Tout semble bien calme dans le grand hall de la gare de Montpellier, ce samedi 23 novembre à minuit. Sur le quai du fond, pourtant, deux contrôleurs accompagnés d’un agent de police ferroviaire accueillent les voyageurs qui ont décidé de rejoindre la capitale le lendemain au petit matin. Ayant réservé leur billet avec le service Idnight, affilié au site internet Idtgv, les quelques personnes qui se jaugent timidement du regard se sont toutes vues promettre une folle nuit de voyage, agrémentée de fête et de musique.
Le concept Idnight : séduire un public jeune en proposant des voyages de nuit en TGV à des tarifs compétitifs (le billet est à partir de 15 euros), le tout assorti d’une foule d’animations. En prenant son billet, l’utilisateur imagine, rêveur, les deux espaces de divertissement dans lesquels il pourra chercher à rencontrer son prochain durant toute la nuit. Le bar Idzinc, tout d’abord, propose des performances musicales de dj’s et de groupes de musique. Un tremplin musical pour les artistes en herbe, et un service de restauration adapté aux besoins des « oiseaux de nuit ». Et pour ceux qui préfèrent passer la nuit au calme, l’espace Idlounge permet d’avoir accès à des jeux et de lire gratuitement la presse, le tout dans une ambiance tamisée reposante.
Pourtant, sur le quai quasi-désert, l’ambiance est loin d’être à la hauteur des ambitions affichées. On croise là des personnes de tous âges emmitouflées dans leurs grands manteaux, laissant timidement apparaître des yeux qui paraissent déjà bien endormis.
Peu d’ambiance mais une nuit agitée
Monté dans le train, on s’installe d’une manière conventionnelle, en se contentant d’échanger avec son voisin les simples politesses d’usage. Originalité, et non des moindres, de nombreuses places sont vacantes, ce qui permet à chacun de trouver l’endroit qui sied le plus à sa convenance. Mais pas le temps de poser sa nuque sur l’appui-tête qu’une hôtesse hèle déjà l’assistance : « Allez, vous êtes en train de faner ! On vous attend à la voiture-bar !» Dans le fond du wagon, un passager a déjà retiré ses chaussures. Un autre allume son ordinateur. Et doucement mais péniblement, chacun cherche un moyen de passer la nuit sur son siège de la manière la plus confortable possible.
Ceux qui veulent se divertir doivent d’abord enjamber les corps des passagers endormis, puis traverser de nombreux wagons vides avant d’entendre raisonner les sirènes de la nuit. Tout au bout du couloir, on semble apercevoir des lumières vives, et un bruit sourd grandit tandis que l’on ouvre les portes une à unes. Pourtant, arrivé dans la voiture 14, le voyageur clubber sent monter en lui une déception. Le Dj est certes là, affichant sa bonne volonté en poussant le volume plus que de raison, mais la « piste », elle, est franchement clairsemée. Un petit groupe d’étudiants jette un coup d’œil avant de rebrousser chemin. Une dame commande un coca au comptoir. Sophie, qui assure le service ce soir-là, tente de trouver une explication : «C’est sûr que le samedi, c’est calme. Les gens qui partent en week-end font la route le vendredi.» Edifiant.
« Rien ne va plus »
Les plus téméraires se tournent alors vers l’espace Idlounge, pour voir s’il n’y a pas un bon moment à passer. Ils sont dirigés vers un wagon où les tables vierges ont été recouvertes d’un tapis de jeu vert et où les lumières marchent à plein. Dans un coin, plusieurs exemplaires d’un magazine présentant les métiers de l’aide aux personnes handicapées reposent en vrac. Seul un couple discute tranquillement sans prêter attention aux rares passages des oiseaux esseulés. Il est 1 heure du matin et le fait de croiser quelqu’un se fait de plus en plus rare. Il est l’heure d’aller se trouver un endroit supportable pour trouver le sommeil. On éteint les lumières, un contrôleur fait une dernière ronde, comme pour nous signifier qu’il nous souhaite bonne nuit. Derrière la vitre, on a à peine le temps de deviner le tracé des montagnes : l’usine nucléaire de Tricastin, puis celle du Cruas viennent masquer les paysages drômois alors que l’on ferme les yeux.
Arrivé à 7h du matin (le train roule au ralenti…), les nuques sont raidies et les yeux embués. Heureuse surprise, on sert gratuitement le café à volonté à tous les passagers. Un petit geste qui fait oublier la frustration qu’ont pu ressentir dans la nuit les utilisateurs fougueux de ce service encore peu connu. Mais pouvoir contempler un lever de soleil depuis la butte Montmartre sur un coup de tête sans débourser des sommes folles, ça vaut bien une nuit de sommeil agitée.
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