauffement climatique », France 24

En Mauritanie, une jeune française s’engage auprès d’une ONG espagnole

Arrivée à Nouakchott, la capitale du pays, au mois d’août dernier, la jeune normande a rejoint l’organisation non-gouvernementale espagnole ACPP (Asamblea de Cooperación por la Paz) comme technicienne de coopération. Dans un entretien, elle raconte son travail au quotidien, la mission de l’ONG, sur fond de recrudescence d’une menace terroriste. Pour des raisons de sécurité, elle ne tient pas à dévoiler son identité.

LA PEUR du terrorisme n’a de cesse de se renforcer en Mauritanie. Après l’attentat suicide qui a frappé l’ambassade de France à Nouakchott, la capitale, le 10 août dernier, c’est l’enlèvement de trois humanitaires espagnols qui ravive les inquiétudes. D’autant plus que ce rapt intervient trois jours après celui d’un ressortissant français, kidnappé dans le nord-est du Mali.

Revendiqués par l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) ces quatre enlèvements préoccupent. Certaines ONG (Organisation non-gouvernementale) font même part de leur intention de quitter prochainement le territoire mauritanien, à l’image de Medicos del Mundo.

Nous n’avons pas peur !

Pourtant, en dépit de ce climat peu engageant, la volonté de l’ONG espagnole demeure isolée. Sur place, la situation reste calme et l’heure n’est pas à l’affolement. « Oui, des ONG parlent quand même de partir, explique la jeune technicienne de coopération, mais sur place, il n’y a pas franchement de changements ». Et de poursuivre, « nous n’avons pas peur, je ne me sens pas en danger. Certes, je fais attention, je reste tranquille et discrète ». Pour la jeune femme, l’enlèvement des trois humanitaires reste un acte sporadique et non le signe de la montée, certes récente, d’une forme de terrorisme en Mauritanie et dans la zone sud du Sahel. « Les gens ne se laissent pas impressionner par une hypothétique menace » confie-telle.

Car sur le fond, cette action revêt davantage une forme de « marketing économique » qu’une réelle velléité de nature idéologique. Les cibles visées vont d’ailleurs dans ce sens. « Ils ne sont pas à proprement parler des humanitaires » explique la française. On compte en effet, parmi les trois otages espagnols, le directeur d’une société de tunnels ainsi qu’un dirigeant d’entreprise du secteur de la construction. « Leur aide est purement matérielle, poursuit la jeune membre d’Acpp, ce n’est pas réellement de la coopération mais juste un coup de main ». Une aide matérielle qui a suscité la convoitise des ravisseurs.

Pas de sentiment d’inquiétude donc chez la française. Préférant ne pas céder à l’alarmisme, elle insiste sur les vraies urgences en Mauritanie : « l’éducation, l’accès à l’eau, la protection, la sécurité alimentaire, la sensibilisation à l’hygiène, … ». Autant de nécessités qui rythment les journées au sein de l’ONG espagnole ACPP. Pour conduire à bien son action sur le terrain, l’organisation met en place plusieurs projets pilotes. « Il s’agit par exemple de l’installation de pompes solaires pour faciliter l’accès à l’eau dans les villages » raconte la coordinatrice. L’aide au développement concerne également les questions d’éducation, de sensibilisation et de formation, et notamment pour tout ce qui a trait à l’environnement, la gestion communautaire, l’égalité de genre…

Le développement, c’est tout un ensemble

Car si l’aide matérielle et la mise en place d’infrastructures sont nécessaires, elles ne sont en rien suffisantes. « Tout ce qui relève de la sensibilisation est le plus important, les infrastructures ne sont qu’un coup de pouce, le développement c’est tout un ensemble » reconnaît-elle. Et d’ajouter, « Il s’agit, au final, de faire comprendre aux gens qu’ils sont maîtres de ce développement ». D’où cette importance de l’éducation et de la sensibilisation qui doivent amener à une véritable « prise de conscience des populations et à une appropriation des projets ». Il s’agit là d’une vision participative de l’aide au développement, qui, selon la jeune femme, « est en train de prendre le dessus sur une vision de simple assistanat, de charité ». Ainsi, poursuit-elle, « il ne s’agit pas d’être de simples exécutants en se contentant de ce qu’ils demandent, c’est-à-dire une simple aide matérielle qui, sur le long terme, s’avérerait inefficace ».

