Le stade Yves-du-Manoir coûte-t-il trop cher ?

Chaque année, la ville de Montpellier arrose ses clubs sportifs de subventions, des sommes parfois colossales supposées embellir et enrichir, à terme, la Surdouée. Mais les résultats sont loin d’être toujours visibles aux yeux du grand public. Illustration avec le stade Yves-du-Manoir.

Quand il s’agit de sport, Montpellier sait se montrer généreuse. La ville la plus sportive de France en 2012 selon l’Académie des sports aide les clubs locaux à grands renforts de subventions et du paiement d’une partie de la création des équipements. Avec 600.000 euros reçus pour la saison 2011-2012, le Montpellier Hérault Rugby Club (MHRC) est parmi les mieux lotis. D’autant que s’ajoutent quelques prestations de services comme l’achat de places ou la location par la ville d’une loge et de panneaux publicitaires. En outre, Frêche aura veillé au grain en transférant la compétence sportive de la municipalité à l’Agglomération dont les ressources financières sont plus importantes, bien que la ville renfloue encore, à raison par exemple de 110.000 euros reçus par le MHR selon les comptes municipaux de juillet 2013.

Des retombées économiques en demi-teinte pour certains…

L’équipe de rugby montpelliéraine sait se faire respecter, même en dehors du terrain. Pour cela, elle s’est dotée en 2011 d’un actionnaire richissime, Mohed Altrad, homme d’affaires syrien classé 118e fortune française selon le magazine Challenges, qui a investi pas moins de 2,4 millions d’euros dans le club. Qui dit grosse équipe dit gros stade, pour accueillir dans des conditions décentes. Le MHR a élu domicile à Yves-du-Manoir en 2007 : sa rénovation aura coûté près de 63 millions d’euros dont 10 millions aux frais de la capitale héraultaise. Si le MHR peut se prévaloir d’un excellent palmarès à domicile, l’édifice aux 14.000 places peine à générer des retombées économiques dignes de ce nom pour les commerces alentours.

En vérité, il agace plutôt les boutiques du centre commercial de l’Ovalie, situé juste en face. « Les jours de match, il n’y a personne, même pas mes clients habituels. » déplore Xavier, de la boucherie Boldrini. « Si ça tombe en plein samedi après-midi, je peux perdre jusqu’à 40% de mon chiffre d’affaires ! » ajoute-t-il. À la Maison de la presse, Zora renchérit : « Le problème vient du parking : il y a trop peu de places autour du stade donc les gens viennent se garer devant nos commerces. Nos clients ne peuvent pas venir et on perd de l’argent ! ». A contrario, la pizzeria voisine semble tirer son épingle du jeu. Sylvain, son propriétaire, ne perd au change : « Mes clients habituels ne viennent pas mais ils sont remplacés par les supporteurs. Les matchs m’apportent environ 15% de chiffre d’affaires supplémentaire ».

… tandis que d’autres (se) régalent

Côté tram, les avis divergent. « Il y a plus de fréquentation lors des matchs et les supporteurs consomment. Pour nous, la proximité du stade est un plus. », explique Christelle de la Brasserie des Grizettes. Un constat que partage Béatrice dans son tabac-presse : « Les jours où il y a de grosses rencontres, par exemple pendant la coupe d’Europe, il y a vraiment du monde. C’est rentable pour nous. » À cette rentabilité, pas de secret : la proximité de la ligne 2 du tramway ainsi que la mise en place d’une navette entre la station Sabines et le stade ont joué un rôle bénéfique primordial. Étiennette, employée de la TaM (Transports de l’agglomération de Montpellier), confirme : « Le forfait à 2 euros mis en place les jours de match incite les supporteurs à prendre les transports en communs. »

D’autres entreprises tirent profit des activités du stade, à l’image du Traiteur des Garrigues. Située à Saint-Jean-de-Védas, l’entreprise sert les 1500 repas d’après-match depuis le début de la saison sportive. Et la troisième mi-temps est un marché conséquent ! « Ça représente 16 matchs par an auxquels on peut ajouter une dizaine de prestations en fonction des résultats du club. » rapporte Nordine, employé par l’entreprise. Et pas moins de 15% du chiffre d’affaires total du traiteur, qui a recruté une trentaine de salariés supplémentaires pour l’occasion. « Les retombées ne nous concernent pas exclusivement. On a investi dans du matériel, on loue régulièrement des véhicules et on fait appel à des producteurs régionaux pour certains produits. En ce qui nous concerne, le marché nous permet surtout de montrer notre savoir-faire en tant que traiteur » conclut Nordine. Une affaire qui profiterait à tous, en somme. Sauf peut-être aux comptes publics…