Ingrid Betancourt : le dangereux tapage médiatique

Par le 1 mars 2008

Depuis six ans, Ingrid Betancourt est détenue par les FARC dans la jungle colombienne. A priori, elle est une otage comme les autres, comme des milliers d’autres. Ses vieilles amitiés avec Dominique de Villepin ne lui sont d’aucun secours. Bien au contraire, il en a même fait l’otage la plus chère du monde !

Dominique de Villepin et Ingrid Betancourt se connaissent depuis plus de vingt-cinq ans. Alors qu’elle entreprend des études à Sciences Po Paris, elle se lie d’amitié avec son professeur. En février 2002, l’enlèvement de l’ex-sénatrice colombienne devient, en France, autant une affaire d’État que personnelle pour le futur Premier ministre. La presse hexagonale met en avant sa double nationalité Franco-Colombienne. Son premier mari est Français et Mélanie et Lorenzo sont nés de cette union mais Ingrid Betancourt a vite été emportée par les démons de la politique. Elle se croit alors un destin présidentiel en Colombie.

La sur-médiatisation de la séquestration, due en partie à Dominique de Villepin, nuit au processus de libération. D’autant qu’il est entaché d’une rocambolesque expédition d’agents qui ne sont pas restés secrets très longtemps… Surtout que ces coups de projecteurs répétés rejettent dans l‘ombre des milliers d’otages. Ils survivent, tant bien que mal dans la forêt vierge colombienne sans que personne n’en parle. L’une d’elles est même décédée dans l’anonymat. En France, personne ne connaît Aïda Duvaltier. Pourtant, cette Française a pris la place, dans les geôles de la guérilla, de son mari malade. Elle est morte en captivité dans l’indifférence la plus totale.

Coup de projecteur
sur les FARC

Aujourd’hui, la France estime qu’Alvaro Uribe, président Colombien, ne lève pas le petit doigt pour Ingrid Betancourt. Beaucoup pensent même qu’il veut écarter une opposante gênante. Argument non recevable car la candidate ne représentait que 0,3% des intensions de vote en 2002. Toutes les négociations entreprises par Bogota sont repoussées par les FARC devenues radicalement révolutionnaires. Ces groupes de terroristes usent de la prise d’otages et du trafic de drogue. Le moins que l’on puisse dire est que le Président Alvaro Uribe n’a pas la tâche facile d’autant qu’il subit une forte pression internationale.

Hugo Chavez et Nicolas Sarkozy donnent le tempo au cirque médiatique ; le premier se voit en libérateur de l’Amérique du Sud, en reprenant l’héritage de Simon Bolivar et Fidel Castro : le second surfe sur le tapage médiatique.

Parallèlement, à Bogota, certains responsables de la sécurité élèvent la voix pour alerter qu’une telle publicité faite autour d’Ingrid Betancourt ne peut que nuire à sa libération prochaine. Chaque action, chaque article, chaque manifestation, photo ou reportage contribuent en effet à faire grimper en flèche le montant de la rançon qui sera demandée un jour ou l’autre pour libérer l’otage. Les acteurs directs ou indirects de ce tapage médiatique en ont-ils une claire conscience ? La famille elle-même qui s’expose, ne pense-t-elle pas que son action pourrait être contre productive ? En effet, qui peut avoir la faiblesse de penser que les FARC céderaient à une telle pression ?

Et les journalistes dans cette affaire ? Quelle doit-être leur attitude ? Suivre l’information et la relater même au détriment d’Ingrid Betancourt ou se poser en conscience la question de savoir si leur attitude, outre le fait de mettre à la une les FARC, ne va pas à l’encontre des objectifs affichés ?

Éternelle question que soulève l’affaire Betancourt sans cependant apporter des éléments de réponse.

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à propos de l'auteur

Auteur : Jean-Philippe Juan

Depuis très jeune, le journalisme m'attire. Pour confirmer mon choix, j'ai entrepris un stage au Midi Libre de Béziers en 2001. Mes certitudes en poche, j’y suis retourné l'été suivant avec une grande impatience. L'an dernier, j’ai intégré le master journalisme de Montpellier 1 pour recevoir les bases nécessaires à ce métier et pouvoir rédiger très régulièrement dans le cadre de nos exercices et pour le site internet que nous créons. Après des stages à Corse-Matin Bastia en avril 2008, à la Dépêche du Midi Carcassonne en mai puis à Midi Libre Béziers en juillet, j'ai été embauché, en CDD, par Midi Libre à Béziers en août, une semaine à Narbonne en septembre et un mois en octobre à Carcassonne. Depuis début novembre 2008, je travaille de nouveau à la locale de Narbonne. J'ai par ailleurs obtenu ma carte de presse en octobre 2009.