Pour qu’une telle vision de la coopération puisse être une réalité, la présence régulière sur le terrain est une nécessité. L’humanitaire en est déjà à sa troisième mission depuis son arrivée au mois d’août 2009. Des missions d’observation, d’identification, qui permettent à l’organisation de « constater l’implication des personnes, de redynamiser les chefs de projet et de faire avec eux le bilan des opérations en cours ». Un suivi nécessaire et bien compris par les populations locales : « Ils ont bien conscience de leur intérêt à conduire au mieux les projets et à gérer correctement les infrastructures qui sont mises à leur disposition ».

Au final, si les besoins restent grands en Mauritanie, il y a quelques raisons d’être optimiste. « On constate des résultats satisfaisants, juge la jeune française, notamment auprès des femmes qui, dans ce pays, ont un poids très important ».

Dette publique en Afrique : la colonisation est-elle réellement révolue ?

Il y a 22 ans, le 15 octobre 1987, le président du Burkina-Faso, Thomas Sankara était assassiné. Il voulait crier trop fort ce qu’il pensait notamment de la responsabilité de la dette de l’Afrique dans la situation économique, sociale et politique du continent. Il a ouvert une prise de conscience, mais la situation reste inchangée.

Février 1885, les États européens (France, Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Espagne, Portugal) se réunissent lors de la conférence de Berlin pour décider, non sans débats, le partage de l’Afrique et sa colonisation. L’objectif affiché est « humanitaire » : «Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures», explique Jules Ferry, alors porte-parole de la gauche républicaine, quelques mois plus tard.

Il faudra ensuite attendre les années 1950 et 1960 pour que les pays africains obtiennent tour à tour leur indépendance. Une indépendance officielle.

En quittant le continent, l’occident leur a laissé la dette octroyée pour la bonne marche de la colonisation. Une dette à régler aux grands organismes financiers mondiaux : le FMI (Fonds Monétaire International) et la banque mondiale. Une dette qualifiée de multilatérale.

En parallèle, une seconde dette a déjà été mise en place, celle de l’aide publique au développement, qui n’est pas un don, mais un prêt à rembourser. Une dette bilatérale cette fois, émanant de politiques publiques des pays développés. En apparence à la manière du plan Marshall américain pour aider l’Europe après la seconde guerre mondiale. Mais, selon Thomas Sankara, «on nous a présenté des dossiers et des montages financiers alléchants. Nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans et même plus. C’est-à-dire que l’on nous à amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et plus».

C’est en grande partie grâce à ses richesses naturelles que l’Afrique rembourse. Le Mali et le Burkina-Faso exportent le coton, le Congo la banane notamment. Mais il faut se nourrir. Et les pays importent ensuite les produits finis conçus avec leurs matières premières exportées. Même constat pour le pétrole. Au Nigeria, plus grand producteur d’or noir africain, aucune raffinerie ne fonctionne. Selon Eric Toussaint, historien et politologue, la dette est un des principaux facteurs de la pauvreté dans le continent. «On empêche notamment le développement des producteurs locaux» et donc l’indépendance économique des pays, explique t-il.

Il a crée en 1990 le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM). Il reprend les réflexions revendiquées par Thomas Sankara dans son discours en juillet 1987 à Addis Abeba, trois mois avant sa mort :«La dette sous sa forme actuelle, est une reconquête savamment organisée de l’Afrique(…). Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. (…) Si nous payons nous allons mourir».

En 1999, le CADTM fait une pétition qui obtient 17 millions de signature en faveur de l’annulation de la dette. Présentée au G8 de Cologne la même année, la France et la Grande-Bretagne s’engagent à annuler 90% de la dette bilatérale des pays africains. Dix ans plus tard, «des allègements ont été effectués, mais ils sont loin d’être suffisants», souligne Eric Toussaint.

Peu d’efforts également ont été consentis par le FMI et la banque mondiale pour la dette multilatérale. En 1996, ils acceptent un allègement de la dette de 42 pays, dont la plupart en Afrique. Une condition cependant : les pays doivent prendre des « mesures d’ajustement structurel ». A savoir, la privatisation des entreprises publiques, de l’éducation, de la distribution de l’eau… Le Mali, le Mozambique et l’Ouganda ont ainsi réduit leur endettement, tout en réduisant encore leurs chances de développement social.

Se libérer du joug de la dette ne suffira pourtant pas. Une volonté politique sera nécessaire au sein des pays africains pour un développement endogène, et indépendant des importations. «Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, relève Éric Toussaint, les dirigeants ont tout intérêt à maintenir leur pays en état de soumission des aides publiques, aides grâce auxquelles ces derniers accumulent des richesses».

Au sein des populations locales, des manifestations sont régulièrement organisées pour dénoncer « cette colonisation financière » et la complicité des dirigeants africains, mais la situation a peu évolué. Au Zimbabwe, lors des élections présidentielles de mars dernier, de nombreux opposants au président dictateur sortant Robert Mugabe avaient été tués. Son adversaire Tsvangiraï s’était retiré avant le second tour, laissant le libre-arbitre au chef d’Etat.

De son côté, l’occident a d’autres responsabilités, Angolagate, dettes privées… qui assoient leur mainmise sur la situation économique, sociale et politique du continent africain.

La « françafrique » à l’épreuve de la « chinafrique »

L’Afrique s’affranchirait-elle de la françafrique ? L’émergence de la Chine sur le continent africain place la France dans une position concurrentielle nouvelle. Selon la Lettre du Continent, un rapport du Conseil des Affaires Etrangères, bientôt officialisé, propose une redéfinition « des intérêts économiques français face à l’irruption de nouveaux acteurs en Afrique ».

La France affronte une concurrence nouvelle sur « sa chasse gardée » qu’était l’Afrique : l’empire du Milieu. La publication prochaine du rapport du Conseil des affaires étrangères, qui analyse la pénétration chinoise en Afrique, pose la question des conséquences sur les intérêts économiques français. Ce rapport, placé sous la direction de Michel de Bonnecorse vient compléter une enquête de la mission économique française de Yaoundé (Cameroun) sur la présence chinoise en Afrique centrale.

Troisième partenaire commercial de l’Afrique, la Chine bouscule les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Bientôt la France. L’Elysée et les grandes entreprises françaises, qui lorgnent désormais sur l’Asie et l’Europe de l’Est, ne peuvent que constater l’entrée de plein fouet sur le marché africain de la République Populaire. Le forum sino-africain, organisé à Pékin en novembre dernier, est révélateur de l’ampleur qu’ont pris ces relations.

L’argument du colonialisme contre celui d’absence de conditionnalité politique

Mais la « realpolitik » adoptée par Pékin, celle qui fait fi des problèmes de corruption et de la nature du régime au pouvoir, déplaît fortement aux diplomates français. L’un d’eux s’inquiétait que « les Chinois investissent en Afrique sans tenir compte des exigences de bonne gouvernance ». En accusation ici, les liens tissés avec le Soudan et le Zimbabwe. Le rapport « de Bonnecorse » abonde dans ce sens : « l’aide chinoise est très appréciée des dirigeants africains pour l’absence de conditionnalité politique ». Cette politique de Pékin fait grincer des dents Paris et la Banque Mondiale, inquiets que la Chine s’implique en Afrique sans prendre conseil. Ce à quoi a répondu Zhai Jun, ministre délégué aux Affaires étrangères, dans un entretien au Figaro : « La Chine n’attache aucune condition à sa coopération. Elle n’entend imposer à quiconque, et encore moins à l’Afrique, une idéologie, des valeurs ou un mode de développement. » Le contre-pied est parfait. Car la France, comme ses « alliés » occidentaux, conditionnaient, depuis les années 1980 (Discours de la Baule de François Mitterrand lors du 16ème Sommet des chefs d’Etat de France et d’Afrique), toute aide à des progrès dans la gouvernance démocratique, soutenant pourtant des régimes souvent tout aussi contestables. La recrudescence des conflits ethniques depuis une quinzaine d’années remet en question cette politique.file_214775_54524.jpg

Plus de la moitié des appels d’offre remportés par les Chinois dans les contrats de travaux publics

Si elle nie vouloir « déloger » la France, la Chine veut se poser en alternative aux ex-puissances coloniales qui ont eu la mainmise exclusive sur un continent qu’ils ont trop longtemps dominé. Elle se positionne donc comme le chantre de l’aide aux pays du sud alors que la France semble toujours plus soupçonnée et accusée de néocolonialisme, particulièrement par les anglo-saxons. Néanmoins, cette présence nouvelle oblige à repenser la françafrique. Premier fournisseur de l’Afrique subsaharienne devant la France avec 11% des parts de marché, la Chine et ses entreprises remportent de plus en plus d’appels d’offre face aux Français. Particulièrement en ce qui concerne les infrastructures (routes, ports, immobilier) et les télécommunications : plus de la moitié des appels d’offre remportés dans les contrats de travaux publics. La principale agence de financement en Afrique est désormais chinoise.

« Abandonner le béton pour la technologie »

Cela n’est pas sans impact sur les stratégies économiques françaises. Seules des entreprises comme Total ou Areva restent solidement installées grâce à des bastions bien ancrés, en Afrique de l’Ouest francophone principalement. Le rapport du Conseil des Affaires étrangères recommande « d’abandonner le béton pour la technologie, l’ingénierie et la sophistication »(ce que nombres d’entreprises françaises ont déjà commencé à faire isolément depuis de nombreuses années). Là où la Chine ne peut pas offrir de comparaison avantageuse. Il est également préconisé de nouer des relations sur place avec les Chinois dans des accords de sous-traitance ou d’intermédiation. En clair, la France est distancée dans certains domaines où la Chine utilise des armes faussant la concurrence. Elle ne joue plus sur les mêmes tableaux donc elle cherche à coopérer.

La Chine reproduit en Afrique un schéma longtemps utilisé par la France en Afrique de l’Ouest et qui a réussi aux Anglo-Saxons en Afrique du Sud : exploitation des matières premières et perspectives de nouveaux marchés en échange d’exportations de produits manufacturés et développement des infrastructures. Avec une croissance inégalée et des besoins en matières premières importantes, la Chine tourne, plus que jamais, ses yeux vers le Sud et notamment le continent noir, ancien « terrain de jeu » des Français pour sa partie occidentale. La Chinafrique après la Françafrique : l’Afrique y trouvera-t-elle son compte ?

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Plus de la moitié des appels d’offre remportés par les Chinois dans les contrats de travaux publics

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Cela n’est pas sans impact sur les stratégies économiques françaises. Seules des entreprises comme Total ou Areva restent solidement installées grâce à des bastions bien ancrés, en Afrique de l’Ouest francophone principalement. Le rapport du Conseil des Affaires étrangères recommande « d’abandonner le béton pour la technologie, l’ingénierie et la sophistication »(ce que nombres d’entreprises françaises ont déjà commencé à faire isolément depuis de nombreuses années). Là où la Chine ne peut pas offrir de comparaison avantageuse. Il est également préconisé de nouer des relations sur place avec les Chinois dans des accords de sous-traitance ou d’intermédiation. En clair, la France est distancée dans certains domaines où la Chine utilise des armes faussant la concurrence. Elle ne joue plus sur les mêmes tableaux donc elle cherche à coopérer.

La Chine reproduit en Afrique un schéma longtemps utilisé par la France en Afrique de l’Ouest et qui a réussi aux Anglo-Saxons en Afrique du Sud : exploitation des matières premières et perspectives de nouveaux marchés en échange d’exportations de produits manufacturés et développement des infrastructures. Avec une croissance inégalée et des besoins en matières premières importantes, la Chine tourne, plus que jamais, ses yeux vers le Sud et notamment le continent noir, ancien « terrain de jeu » des Français pour sa partie occidentale. La Chinafrique après la Françafrique : l’Afrique y trouvera-t-elle son compte ?

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Troisième partenaire commercial de l’Afrique, la Chine bouscule les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Bientôt la France. L’Elysée et les grandes entreprises françaises, qui lorgnent désormais sur l’Asie et l’Europe de l’Est, ne peuvent que constater l’entrée de plein fouet sur le marché africain de la République Populaire. Le forum sino-africain, organisé à Pékin en novembre dernier, est révélateur de l’ampleur qu’ont pris ces relations.

L’argument du colonialisme contre celui d’absence de conditionnalité politique

Mais la « realpolitik » adoptée par Pékin, celle qui fait fi des problèmes de corruption et de la nature du régime au pouvoir, déplaît fortement aux diplomates français. L’un d’eux s’inquiétait que « les Chinois investissent en Afrique sans tenir compte des exigences de bonne gouvernance ». En accusation ici, les liens tissés avec le Soudan et le Zimbabwe. Le rapport « de Bonnecorse » abonde dans ce sens : « l’aide chinoise est très appréciée des dirigeants africains pour l’absence de conditionnalité politique ». Cette politique de Pékin fait grincer des dents Paris et la Banque Mondiale, inquiets que la Chine s’implique en Afrique sans prendre conseil. Ce à quoi a répondu Zhai Jun, ministre délégué aux Affaires étrangères, dans un entretien au Figaro : « La Chine n’attache aucune condition à sa coopération. Elle n’entend imposer à quiconque, et encore moins à l’Afrique, une idéologie, des valeurs ou un mode de développement. » Le contre-pied est parfait. Car la France, comme ses « alliés » occidentaux, conditionnaient, depuis les années 1980 (Discours de la Baule de François Mitterrand lors du 16ème Sommet des chefs d’Etat de France et d’Afrique), toute aide à des progrès dans la gouvernance démocratique, soutenant pourtant des régimes souvent tout aussi contestables. La recrudescence des conflits ethniques depuis une quinzaine d’années remet en question cette politique.file_214775_54524.jpg

Plus de la moitié des appels d’offre remportés par les Chinois dans les contrats de travaux publics

Si elle nie vouloir « déloger » la France, la Chine veut se poser en alternative aux ex-puissances coloniales qui ont eu la mainmise exclusive sur un continent qu’ils ont trop longtemps dominé. Elle se positionne donc comme le chantre de l’aide aux pays du sud alors que la France semble toujours plus soupçonnée et accusée de néocolonialisme, particulièrement par les anglo-saxons. Néanmoins, cette présence nouvelle oblige à repenser la françafrique. Premier fournisseur de l’Afrique subsaharienne devant la France avec 11% des parts de marché, la Chine et ses entreprises remportent de plus en plus d’appels d’offre face aux Français. Particulièrement en ce qui concerne les infrastructures (routes, ports, immobilier) et les télécommunications : plus de la moitié des appels d’offre remportés dans les contrats de travaux publics. La principale agence de financement en Afrique est désormais chinoise.

« Abandonner le béton pour la technologie »

Cela n’est pas sans impact sur les stratégies économiques françaises. Seules des entreprises comme Total ou Areva restent solidement installées grâce à des bastions bien ancrés, en Afrique de l’Ouest francophone principalement. Le rapport du Conseil des Affaires étrangères recommande « d’abandonner le béton pour la technologie, l’ingénierie et la sophistication »(ce que nombres d’entreprises françaises ont déjà commencé à faire isolément depuis de nombreuses années). Là où la Chine ne peut pas offrir de comparaison avantageuse. Il est également préconisé de nouer des relations sur place avec les Chinois dans des accords de sous-traitance ou d’intermédiation. En clair, la France est distancée dans certains domaines où la Chine utilise des armes faussant la concurrence. Elle ne joue plus sur les mêmes tableaux donc elle cherche à coopérer.

La Chine reproduit en Afrique un schéma longtemps utilisé par la France en Afrique de l’Ouest et qui a réussi aux Anglo-Saxons en Afrique du Sud : exploitation des matières premières et perspectives de nouveaux marchés en échange d’exportations de produits manufacturés et développement des infrastructures. Avec une croissance inégalée et des besoins en matières premières importantes, la Chine tourne, plus que jamais, ses yeux vers le Sud et notamment le continent noir, ancien « terrain de jeu » des Français pour sa partie occidentale. La Chinafrique après la Françafrique : l’Afrique y trouvera-t-elle son compte ?